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Ces prisons vétustes qui mettent en danger la santé des détenus

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté déplore dans un avis la dégradation des établissements pénitentiaires. A l'instar de cette photo prise dans une cellule de la maison d’arrêt de Nice, en septembre 2024. 

Crédit photo K. Bizard / CGLPL
Etat dégradé et préoccupant de plusieurs établissements pénitentiaires, risques accrus en matière de santé et de sécurité... Dans un avis publié au Journal officiel du 15 octobre 2025, le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) tire la sonnette d'alarme à propos des conditions de vie des détenus.

Le constat est sans appel. Dans le cadre de sa mission, le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) dresse un état des lieux alarmant au sujet de plusieurs établissements pénitentiaires. Selon Dominique Simonnot, de multiples facteurs concourent à maintenir les détenus dans des conditions indignes, en raison de défaillances structurelles. C'est donc sans surprise que, dans un avis du 12 mai 2025, le CGLPL a tenu à alerter sur les conséquences de cette situation ainsi que sur la nécessité de trouver des solutions pour y remédier.

Un trop grand nombre de structures vétustes. Premier constat : la vétusté de nombreux établissements. Aux yeux du contrôleur, la détérioration tient à la trop grande ancienneté des bâtiments, à l’image de la maison d’arrêt de Pau (1868) et de ses sanitaires délabrés, ou encore de celle de Limoges (1856), dont les murs sont parsemés de fissures.

  • Un délabrement également provoqué par l’insalubrité de certaines structures : le quartier-centre de Perpignan, par exemple, qui a fermé en 2024 en raison de l’humidité, des nombreuses fuites d’eau et des moisissures.
  • De nombreux dysfonctionnements sont aussi constatés dans plusieurs établissements (Pau, Lorient-Ploemeur, Nice), notamment en matière de chauffage, de ventilation ou de système électrique.

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Résultat, la dégradation se traduit, entre autres, par la prolifération de nuisibles, dont l’administration a du mal à se débarrasser. Une difficulté également due, selon le contrôleur, à la surpopulation carcérale, comme à Grasse ou à Besançon.

Autre défaillance, l’état des espaces communs, intérieurs et extérieurs, qui crée une souffrance chez les personnes détenues. A titre d’exemples, Dominique Simonnot relève notamment un manque d’accès à l’hygiène, l’absence de douche en cellule, ou encore un défaut de maintenance des équipements. Au centre pénitentiaire de Nantes, cette situation a entraîné une détérioration des infrastructures et une accumulation de déchets. Quant au bâtiment d'hébergement de la maison centrale de Poissy, il est « tellement dégradé qu’il n’est plus possible de l’entretenir, alors même que le nettoyage est assuré et que le service de maintenance se montre réactif ».

Au regard de l’ensemble de ces éléments, le CGLPL recommande de mettre fin à l’utilisation de bâtiments anciens et de prévenir, dès la conception de nouveaux établissements, toute malfaçon pouvant engendrer des conditions indignes de détention.

Incidences sur la santé des détenus. Le contrôleur observe que le délabrement des structures a notamment pour conséquence l’atteinte à la sécurité et à l’intégrité physique des détenus : sols glissants, murs fissurés, revêtements dégradés ou encore huisseries fragilisées.

  • Sans compter que les nuisibles présents sur les sites peuvent affecter leur santé, à l’image d’un détenu du centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses qui a contracté la leptospirose après avoir été exposé à l’urine d’un rat.
  • Un risque sanitaire également encouru lorsque les cellules ne disposent pas de douche (maisons d’arrêt de Blois, Saint-Malo, Châlons-en-Champagne, Limoges…).

En outre, le manque d’isolation de certaines structures expose à des températures extrêmes, en hiver comme en été. En témoigne notamment une personne détenue signalant que « sans climatisation, dans une cellule en surnombre, la chaleur devient dangereuse. J’en ai pour preuve que l’un de mes codétenus a été victime d’un malaise grave, s’écroulant au sol. Personne, malgré nos appels, ne vient pendant toute la nuit. »

Atteinte aux droits fondamentaux des détenus. Au-delà des risques sanitaires, l’avis du CGLPL note que la vétusté des lieux aggrave le maintien des liens familiaux et les conditions de détention. La fermeture pour travaux de plusieurs ailes d’un bâtiment augmente la pression sur les autres secteurs de la détention. A la maison d’arrêt de Blois, près de deux tiers des personnes détenues connaissent un taux d’occupation approchant les 290 %. Une situation qui non seulement participe à la dégradation de locaux en mauvais état, mais porte aussi atteinte à l’intimité des détenus (absence de cloisonnement dans les toilettes, par exemple).

