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Mal-logement : la Fondation Abbé Pierre fustige la gestion de la crise

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Family Problems - homeless

Photo d'illustration 

Crédit photo Adobe stock
Le 26ème rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre sur l’état du mal-logement en France propose une analyse de la situation des personnes les plus précaires en 2020. A l’heure du bilan, les conséquences de la crise restent lourdes. Sa gestion est remise en cause et les mesures pour y faire face jugées largement insuffisantes.

Sans surprise, le thème du  26ème rapport annuel sur l’état du mal-logement de la Fondation Abbé Pierre porte sur la crise sanitaire et sociale liée à la Covid-19 ainsi que sur ses conséquences sur les personnes mal-logées. Rendu public le 1er février 2021, il permet à la Fondation de réitérer son appel à des politiques publiques ambitieuses et ciblées. Si, pour l’heure, «l’onde de choc de la crise reste inconnue, nous savons qu’elle pénalise les plus fragiles», indique son délégué général, Christophe Robert, à l’occasion de la présentation du rapport.

Le contenu de ce dernier est d’ailleurs sans appel sur la question puisque d’un point de vue sanitaire, ce sont les personnes les plus pauvres, résidentes de milieu urbain, mal-logées et issues de l’immigration qui sont les plus infectées par la Covid-19.

«Si les 10 % les plus riches étaient les plus touchés par le virus en mars compte tenu de leur mode de vie et de la densité de leurs interactions sociales, en mai ce sont les plus pauvres du fait des conditions dans lesquelles s’est déroulé le confinement, alors que la contamination a reflué chez les plus riches, mieux logés et pouvant plus facilement télétravailler», précise le rapport.

Mesures insuffisantes et inadaptées

La France compte 4,1 millions de mal-logés dont environ 300 000 sans domicile, 100 000 qui vivent en habitation de fortune et 2 819 000 dans des conditions de logement très difficiles. Outre l’aspect sanitaire, la crise a amplifié les inégalités face au logement. Les ressources sont déterminantes puisque seuls 37 % des personnes aux revenus inférieurs à 1 250 euros (€) jugent leur logement «tout à fait adapté» au confinement.

Concernant les sans-abri, au printemps dernier, les moyens alloués par les pouvoirs publics pour trouver de nouvelles solutions de mise à l’abri tels que le maintien des 14 000 places dédiées à la période hivernale et les 20 000 places d’hébergement supplémentaires qui se sont ajoutées aux 157 000 déjà financées, ont été insuffisants. A titre d’exemple, le Collectif des Associations Unies (Cau) indique que le 9 avril 2020, plus de la moitié (53 %) des demandes au 115 n’avaient pu être satisfaites. En parallèle, les hébergements proposés, étaient quant à eux, souvent inadaptés. «Certains n’ont pas trouvé de solution sur l’ensemble de la période et de nombreuses personnes ont refusé de se faire héberger en raison du collectif», rapporte Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation. «Parmi les personnes ayant obtenu un héber­gement, beaucoup ont été contraintes de cohabiter avec un ou plusieurs inconnus dans des espaces restreints, tels qu’une chambre d’hôtel, sans avoir été préalablement testés, de quitter leur quartier et de perdre leurs repères avec ce que cela implique (perte de leurs connaissances et de ressources)», précise le rapport.

De multiples facteurs d’isolement

A la grande exclusion déjà ressentie par les sans-abri s’est ajoutée l’isolement concrétisé par la rupture, parfois totale, de liens sociaux. La fermeture des services de premier accueil dont les horaires constituent une routine ainsi que la crainte des amendes ont accentué ce délitement du lien social et ont surtout révélé la fragilité du système de prise en charge. «Il repose souvent sur le dévouement de personnes âgées qui se sont mises à l’écart du fait des risques sanitaires et, de plus, aucune solution pérenne n’est proposée à ce public», rappelle Manuel Domergue. Par ailleurs, la création de places d’hébergement a donné lieu au financement de très peu de postes de travailleurs sociaux, ce qui a eu pour conséquences de laisser les bénéficiaires livrés à eux-mêmes.

