Trois mois après un premier rapport dans lequel l’ONG Human Rights Watch dénonçait les nombreux défaillances de la prise en charge des mineurs isolés, la situation ne s’est guère améliorée pour ces jeunes qui tentent de faire reconnaître leur minorité à Paris.
En juillet, Human Rights Watch faisait état d’entretiens sommaires, alors que, selon la réglementation française, ils devraient durer au moins deux heures : sur près de 6 700 personnes reçues l'année dernière, 45 % avaient essuyé des rejets expéditifs, souvent sans recevoir de décision écrite. Directement mises en cause, la Mairie de Paris et la Croix-Rouge française, qui intervient pour celle-ci depuis 2015 comme opérateur afin d'émettre un avis sur la minorité des jeunes qui se présentent au DEMIE (dispositif d’évaluation des mineurs isolés étrangers), avaient réfuté ces accusations.
Dans un communiqué daté du 5 octobre, l’ONG note de “légères améliorations” au cours de ces trois derniers mois : un seul des enfants interviewés en août et en septembre a été refusé à l’entrée de la structure, alors qu’il s’agissait jusque-là d’une pratique courante, et tous sauf un ont reçu une lettre de la direction de l’action sociale, de l’enfance et de la santé (Dases) indiquant les motifs du refus de reconnaissance de leur minorité. Une notification écrite qui permet aux jeunes migrants de déposer un recours contre cette décision devant le juge des enfants.
Cependant, les procédures d’évaluation de l’âge restent bâclées dans leur grande majorité : une association humanitaire ayant suivi une centaine de jeunes cherchant à être formellement reconnus en tant qu’enfants a constaté que 60 % d’entre eux avaient été soumis à un entretien d’une vingtaine de minutes seulement. Les critères de l’examen restent, quant à eux, particulièrement flous et subjectifs. “Les jeunes se voient souvent refuser le statut de mineur s’ils n’ont pas de documents d’identité. Le fait d’avoir travaillé dans le pays d’origine ou pendant le parcours migratoire vers l’Europe est également souvent invoqué comme motif d’une décision négative, alors que de nombreux enfants à travers le monde travaillent, souligne Human Rights Watch. Les autorités de protection de l’enfance se sont aussi fréquemment fondées sur des critères subjectifs comme la ‘posture d’ensemble‘ ou le comportement.”
“Des enfants sont ainsi privés des services essentiels auxquels ils ont droit, comme l’accès à l’hébergement, à l’éducation et à la santé. En conséquence, beaucoup d’entre eux sont forcés de dormir dans la rue”, dénonce l’ONG, qui appelle les autorités de protection de l'enfance de Paris à veiller à ce que “tous les enfants migrants non accompagnés bénéficient de l'évaluation complète et pluridisciplinaire à laquelle ils ont droit en vertu de la réglementation française”.
Autre point soulevé, celui d’un manque d’accès, avant cet entretien, à l’information et, surtout, à l’hébergement. Alors que la réglementation permet aux enfants non accompagnés de bénéficier avant l'entretien d’un accueil provisoire d’urgence d’une durée de cinq jours et parfois plus, nombre d’entre eux ont expliqué avoir été interrogés dès leur arrivée au DEMIE sans avoir eu droit ni à une information préalable ni à un temps de repos. De plus, durant toute la procédure du recours – laquelle peut durer des mois –, les mineurs isolés n’ont pas davantage accès aux services de protection de l’enfance, ni aux hébergements d’urgence pour migrants adultes, ni à la scolarité.
Des “allégations”, selon la mairie de Paris, qui explique, dans une réponse adressée à nos confrères de TSA, que l'équipe du DEMIE a été doublée et que le dispositif de mise à l'abri d'urgence des jeunes en attente d'évaluation a été multiplié par quatre. En juillet dernier, Anne Hidalgo, maire de Paris, et Stéphane Troussel, président de Seine-Saint-Denis, avaient demandé la mise en place d'un “dispositif régalien” et l'attribution de moyens financiers supplémentaires aux départements pour mettre en place un accueil pérenne des mineurs confiés à l'aide sociale à l'enfance. Des requêtes qui restent, pour le moment, lettre morte.