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Médocs à gogo et doudous régressifs : réflexion éthique en établissement (5/5)

Nathalie Benarroch-Queral, psychologue gérontologue.

Les comportements réactionnels des résidents peuvent mettre à mal les équipes qui ne savent pas toujours comment y répondre. Les questionnements devraient toujours guider nos actions qui sont parfois trop automatiques. Cinquième et dernier volet de notre série sur l’éthique en établissement.

Thérapeutique médicamenteuse : réelle utilité ?

A l’heure où les interventions non médicamenteuses émergent, l’utilisation des médicaments, essentiellement neuroleptiques, pose question. La déambulation, l’agressivité, l’agitation, les « sorties inopinées » sont des moyens de communication pour la personne âgée, une façon d’exprimer un besoin non assouvi. L’objectif est d’en comprendre le sens, l’origine de son apparition quand cela reste possible, et de préférence en équipe pluridisciplinaire.

Au quotidien, les professionnels sont parfois las, fatigués, peu formés. C’est pourquoi, lorsqu’une agressivité devient « la norme », le médecin traitant est appelé et souvent un neuroleptique est proposé afin « d’apaiser » la personne… et soulager l’équipe. Or les gériatres le répètent souvent en formation : la démence n’est pas compatible avec un neuroleptique et son lot d’effets secondaires : confusion, risque de chutes, perte d’autonomie, asthénie...

En quatorze ans de pratique, les « si besoin » et traitements à gogo ont défilé dans les services où j’ai travaillé. Mais la question demeure : en quoi sont-ils pertinents pour la personne âgée qui crie, déambule ou s’agite ? J’ai déjà vu des personnes crier en permanence, ne plus crier et être calme. Si « calme » qu’elles n’ont même plus la force de se réveiller pour manger ou être en éveil au cours de la journée. Je ne suis pas contre l’usage des médicaments, je souhaiterais qu’ils soient proposés (et adaptés) en dernier recours, quand toute la démarche non médicamenteuse a été tentée. Il faut toujours peser le bénéfice/risque pour le résident, et ne pas prescrire par automatisme, habitude. Telle est l’éthique comme nous l’aimons !

Les activités « infantiles » : bénéfices ou régression ?

Sur le terrain, l’utilisation de certains objets de médiation qui renvoient à l’enfance, comme les peluches, les poupées d’empathie, le coloriage, le visionnage de dessins animés est toujours au cœur des débats. Je pars du principe que tout est possible avec la personne âgée, tant que cela a du sens, qu’il y a une réelle réflexion thérapeutique derrière. Par exemple, j’ai le souvenir d’une dame avec une démence sévère qui n’a plus quitté une poupée d’empathie dès qu’elle lui a été proposée, celle-ci lui rappelant le souvenir des techniques de maternage utilisées auprès de ses cinq enfants. Ce n’est ni une régression, ni une infantilisation mais un moyen pour la personne de se sentir existée et valorisée auprès de cet objet de médiation.

A contrario, j’ai le souvenir d’une structure dans laquelle je suis intervenue en tant que formatrice. Dans le hall d’entrée, se trouvait une grande télévision où était diffusée en fond la chaîne des enfants « les Zouzous ». Je me suis demandé quel était l’intérêt pour les résidents ? Etait-ce la représentation qu’ils avaient des personnes âgées ? Etait-ce de l’occupationnel ?

Face à l’accompagnement des comportements réactionnels, il faut toujours être dans un questionnement éthique et non automatique. S’interroger, donner du sens à notre pratique et y trouver un intérêt thérapeutique. Evaluer à postériori les bénéfices éventuels. Si la recette est bien suivie, l’accompagnement sera d’autant plus beau.

 

Notre série sur l'éthique en établissement

Bienvenue dans le monde des injonctions paradoxales  (1/5)

« Ne faites rien pour nous sans nous » (2/5)

Du temps, de la formation et une autre culture (3/5)

« Mais Madame, on n'a pas le temps »  (4/5)

Médocs à gogo et doudous régressifs (5/5)

 

Ce texte est extrait du hors-série sur « La réflexion éthique en établissement, retrouver du sens ». Pour vous abonner aux hors-séries ASH, c’est ici.

 

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