« Il revient aux personnes détenues elles-mêmes de faire preuve de bon sens au sein de la cellule et ne pas laisser toujours le même dormir au sol. » C’est par ces mots, raconte l’Observatoire international des prisons (OIP), que la direction de la maison d’arrêt de Nanterre a répondu, le 6 mai 2025, au courrier d'une avocate concernant les conditions de détention de son client, un jeune homme incarcéré pour la première fois.
D., 19 ans, partage une cellule de 9 m² avec deux autres détenus. « Je m’allongeais, je ne pouvais plus respirer tellement il y avait de poussière », témoigne-t-il. Dernier arrivé, il a dû, comme c’est souvent la règle implicite, dormir sur un matelas posé à même le sol, trempé à cause d’une fuite d’eau. « Je suis en train de vivre un truc que personne ne pourrait vivre plus de 48 heures », a-t-il confié à son avocate.
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Les conditions de détention de D. ne sont malheureusement pas un cas isolé. Au 1er mai 2025, la France comptait 5 234 matelas au sol et un taux d’occupation record de 163 % en maison d’arrêt, d'après l'OIP. Le directeur de la maison d'arrêt de Nanterre admet lui-même un effectif « qui n’a jamais été aussi élevé » avec 1 160 détenus pour 592 places. Une suroccupation qui entraîne la présence de 130 matelas au sol, faute de place en lits.
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Un choix politique
L'observatoire rappelle que l’État a déjà été condamné à deux reprises pour l’indignité des conditions de détention dans cet établissement. Dans une ordonnance du 30 juin 2023, la justice avait pointé « la dégradation des infrastructures et l’absence de ventilation, de chauffage fiable et d’installations électriques sûres ». Elle avait rappelé que la surpopulation et la promiscuité peuvent constituer des traitements inhumains ou dégradants. Mais deux ans plus tard, rien n’a changé. Pire : les effectifs atteignent un niveau jamais enregistré.
Alors même que 23 établissements dépassent les 200 % de taux d’occupation – avec près de 2 000 matelas supplémentaires disposés au sol par rapport à l’année précédente –, l’OIP dénonce un « choix politique » assumé, qui privilégie la politique du tout-carcéral au détriment des droits fondamentaux. Une « inaction persistante de l’État » pour cette ONG qui se consacre depuis bientôt trente ans à la défense des droits des personnes incarcérées et à l'amélioration des conditions en détention dans le monde.
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L’Observatoire international des prisons rappelle que les leviers existent pour limiter la saturation des prisons, à commencer par un mécanisme de régulation carcérale contraignant, à l’image du Royaume-Uni, où le nombre d’incarcérations est ajusté à la capacité réelle des établissements. Auquel s'ajoutent d'autres recommandations de l'association :
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La dépénalisation de certaines infractions, notamment les délits mineurs liés à la pauvreté ou à l’usage de stupéfiants,
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Le développement massif des peines alternatives, telles que le travail d’intérêt général, le bracelet électronique ou la libération conditionnelle,
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Une limitation stricte de la détention provisoire, aujourd’hui appliquée à deux personnes incarcérées sur cinq.
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La suppression des procédures de comparution immédiate, souvent expéditives et propices à des décisions d’incarcération sans véritable débat.
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