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La suspension des droits de visite et d’hébergement en question

Enfance placement droit visite

Photo d'illustration

Crédit photo DR
L’assouplissement des droits de visite en Ehpad a-t-il ouvert une brèche ? La problématique concerne également les structures de la protection de l’enfance. Or, après un mois de confinement et de suspension des droits de visites, la situation se révèle de plus en plus difficile pour certains enfants.

Les droits de visite et d’hébergement (DVH) des familles dont l’enfant est placé sont suspendus depuis le début du confinement. Une situation qui dure depuis plus d’un mois et qui, au fur et à mesure que s’égrènent les semaines, engendre des difficultés. Si, dans la plupart des cas, les enfants s’adaptent et font avec les moyens technologiques qui leur sont proposés pour garder un contact avec leurs parents, d’autres le vivent très difficilement.

« Il y a des enfants qui craquent, des adolescents qui fuguent pour voir leurs parents et, à l’inverse, on a des parents qui viennent sans prévenir pour réclamer de voir leurs enfants. La question de la suspension des DVH commence à devenir compliquée », commente Audrey Pallez, responsable du pôle « protection de l’enfance » à la Cnape (Convention nationale des associations de protection de l’enfance).

Question d’éthique

Ces difficultés ont été soulevées par plusieurs organisations lors de la réunion hebdomadaire du 15 avril entre les acteurs de la protection de l’enfance et Adrien Taquet, secrétaire d’Etat chargé de ce secteur. Dans son compte rendu, l’Uniopps (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux) rapporte : « La visioconférence a ses limites, notamment pour les jeunes enfants. Le ministère de la Justice a évoqué dans l’ordonnance du 25 mars une possibilité pour le juge des enfants d’aménager ou de modifier les DVH dans l’intérêt de l’enfant. Sur le terrain, cette décision a pu être prise en urgence à la suite de l’annonce du confinement, mais certains conseils départementaux sont pour un maintien strict de cette suspension, alors que des associations préconisent des adaptations. » Aussi, plutôt que de risquer de voir se développer des visites non autorisées, l’Uniopps, la Cnape et la Fehap (Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs) préconisent un assouplissement qui permette aux familles de voir leurs enfants sous contrôle sanitaire.

Mais au-delà de la seule demande des parents, il y a également la souffrance des enfants. Pour Geneviève Cetaire, directrice générale de l’Acesm du Loir-et-Cher, qui gère plusieurs établissements de la protection de l’enfance, cette suspension des DVH n’est pas tenable à l'égard de certains jeunes qui souffrent de troubles du comportement, voire de maladies mentales avérées, et pour qui la rupture du lien avec la famille accentue les troubles. « Cela crée des situations explosives dans les hébergements mais, surtout, cela les met dans une souffrance qui n’est pas acceptable d’un point de vue éthique », pointe-t-elle. Avant de s'insurger : « Si on fait le lien avec des enfants non placés et en garde alternée chez leurs parents, les droits de garde ont été maintenus et, pour autant, on est bien sur des circulations de personnes potentiellement vectrices du virus. Alors pourquoi ce que l’on applique dans le droit commun ne peut pas être pensé et mis en place pour les enfants de la protection de l’enfance ? »

Educatrice à Blois au foyer Bougainville, qui gère des adolescents, Sophie Carabajal confirme ces difficultés : « Face à cette situation, il existe une vraie souffrance pour la plupart des jeunes, handicap ou pas. Ils sont en demande presque tous les jours pour savoir quand ils reverront leur famille. Certains s’isolent, se mettent à l’écart, profitent de moins en moins du groupe, du collectif. Ils peuvent ne plus venir manger. La suspension des DVH est une chose qui s’ajoute également à la rupture des autres liens sociaux. C’est très violent pour eux. »

Inquiétudes sanitaires

Parfois, dans des établissements où les enfants ont plutôt bien accepté la séparation avec leurs parents, la reprise des DVH pose question. Et leur suspension peut même apparaître comme positive à certains professionnels. Telle Julie Pechalrieux, directrice de la Maison départementale de l’enfance de l’Ain, qui commente : « Durant le premier mois de confinement, du fait qu’aucun enfant n’ait de DVH, ce qui était inédit, tous dormaient correctement. Ils étaient apaisés, et nous avons eu des groupes calmes, mis à part pour les enfants qui ont des troubles. » Durant cette période, le quotidien a également été amélioré pour les enfants de cet établissement grâce aux dons de certains entreprises. Néanmoins, la prolongation jusqu’au 11 mai interroge.

Si la reconduite du confinement de quinzaine en quinzaine a permis de prendre son mal en patience, ce saut de près d'un mois inquiète Julie Pechalrieux, tout comme la reprise attendue des DVH : « Comment cela va-t-il se passer ? Est-ce qu’on peut faire des paliers de reprise de contact où l’on maîtrise encore un peu les conditions sanitaires ? » Elle précise : « J’ai une unité de 17 enfants, dont 12 ont des DVH. Alors qu’aujourd’hui nous ne constatons aucun cas de Covid-19, si ces enfants sont autorisés à sortir, ce ne sera plus la même sécurité. » Un positionnement que ne partage pas Geneviève Cetaire, qui ne décolère pas : « Les décisions ont été prises à la va-vite, sans réfléchir aux répercussions sur les équilibres affectifs et moraux de ces enfants placés et déjà en souffrance. C’est d’une violence inouïe. » Avant de résumer : « Ce qui se joue avec cette crise, c’est le fait de pouvoir mettre en place des règles sanitaires qui respectent a minima une certaine éthique. »

Lors de la visioconférence du 15 avril, Adrien Taquet aurait exprimé sa volonté de favoriser le rétablissement de certains droits de visite, tout en estimant néanmoins que le respect des gestes-barrières représente encore une grande difficulté pour y parvenir.

 

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