C’est une annonce qui n’a pas laissé les élus de terrain indifférents. Un projet qui, selon Martial Bourquin, le maire d’Audincourt (Doux), « porterait un coup très important aux politiques sociales des communes ». Dans le cadre de la mission Roquelaure sur la simplification de l’action sociale, lancée le 28 avril 2025, le gouvernement envisage en effet de supprimer l’obligation pour les communes de créer un centre d’action sociale (CCAS).
Cette perspective a immédiatement faire réagir l’Union nationale des centres communaux d’action sociale (Unccas) qui, dans un communiqué publié deux jours plus tard, s’inquiète d’un « risque de recul grave pour la politique sociale de proximité ». À Audincourt, Martial Bourquin, également vice-président de l’Unccas, dénonce une logique purement comptable : « On cherche des économies partout, sauf là où il faudrait. Comment peut-on imaginer une France sans CCAS ? »
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Dernières digues
Pour l’Unccas, la suppression des CCAS entraînerait la dilution des responsabilités, une augmentation des ruptures de parcours et une complexification des démarches. Tel est du moins le constat qui a été fait dans certaines communes de moins de 1500 habitants après la loi NOTRe (Nouvelle organisation territoriale de la République)[1].
« Dans un contexte où 14,5 % de Français vivent sous le seuil de pauvreté, supprimer les CCAS, c’est abandonner une des dernières digues », redoute Martial Bourquin. Et le maire d’Audincourt d’illustrer la place centrale occupée par le CCAS dans sa commune. « Toute l’ingénierie sociale est pilotée par le CCAS. S’il y a bien une compétence que la ville ne pourrait pas compenser si le CCAS disparaissait, c'est cette capacité à faire de l’action sociale, et non de l’aide sociale, grâce à l’intervention de professionnels qualifiés. » Des CCAS qui sont parfois les seuls guichets identifiés, capables d’accompagner durablement les usagers, de mobiliser des solutions adaptées et d’assurer un suivi individualisé. « Environ 30% des personnes qui ont droit à des minima sociaux ne les demandent pas. A Audincourt, nous avons recruté, via le CCAS, une personne chargée d’aller à la rencontre des invisibles dans les quartiers sensibles, ceux qui sont dans une misère profonde, pour les aider à se réinsérer socialement et accéder à leurs droits. Ce travail d’accompagnement, d’écoute est une mission à part entière, qui exige une grande spécialisation », insiste Martial Bourquin.
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Simplifier sans pénaliser
Pour l’élu, cette réforme ne répond pas à sa promesse de simplification, d’autant qu’elle n’a fait l’objet d’aucune consultation de l’Unccas au préalable.
Aussi l’association représentant l’ensemble des CCAS de France demande-t-elle au gouvernement l’ouverture d’une « véritable concertation avec les acteurs concernés ». Celle-ci permettrait d’améliorer les dispositifs existants dans un objectif de simplification, sans sacrifier la qualité du service public. « Je suis en faveur de l’automaticité des droits, pratiquée dans plusieurs pays européens. Cela coûterait sans doute plus cher, mais il y aurait moins de misère. Et à long terme, ce serait un gain pour la société », suggère Martial Bourquin.
Pour répondre aux problématiques spécifiques des petites communes, il estime que la création de conseils intercommunaux d’action sociale (CIAS) est une solution pertinente, à condition que cela ne serve pas de prétexte pour désengager l’Etat ou fragiliser les politiques sociales locales. Dans l’immédiat, l’urgence pour l’Unccas est de renoncer sans délai à la suppression de l’obligation de CCAS. « Si on n’agit pas maintenant, on se prépare à des lendemains très difficiles », conclut Martial Bourquin.
[1] Adoptée en 2015, cette loi a profondément réformé la répartition des compétences entre les collectivités territoriales en France. Elle a notamment modifié le seuil de création obligatoire de certains services communaux, comme les Centres communaux d’action sociale (CCAS), dont la présence n’est plus obligatoire dans les communes de moins de 1 500 habitants.