C’est dans un contexte de réforme de l’organisation des soins en santé mentale et en psychiatrie que la Cour des comptes a publié, mardi 16 février, son rapport relatif aux parcours dans l’organisation des soins.
Une prise en charge trop homogène
Premier constat : la prise en charge des patients est jugée trop homogène entre les maladies psychiatriques graves (schizophrénie, troubles mentaux organiques) et les symptômes passagers intervenant à la suite d’événements de la vie.
«Ces derniers ne correspondent pas à des troubles psychiatriques et ne nécessitent pas de soins de cette discipline mais plutôt une prise en charge psychosociale», indique la Cour des comptes qui affirme la nécessité d’une approche graduée de l’offre proposée, qu’elle qualifie de «peu lisible» et «peu efficiente». Pourtant, des niveaux distincts d’accompagnement sont prévus : au sein du système de soins primaire (médecins traitants,…) et dans le système spécialisé en psychiatrie libérale ou publique. Un tiers des entretiens en centre médico-psychologique (CMP) relève malgré tout de soins primaires.
Parmi ses recommandations, la juridiction fait état de l’importance de la mise en place d’un premier filtrage des patients par les services de « première ligne » avant qu’ils aient accès aux CMP.
Un décloisonnement nécessaire
Etablissements sanitaires, professionnels libéraux, structures médico-sociales et professionnels du secteur social… Au manque d’adaptation de la prise en charge, s’ajoutent les dérives d’une organisation globale « en silos » ainsi qu’une offre disparate selon les territoires.
Les conséquences directes se portent sur les patients dont les troubles sont les plus importants. « L’absence de gradation organisée des soins est ainsi source de pertes d’efficience, mais aussi de pertes d’efficacité dans le cas des troubles les plus sévères ».
Parmi les dommages collatéraux, la proportion élevée des réhospitalisations rapides et sous contrainte ainsi que la persistance de celles de longue durée (un an ou plus). La demande trop large et peu ciblée freine, voire empêche, la mise en place d’un suivi à domicile des personnes aux problématiques les plus lourdes. Enfin, les entrées en soins psychiatriques en provenance des urgences alors que leur nombre devrait être faible puisque les signaux précurseurs d’une « crise » sont en général progressifs. « Un suivi régulier proactif permettrait de les repérer et d’agir avant la « crise », rappellent les auteurs du rapport.
Autre dérive : les centres de crise (centres d’accueil et de crises (Cac) Centres d’accueil permanent, (Cap), qui visent à favoriser l’acceptation des soins par les patients souffrant des troubles les plus sévères grâce à une hospitalisation brève (72 heures), ne sont pas centrés sur les patients qui en auraient besoin.
Des pistes d'amélioration
Depuis plusieurs années, par le biais de la loi du 26 janvier 2016 dite « de modernisation de notre système de santé », plusieurs dispositifs institutionnels sont mis en place, comme les projets territoriaux de santé mentale (PTSM) ou les Communautés psychiatriques de territoires (CPT).
« On note une dynamique incontestable, dans les territoires de santé, de concertation entre différents acteurs qui souvent se sont longtemps ignorés. Toutefois, il est possible que cette dynamique s’essouffle, faute d’outils de suivi suffisamment précis », soulignent les auteurs.
Ils pointent, par ailleurs, la primordialité de la coordination entre les acteurs pour mieux organiser les interventions respectives des différentes structures de prise en charge et dénoncent le manque de clarté en matière de responsabilité.
Les auteurs du rapport préconisent aussi de rendre obligatoire la mise en place d’indicateurs « relatifs à la pertinence des parcours en fonction des niveaux de sévérité, à partir des données existantes, largement accessibles ». Pour finir, la Cour des Comptes interpelle sur l’importance d’un arbitrage national qui permettrait, par exemple, de réorganiser les activités en renforçant la mobilité des équipes et le recentrage sur les patients atteints des troubles les plus complexes à soigner.