Dans le cadre de ses missions de contrôle du bon accès des usagers aux services publics, le Défenseur des droits a rendu une décision, le 3 septembre 2018, sur la dématérialisation des formalités administratives. Pour mémoire, dans le cadre du "plan préfectures nouvelle génération" (PPNG) lancé fin 2015, les demandes initiales et de renouvellement de cartes nationales d'identité et de passeports, de permis de conduire ou encore de certificats d'immatriculation du véhicule ("carte grise") s'effectuent désormais, en partie ou entièrement, auprès de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), sur internet.
Depuis que ce plan est pleinement mis en œuvre (fin 2017), plusieurs milliers de réclamations sont parvenues jusqu'au Défenseur des droits pour pointer du doigt les difficultés rencontrées auprès de l'ANTS : délais excessifs de traitement des demandes, nombreuses pannes informatiques, difficultés à joindre les services de l'ANTS...
Dans sa décision, le Défenseur interpelle le Premier ministre et le ministre de l'Intérieur, "sur les nombreuses atteintes aux droits d'usagers qui ont été insuffisamment informés en amont de la réforme, trop peu accompagnés une fois celle-ci généralisée et dont les difficultés particulières d'accès et de maîtrise d'internet n'ont pas été prises en compte".
Il rappelle que la "responsabilité de l'Etat est de ne pas dématérialiser un service sans mettre à disposition une alternative papier ou humaine, faute de quoi l'usager perd toute possibilité d'échanger avec l'administration lorsqu'un bug informatique se produit ou lorsqu'un dossier est perdu". Il relève que de nombreux usagers ont perdu leur permis du fait de ces dysfonctionnements, et par voie de conséquences, leur emploi...
Cette dématérialisation a aussi apporté son lot "d'arnaques" puisque des sites privés, parfois mieux référencés dans les moteurs de recherche que le site public officiel, proposent aux usagers des prestations payantes visant à mener pour eux les démarches administratives.
L'enjeu de l'accès aux droits
Face à cette situation, le Défenseur énumère un certain nombre de préconisations, parmi lesquelles, notamment, le fait "d'introduire dans la loi une clause de protection des usagers vulnérables, prévoyant d'offrir une voie alternative au service numérique dans le cadre de la mise en œuvre de toute procédure de dématérialisation d'un service public". Car, au-delà des pièces d'identité, permis de conduire et certificats d'immatriculation, insiste le Défenseur, c'est l'accès aux droits en général qui est en jeu, le gouvernement s'étant fixé comme objectif de dématérialiser l'ensemble des démarches administratives d'ici 2022. Il en va du "maintien de la cohésion sociale", insiste-t-il, avant de conclure : "Une dématérialisation trop rapide des services publics entraîne des risques d'exclusion et une augmentation du non-recours aux droits, mettant en péril l'égalité de toutes et tous devant le service public qui constitue un principe fondamental de la République".