Rendus publics le 4 mars, les premiers constats de la Cour des comptes relatifs à la conception et à la mise en œuvre du dispositif de réduction de loyer de solidarité (RLS) sont sans concession. En effet, bien que l’impact de la réforme ne soit pas encore totalement mesurable, des difficultés sont déjà dénombrées.
« Si la Cour constate l’importance de ses effets budgétaires, le dispositif soulève des difficultés importantes de mise en œuvre, en raison notamment de son insuffisante préparation, de sa complexité et de son impact financier pour les bailleurs sociaux. Le réexamen de la RLS, prévu en 2022, devra améliorer la cohérence entre objectifs d’économies, simplification des politiques publiques et soutenabilité technique et financière pour le secteur du logement », résume la juridiction financière.
Pour rappel, la RLS, instituée par la loi de finances pour 2018, vise à réduire de 800 millions d’euros par an le coût des aides personnalisées au logement (APL) pour l’Etat. Concrètement, les bailleurs sociaux financent une remise de loyer aux locataires, en contrepartie d’une baisse quasi équivalente de leurs APL.
Inégalités pour les bénéficiaires
La mise en œuvre de la RLS, qui ne devait pas générer d’impact sur les allocataires concernés, occasionne malgré tout des inégalités entre locataires.
Par exemple, « s’agissant des locataires du parc social qui sont bénéficiaires de ce dispositif mais qui ne sont pas allocataires des APL, la RLS fonctionne comme une baisse de loyer nette », explique la Cour des comptes. Paradoxalement, pour les allocataires d’APL, la baisse de loyer est quant à elle neutralisée par celle de leurs aides personnalisées.
Autre conséquence en matière d’effectivité : l’augmentation de la charge de travail pour les opérateurs sociaux gestionnaires des APL et pour les bailleurs sociaux. En cause, la complexité du repérage des bénéficiaires en raison de l’évolution régulière de leur situation personnelle, qui fait varier leurs montants à percevoir ou mène à leur retrait du dispositif.
« Ces évolutions sont communiquées régulièrement aux bailleurs, mais avec un décalage. Ces derniers doivent donc procéder à des régularisations d’éventuels indus ou droits non reconnus », précise le document.
Mesures d’analyses imprécises
De plus, pour les bénéficiaires qui ne perçoivent pas d’APL, le repérage qui repose sur les bailleurs au travers d’une grille d’analyse créée par l’Union sociale pour l’habitat (USH) est un outil moins fiable avec des données moins précises et différentes de celles utilisées par la Caisse nationale d’allocations familiales (Cnaf) et la Mutualité sociale agricole (MSA), en charge du versement des APL. L’actualisation tous les deux ans de ces données prouve, là aussi, les limites du dispositif, dont le risque principal pour certains bénéficiaires est de devoir « rembourser, à terme, plusieurs mois ou années d’indus en cas de changement de situation ou, à l’inverse, d’être privés durablement d’une baisse de loyer ». Ces dommages collatéraux pourraient s’accroître sensiblement avec la réforme de la contemporanéisation des APL, dont la mise en œuvre a débuté le 1er janvier dernier.
Pour parer ces limites, la Cour des comptes indique donc que, « au regard de la complexité particulière de ce dispositif, des fragilités techniques et juridiques qu’il engendre, comme de la charge et de la responsabilité supplémentaires qu’il fait peser sur les bailleurs, la Cour invite l’Etat et les acteurs du logement social à le faire évoluer de façon significative dans le cadre du rendez-vous prévu en 2022 ».
Pour finir, la Cour des comptes recommande que, dès 2021, soient établis des critères et des outils d’analyse pour mesurer les impacts de la RLS sur la situation financière et les capacités d’investissement des bailleurs sociaux. La perte nette de recettes locatives engendrée freine leurs investissements en matière de construction et de rénovation et réduit la capacité d’entretien du parc.
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— Cour des comptes (@Courdescomptes) March 4, 2021