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Dominique Simonnot recommande ainsi d’interdire l’hébergement de personnes dans des lieux indignes et de mettre en œuvre un plan de maintenance et de rénovation des établissements pénitentiaires.

Inefficacité des systèmes de protection juridique. Malgré la possibilité d’un recours par une personne détenue pour mettre fin à des conditions indignes – instaurée par la loi du 8 avril 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention –, le CGLPL note que cela ne produit pas les effets attendus et que le recours est très peu utilisé : selon 11 rapports publiés entre 2022 et 2023, aucun détenu n’avait connaissance de ce dispositif.

  • Est également mis en avant la disparité d’application des critères de recevabilité des requêtes, source d’insécurité pour les demandeurs.
  • Ainsi, le contrôleur observe que soit les recours sont rejetés, alors que la vétusté et ses conséquences sont indéniables, soit ils aboutissent à des non-lieux en raison d’un transfert d’établissement ou de cellule.

Le CGLPL incite notamment à renforcer l’utilisation de ce dispositif, en informant les intéressés de son existence et en apportant une réponse adaptée aux dégâts constatés.

Action insuffisante des pouvoirs publics. La première observation du contrôleur à ce sujet concerne des recommandations en urgence faites plusieurs fois depuis 2020. Malgré tout, la dégradation des infrastructures et les dysfonctionnements continuent. A titre d’exemples :

  • La maison d’arrêt de Nevers, où l’alerte avait déjà était lancée en 2016 sur les conditions dégradées de détention, et réitérée en 2023, sans résultat. 
  • La maison d’arrêt pour femmes de Fleury-Mérogis où, dès 2010, le CGLPL alertait sur « l’insuffisance criante des moyens nécessaires pour assurer l’entretien des bâtiments, devenus très délabrés et souvent hors d’usage, plaçant en toute hypothèse les personnels et les détenus, dans des situations difficiles ». Les autres visites du contrôleur dans l'établissement (2015, 2019 et 2024) ont donné lieu aux mêmes constats.
  • La maison d’arrêt de Coutances, malgré les efforts du personnel, présentait en 2022 des dégâts identiques à ceux constatés lors des deux précédentes visites, en 2011 et 2016.

Par ailleurs, informé lors de ses visites de plans de restructuration à court ou moyen terme, le contrôleur constate une réelle inertie face aux difficultés.

  • Ainsi, des travaux de maintenance ou de réparation ne sont pas effectués, au motif que tout sera bientôt reconstruit. A l'image de la maison d’arrêt de Rouen, où il était fait état de sa nécessaire destruction en 2011.
  • Ce constat n’ayant pas été suivi d’effet, l’établissement n’a fait l’objet d’aucune mesure de réhabilitation, avant qu’un plan ne soit établi en 2019.
  • A noter également que d’autres maisons d’arrêt sont laissées à l’abandon, comme celle de Nice, qui doit faire face à des restrictions budgétaires, alors que la structure souffre déjà de l’insuffisance de son budget de fonctionnement.

Le CGLPL recommande ainsi que chaque établissement vétuste fasse l’objet d’un diagnostic détaillé, qu’il tire les conséquences des alertes répétées et qu’il mette un terme aux projets non suivis d’effets.

Réponse du ministère de la Justice. Dans une lettre adressée au contrôleur général des lieux de privation de liberté, le garde des Sceaux assure notamment que des projets de construction, validés par l’administration pénitentiaire, sont en cours. Il promet également des efforts en 2026 pour la rénovation des sites les plus vétustes.

En outre, le ministre explique avoir lancé, le 1er juillet 2025, deux appels d’offre pour la construction, en 18 mois, de 3 000 places de prison.

>>> Retrouvez ici : la réponse du ministre de la Justice <<<

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