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« Ne faites rien pour nous sans nous » : réflexion éthique en établissement (2/5)

Crédit photo DR
Fin 2016, trois associations (1) se sont organisées pour mettre en place en Bourgogne-Franche-Comté un comité d’éthique pouvant être saisi par les professionnels comme par les personnes en situation de handicap. L’enjeu est de prendre en compte la voix de tous. Deuxième volet de notre série sur la réflexion éthique en établissement.

Rendre possible la participation des personnes concernées

Notre choix s’est porté sur l’implication des personnes en situation de handicap et des proches aidants dans un processus de délibération. Pour y parvenir, il faut d’abord des conditions matérielles optimales. Organisées à distance des lieux de vie des personnes, les réunions requièrent une logistique importante (accessibilité, aide humaine, transports…). Le soutien des établissements est déterminant. La réussite de notre initiative passe surtout par une prise de parole facilitée par et pour tous. Une des clés a été l’attention portée à la composition du groupe : ne pas inscrire d’emblée comme membres permanents des « spécialistes de l’éthique » ou des « experts » (médecins, juristes, économistes…), la crainte étant que leur seule présence inhibe certains. C’est donc le groupe qui, pour délibérer, sollicite, le cas échéant, l’un de ces experts. Et pour finir, l’accessibilité des débats est centrale sachant que certaines personnes ont des difficultés cognitives ou des troubles de mémoire sévères ; plusieurs dispositifs sont des appuis à la participation de chacun :

  • la qualité de l’animation et la solidarité comme l’implication de chaque membre du groupe dans son attention aux autres : s’assurer que personne ne « décroche » ;
  • l’accessibilité des documents avec une traduction en français facile à lire et à comprendre (falc) ;
  • le temps de la co-construction pendant la délibération : chacun son rythme ;
  • la formation : si le cadre est garanti par des personnes formées à l’éthique, les participants n’ont pas souhaité se former pour préserver ce qui fait, à leurs yeux, leur qualité : le côté profane de leur participation. Ils ne veulent pas se « déformer » ;
  • une question émerge : ne serait-il pas pertinent d’aider plus particulièrement certains avec la présence d’un assistant individuel ?

Les enseignements de cette expérience

Le travail se fait avec assiduité et plutôt facilement. La prise parole, l’expression de chacun est effective. Une confiance s’est construite et les participants se laissent surprendre : le groupe a une capacité d’étonnement structurante. Les personnes handicapées apportent un nouvel éclairage, singulier, parfois avec force… Leur participation met en lumière des éléments que les professionnels prennent peu ou insuffisamment en compte parce qu’ils ne sont pas dans leurs grilles d’analyses habituelles. Elles portent souvent une attention forte aux aspects collectifs (comme par exemple le risque de déstabilisation d’un service) quand les professionnels mettent plus facilement l’accent sur la singularité d’une situation (individualisation du projet).

Délibérer, construire un avis, prioriser les arguments a été un véritable apprentissage collectif qui nous conduit à structurer nos avis selon quatre niveaux distincts : personnel, institutionnel, politique et sociétal.

Toutefois, les saisines sont encore peu nombreuses et le fait des professionnels. Savoir identifier la dimension éthique des situations, mettre en forme le questionnement reste un sujet. Tout comme il faut pouvoir « oser » la saisine. Il y a là un enjeu fort de développement d’une culture partagée de l’éthique dans les structures.

 


Le comité inter-associatif

Composé à parité de personnes en situation de handicap, de proches et de professionnels, le comité se réunit trois fois par an. Les membres sont désignés par les associations pour trois ans. Il traite sur saisine de situations singulières et rend, après délibération, un avis argumenté. A ce jour, l'instance a été saisie de dix situations.

Deux regards

« Les réunions d’éthique sont habituellement des réunions de “sachants” auxquelles le commun des mortels n’a pas accès. Ici, c’est très enrichissant – même si ça peut être déstabilisant –, on se sent parfois seul après les échanges : a-t-on posé les bonnes questions ? On espère que les professionnels comprennent mieux nos réactions… On perçoit aussi mieux leurs contraintes. Avec le recul, c’est très important : on ne peut que conseiller à d’autres personnes de se lancer dans cette aventure… », Gilles Sugny, parent.

« Lorsque les professionnels et les personnes handicapées se réunissent séparément, on pense toujours que l’autre va nous juger… Là, on se sent mieux entendu et valorisé. Des réunions comme celles-ci transforment notre ressenti et le regard des professionnels. Je suis fière d’y participer. Cela me permet de défendre des choses qui me tiennent à cœur. Ça fait aussi avancer la société, qui est compliquée en ce moment… », Estelle Chatelin, usager.


 

Notre série sur l'éthique en établissement

Bienvenue dans le monde des injonctions paradoxales  (1/5)

« Ne faites rien pour nous sans nous » (2/5)

Du temps, de la formation et une autre culture (3/5)

« Mais Madame, on n'a pas le temps »  (4/5)

Médocs à gogo et doudous régressifs (5/5)

 

Ce texte est extrait du hors-série sur « La réflexion éthique en établissement, retrouver du sens ». Pour vous abonner aux hors-séries ASH, c’est ici.


(1) APF France handicap, l’Association des familles de traumatisés crâniens et l’Association française contre les myopathies.

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