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Régine Komokoli : la vulnérabilité est devenue son métier (1/4)

Parmi ces trajectoires hors du commun, celle de Régine Komokoli, ancienne migrante et sans-domicile fixe, devenue conseillère départementale d’Ille-et-Vilaine et fondatrice du collectif rennais Kune, qui agit contre les violences conjugales.

Crédit photo Solenne Durox
[NUMERO 70 ANS] Les affres de l’exil, le regard de la société sur le handicap ou la dureté de la rue ont mené toutes ces femmes et ces hommes au travail social. Chacun d’entre eux a su, à sa manière, faire de cette adversité une force au service des autres. Témoignages.

Conseillère départementale d’Ille-et-Vilaine, élue à la petite enfance, à la PMI et aux parentalités, Régine Komokoli est la fondatrice du collectif Kuné, qui agit contre les violences conjugales.


Je ne suis pas née professionnelle du champ social. Je suis née de l’autre côté, du côté de celles qui attendent qu’on les appelle, qu’on les croie, qu’on les aide. J’ai été sans papiers, maman solo, victime de violences conjugales, sans logement. J’ai connu les nuits à l’hôtel avec mes enfants, les numéros d’urgence qui ne répondent pas, les dossiers « en attente ». Longtemps, j’ai été ce qu’on appelle une « personne concernée ».

Mais un jour, quelque chose a changé. Pas dans les institutions. En moi. J’ai compris que je ne voulais pas seulement survivre. Je voulais transmettre, témoigner, agir. Je suis entrée dans le champ social avec mes cicatrices, non pas en les effaçant mais en les portant comme une boussole.

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Depuis plus de vingt ans, je vis à Villejean, un quartier prioritaire et populaire de Rennes, où résident plus de 15 000 personnes. C’est là que j’ai cofondé le collectif Kuné, avec des mères isolées, des femmes souvent sans statut, toujours avec courage. Avec elles, on suscite une citoyenneté active. Même sans carte électorale. Même sans droits. Parce qu’il y a d’autres façons d’habiter la République.

Parentalités plurielles

Depuis 2021, je suis conseillère départementale d’Ille-et-Vilaine, élue à la petite enfance, à la PMI et aux parentalités. Et j’insiste : les parentalités, au pluriel. Celles des mères solos, des pères invisibles, des familles éclatées, des aidant·e·s fatigué·es, des enfants qui deviennent parents trop tôt…

Je tiens ici à rendre hommage aux professionnel·les du champ social, de la petite enfance, de la PMI. Dans notre département, ce sont encore très majoritairement des femmes qui portent cette mission : une mission invisible, gratuite, essentielle. Une responsabilité immense, souvent assumée dans l’ombre, alors qu’elle devrait être partagée.

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Cela dit aussi quelque chose sur la place qu’on laisse — ou pas — aux femmes dans l’action sociale, et la place que prennent — ou pas — les hommes dans le soin, l’éducation, la prévention. Il y a là une question d’égalité, une question de parité, une question de société. Et je crois que c’est aussi cela, transmettre autrement : faire en sorte que les femmes ne soient plus seules à porter ce monde.

Je suis l’une de celles que les travailleurs sociaux ont contribué à relever. Moi qui porte dans ma chair les traces d’une tentative de féminicide : seize coups de couteau, un silence institutionnel, une absence de reconnaissance. Mais aujourd’hui encore, je suis là : vivante, engagée, déterminée à faire en sorte que d’autres femmes ne tombent plus dans ces vides.

Je ne suis pas entrée en politique pour faire carrière. J’y suis entrée pour ouvrir des portes, pour laisser une lumière allumée pour celles qui arrivent derrière moi.

 

>>> Retrouvez toutes les contributions : 

Marie Rabatel : la vulnérabilité est devenue son métier (2/4)

Denis Uvier : la vulnérabilité est devenue son métier (3/4)

Aman Mohamad-Saïd : la vulnérabilité est devenue son métier (4/4) 

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