Alors que le changement de la base de calcul de l’aide personnalisée au logement (APL) a débuté le 1er janvier 2021, plusieurs acteurs du secteur de l’hébergement s’inquiètent. Désormais, le montant de l’APL se base sur les revenus de l’année précédente, revus chaque trimestre, alors que jusqu’à la fin 2020, il tenait compte de ceux de l'année N - 2.
« Le montant des versements est à présent révisé tous les trois mois et il est lissé sur les 12 derniers mois. Seule la base de ressources change car le mode de calcul est inchangé », précise le cabinet d’Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement, à la rédaction des ASH.
Si, pour le ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, la réforme permet de renforcer l’adaptation de l’APL aux besoins réels des bénéficiaires, pour l’association DAL (Droit au logement) et la Fondation Abbé-Pierre, il s’agit d’un nouveau « coup de rabot ».
Des allocataires pénalisés
Baisse générale de 5 € par mois, extinction de l’APL accession, gel des montants en 2018 puis évolution de + 0,3 % en 2019 et 2020… Depuis 2017, la succession de mesures pénalisantes pour les allocataires alors que les loyers et les charges augmentent est jugée préoccupante et inadaptée sur le plan social. « Nous sommes face à une paupérisation des locataires qui demandent de plus en plus l’APL. Les conséquences des économies générées sont claires : on va forcément vers une aggravation de la crise du logement avec des impayés et des expulsions. Tout cela influe ensuite sur les organismes d’aide alimentaire », analyse Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole du DAL.
L’inquiétude tient en partie à la décision du gouvernement qui, au travers de la loi de finances pour 2021, a décidé de revoir à la baisse ses objectifs plutôt que de les annuler. « Lors de la préparation de la loi de finances 2020, il était prévu que la réforme entraîne des économies évaluées à 1,2 milliard d’euros. Le retournement de la conjoncture économique dû à l’ampleur de la crise sanitaire aura pour conséquence une baisse des ressources des foyers. […] La mise en place de la réforme devrait ainsi entraîner des économies estimées à 750 millions d’euros », indique le texte.
La solidarité en question
Selon Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre, « au regard de la situation de 2020, nous savons que le nombre d’allocataires va augmenter. Alors il ne faut pas nous faire croire que personne ne sera laissé pour compte. Nous souhaitons au moins que cet argent soit réinjecté. Il y a un réel souci car l’APL est un outil très important en matière de protection sociale et de solidarité. Techniquement, nous ne sommes pas opposés à cette réforme mais la place des APL dans la société pose question ».
Le cabinet de la ministre déléguée au logement, quant à lui, indique que les calculs sont très approximatifs en raison du manque de données concernant la situation financière des allocataires. Il faudra donc attendre la fin du premier semestre 2021 pour y voir plus clair. « Si les revenus augmentent, les APL baissent et vice-versa. La ministre Emmanuelle Wargon considère qu’il est plus juste de prendre en compte l’évolution du niveau de vie rapidement plutôt que deux ans après », indique son cabinet.
Les associations s'interrogent aussi sur l’impact de la nouvelle réforme sur les jeunes qui débutent un premier emploi ou sur ceux qui ont des emplois précaires. « Nous sommes conscients, malgré le fait qu’ils ne perdent rien, que pour eux, auparavant, l’APL constituait une sorte de coup de pouce à l’installation. Nous sommes donc en train de réfléchir à un moyen de les aider sur ce plan-là », annonce le ministère.