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MNA : les droits de l’enfant menacés par un accord franco-marocain

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Jeune homme avec un sweat à capuche.

Photo d'illustration 

Crédit photo Adobe Stock
La signature d’un accord franco-marocain visant à faciliter le retour au Maroc de mineurs non accompagnés inquiète les professionnels de l’enfance. Le texte, qui n’a pas été rendu public, pourrait tendre à les rapatrier à tout prix, en dépit de la Convention internationale des droits de l’Enfant.

Lundi 7 décembre, à Rabat (Maroc), le ministre français de la Justice, Eric Dupond-Moretti, et son homologue marocain, Mohamed Benabdelkader, ont signé un accord sur la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA) ressortissants du Maroc.

Révélée par nos confrères de l’Agence France presse (AFP), la signature de l’accord traduit la volonté conjointe de faciliter, par des « outils concrets », le retour de ces mineurs dans leur pays d’origine. La situation des MNA marocains en errance, présents principalement à Paris, dans le quartier de la Goutte d’Or, mais aussi dans plusieurs villes de province, préoccupe le gouvernement français en raison des troubles à l’ordre public générés et des conditions de vie précaires de ces jeunes.

En substance, l’accord décline les étapes pour identifier les mineurs et leur situation, et rappelle les modalités d’organisation des retours, en famille ou en placement en institution, envisagées par la juridiction des mineurs. Si le ministère de la Justice ne souhaite pas rendre public le document, Emmanuelle Masson, sa porte-parole, indique à la rédaction des ASH que « la déclaration d’intention porte sur la diffusion aux magistrats de la jeunesse de chacun des pays concernés par ce schéma de procédure, avec l’objectif de fluidifier davantage les échanges d’informations et ainsi permettre à ces magistrats de disposer des éléments indispensables pour prendre les mesures les plus adaptées à l’intérêt de ces enfants ».

Vigilance sur l’intérêt supérieur de l’enfant

La prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, inscrit dans la Convention internationale des droits de l’Enfant, pose pourtant question. Pour la déterminer, des informations fiables sur l’accord de la famille et sur les conditions de vie proposées doivent être recensées. « Un rapport social comme ceux de l’aide sociale à l’enfance (ASE) est nécessaire au juge des enfants pour statuer. Cela pose la question des moyens mis en place par le partenaire marocain pour y parvenir. L’intérêt de l’enfant ne doit pas être confondu avec l’intérêt politique du Maroc », s’inquiète Jean-François Martini, chargé d’études pour le Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés). Il précise que l’enfant doit a minima bénéficier du soutien d’un avocat pour s’assurer de son consentement. La vigilance se porte sur la capacité des familles à les accueillir ou sur le risque de leur mise en cellule à l’arrivée.

Car ces enfants, parfois très jeunes, ont traversé plusieurs pays après avoir quitté leur famille. « Ils ne sont pas partis sans raison, et ça ne doit pas être remis en cause. Ces jeunes ne sont pas tous originaires du Maroc. Ils viennent souvent de zones rurales et de familles monoparentales que les sociétés rejettent. Parfois victimes de traite ou d’exploitation, ils ont besoin de soins pour répondre aux carences affectives, nutritives et éducatives dont ils souffrent tous. Pour eux, la solution adéquate ne sera jamais une approche sécuritaire et coercitive par un accord entre ministères », indique Aurélie El Hassak-Marzorati, directrice générale du Casp (Centre d’action sociale protestant), qui assure la prise en charge des MNA de la Goutte d’Or, à Paris, via des maraudes et la mise en place d’un accueil de jour et d’un abri de nuit.

Des solutions inadaptées

Il ne s’agit pas là d’une première tentative. En 2007, un accord franco-roumain tendait vers les mêmes objectifs. A la suite de leur reconduite, de jeunes Roumains s’étaient retrouvés victimes de traite ou à nouveau sur le chemin de l’exil. En 2010, une décision du Conseil constitutionnel avait jugé le texte totalement non conforme.

Multirécidivistes et très mobiles, ces mineurs commettent souvent leurs infractions sous le joug de réseaux mafieux. « Comme ils sont insaisissables, la France souhaite s’en débarrasser. Il n’y a aucune solution adaptée. Des lieux cumulant du soin et de l’accueil éducatif bienveillant n’existent pas. Les centres éducatifs fermés (CEF) ne conviennent pas non plus », explique Isabelle Roth, avocate, coresponsable du pôle « mineurs isolés étrangers » du barreau de Paris.

Pour sa part, le Casp regrette de ne pas avoir été consulté par le ministère de la Justice. « Un éloignement brutal pourrait avoir des conséquences graves car, comme tout enfant, ces jeunes doivent être considérés individuellement. Et il serait opportun que tous les acteurs concernés (ASE, municipalités, structures d'hébergement… ) se rencontrent », conclut Aurélie El Hassak-Marzorati.

 

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