Autre particularité pointée par le rapport : la dégradation des conditions de vie des personnes vivant en résidences sociales, en foyers ou en centres d’hébergement ou de celles qui ont été confinées dans leur habitat indigne parfois surpeuplé. La forte exposition à l’épidémie en est une cause puisque en mai 2020, la proportion de personnes vivant dans un logement surpeuplé touché par le virus était de 9.2 % alors qu’elle s’élevait à 4.5 % (enquête Epicov) dans la population générale. L’exposition continue aux risques générés par un logement insalubre en est une autre raison. Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, les contaminations ont touché 8.5 % des habitants en mai contre 4.5 % pour la population générale.

Des mesures ciblées attendues

L’explosion de la demande d’aide alimentaire, la montée des impayés locatifs et l’augmentation de 10 % des allocataires du Revenu de solidarité active (RSA) témoignent de la précarisation de nouveaux ménages. «Au 30 juin 2020, les banques alimentaires avaient accueilli 20% à 25% de bénéficiaires supplémentaires et elle constatent que la demande augmente à nouveau depuis l’automne», indique le rapport. Au total, 8 millions de personnes font aujourd’hui appel à ce type d’aide. S’y ajoute l’augmentation du nombre de personnes au chômage dont le taux prévu pour le 1er trimestre 2021 est de 11%. Alors qu’un retour à la situation de 2019 est quasiment impossible avant 2022, La Fondation déplore le manque de prise en compte de ces publics par le Gouvernement. Elle dénonce des aides tardives, ponctuelles et d’un faible montant ainsi que la totale exclusion de certains : bénéficiaires de l’Allocation aux adultes handicapés (AAH),…  «Tout geste durable est exclu. L’idée qu’il y ait des bons et des mauvais pauvres est insoutenable. Plutôt que d’augmenter le RSA, le Gouvernement fait mine de s’accrocher à un retour à l’emploi alors que des millions de chômeurs restent sans perspective», fustige Christophe Robert avant de rappeler que les 10 % les plus pauvres ont très peu profité des mesures socio-fiscales. Seul 0,8 % des 100 milliards prévus par le plan de relance sont consacrés aux plus vulnérables.

200 millions réclamés pour l’aide aux loyers impayés

Pour éviter le basculement de certains ménages vers l’expulsion locative en raison des loyers impayés et les aider dès leurs premières difficultés, la Fondation demande que 200 millions d’euros minimum soient alloués à la création d’un fonds d’aide au paiement des loyers et des charges. Les Fonds de solidarité pour le logement (FSL) qui dépendent des départements ne pourront, en effet, pas amortir les dommages collatéraux de la crise. Pour assurer l’efficacité de cette logique de soutien, l'accélération de la mise en place d’un Observatoire des loyés impayés est requise bien que les chiffres du parc privé ne soient pas disponibles.

Sur la question du parc social locatif, l’inquiétude se fait aussi sentir. «Avec 100 000 attributions Hlm en moins en 2020 et 100 000 permis de construire en moins prévus en 2020 et 2021, et des conséquences en cascade sur la mobilité résidentielle et sur l’emploi, 2021 s’annonce mal». Là encore, la Fondation met en cause l’exclusion du logement dans le plan de relance, en particulier le secteur de la construction neuve même si elle admet que des solutions aux problématiques de rénovation énergétique ont été retenues. Et la crise n’a pas pour autant remis en cause le prélèvement de la Réduction de loyer de solidarité (RLS) à hauteur de 1,3 milliards d’euros par an par l’Etat alors que «cette ponction a d’ores et déjà des effets négatifs, avec la chute depuis 2017 de la production Hlm». Parmi les alternatives préconisées, le renforcement, le financement et l’élargissement de la politique du Logement d’abord permettrait de renforcer l’offre de logement des plus exclus.

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