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Près de 40 % des Français ne partent pas en vacances

« Le réseau familial, les habitudes acquises dans l’enfance, la propriété d’une résidence secondaire : tous ces facteurs favorisent la mobilité des plus favorisés », souligne l’Observatoire des inégalités.

Alors que les indicateurs de pauvreté révélés par l’Insee le 7 juillet 2025 atteignent un niveau inédit, les inégalités de revenus, l'origine, l'accès ou non à un réseau social, la situation familiale ou le handicap ont un impact majeur sur la possibilité de partir.

Jamais, depuis que la France mesure officiellement la pauvreté – les premières statistiques ont été effectuées il y a 30 ans – les chiffres n’avaient été aussi hauts. En 2023, selon l’Insee 15,4 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté, soit 9,8 millions de personnes. Et ce chiffre grimpe à 12 millions si l’on inclut les invisibles : sans domicile, ultramarins, habitants d’hébergements précaires. Selon l’institut de la statistique, c’est la plus forte progression annuelle enregistrée depuis le début des années 1990 : plus de 650 000 personnes ont basculé dans la pauvreté en un an. Un constat « dramatique et insupportable » pour le Collectif Alerte.

Inégalités sociales

Un indicateur en particulier est révélateur de ces inégalités croissantes : près de 40 % des Français ne partent pas en vacances. Selon l’Observatoire des inégalités, seuls 42 % des personnes gagnant moins de 1 285 € par mois sont parties en 2024, contre 76 % de celles qui disposent de plus de 2 755 . « Le budget vacances est bien supérieur à celui de la santé chez les plus modestes. En cas de difficulté, on coupe d’abord dans les loisirs », explique Sandra Hoibian, directrice du Crédoc (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie), dans un entretien donné à l’Observatoire des inégalités

>>> Sur le même sujet : La "lente ouverture" de la fracture sociale

Statut social

Au-delà du départ, le type de vacances et leur fréquence trahissent les inégalités sociales. Si on se fonde sur le critère des « départs pour motifs personnels » (au moins une nuit hors domicile), 93 % des cadres supérieurs sont partis en 2022, contre seulement 76 % des ouvriers. Et les cadres passent en moyenne 26 nuits par an hors de chez eux, contre 11 nuits pour les ouvriers. « Ces écarts sont anciens, structurels, et ne se réduisent pas », commente la directrice du Crédoc. 

Près de 5 millions d’enfants privés d’été

Toujours selon le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie, 38 % des enfants âgés de 5 à 19 ans ne sont pas partis en 2023. Parmi eux, 2 millions vivent dans des familles qui n’en ont tout simplement pas les moyens. Dans les foyers les plus pauvres, 56 % des enfants ne partent jamais ; dans les plus aisés, 73 % partent au moins une fois par an.

« Les vacances jouent un rôle essentiel dans la construction sociale de l’enfant. Les priver de ce moment, c’est les enfermer dans l’entre-soi de la précarité, avertit l’Observatoire des inégalités. Pour partir, il faut d’abord en avoir les moyens. Transport, hébergement, activités : les vacances coûtent cher, et toute une partie des ménages n’ont pas les ressources suffisantes. »

Spécificité du handicap

Chez les personnes en situation de handicap, les freins sont démultipliés : revenus faibles, besoins spécifiques, accessibilité incomplète. Résultat : 40 % d’entre elles ne partent pas en vacances. « Même les moyens techniques ou humains nécessaires à un simple séjour sont souvent hors de portée », rappelle l'Observatoire des inégalités.

>>> A lire aussi : Vacances adaptées : "Chacun doit prendre sa part de responsabilité"

Les vacances comme un droit

Alors que le rapport de l’Insee met en lumière une aggravation sans précédent des inégalités – le niveau de vie des 30 % les plus pauvres a reculé, tandis que les 10 % les plus riches ont vu leurs revenus augmenter de 2,1 % en euros constants –, la présidente du Collectif Alerte, Delphine Rouilleault, avertit : « Nous ne sommes plus sur une stabilisation, mais sur une dynamique de hausse. Il faut une stratégie, et des moyens. »

Le collectif s’oppose au projet de gel des prestations sociales en 2026, et appelle à prendre plusieurs mesures d'urgence :

  • Renoncer aux décisions récentes qui aggraveront la grande pauvreté (obligation de 15 h d’activité hebdomadaire pour les allocataires RSA, loi Kasbarian-Bergé et ses expulsions locatives), 
  • Rétablir les crédits d’insertion et d’aide alimentaire,
  • Rendre visibles les aides,
  • Relancer les colonies de vacances,
  • Proposer une aide à l’organisation des congés. 

Pauvreté en hausse, politiques sociales en retrait

Le Collectif Alerte estime que cette « hausse inédite de la pauvreté » est surtout due à la fin des aides exceptionnelles post-Covid, la faible revalorisation des prestations sociales, et la réduction des crédits pour l’aide alimentaire… Il propose « une stratégie véritable nationale de lutte contre la pauvreté ».

>>> Pour aller plus loin : Action sociale: les préconisations clés données aux communes

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