« Les inégalités se creusent », rapporte le Secours populaire dans la dernière édition de son baromètre (1) annuel sur la pauvreté, réalisé par Ipsos. Un tiers des Français disent en effet avoir subi une perte de revenus significative avec la crise. Cette perte est qualifiée de très importante par 7 % des sondés et de plutôt importante par 9 %. Dans le même sens, plus d’un quart des personnes interrogées n’ont pas pu partir en vacances cet été pour des raisons financières.
Le retard pris par certains enfants à l’école devient par ailleurs difficilement rattrapable. « La fracture numérique se fait ressentir, témoigne Jean Stellittano, secrétaire national du Secours populaire. Nous observons un grand désarroi des familles face à l’envoi de cours par mail, de connexion par visioconférence… » Selon lui, ce clivage représente un véritable enjeu sociétal, puisqu’en plus d’un problème de sous-équipement, beaucoup de parents ne sont pas en mesure d’expliquer à leurs enfants comment utiliser le matériel informatique. « Cette emprise que peuvent avoir les élèves sur leurs parents, au travers de l’usage des outils numériques, pose un vrai problème en termes d’éducation. Nous avons pu observer une certaine remise en cause de l’autorité à ce niveau-là. » Les enfants étant souvent plus agiles numériquement que leurs parents.
De nouveaux profils ont recours à l’aide associative
Le baromètre souligne également la difficulté qu’ont les Français à se projeter dans l’avenir. Ils sont 81 % a estimé que leurs enfants ont plus de risques qu’eux de connaître un jour la pauvreté. Cela représente deux points de plus qu’en 2019, alors que cette crainte diminuait depuis quatre ans. « Et il s’agit du résultat obtenu sur un panel représentatif de la population, souligne Jean Stellittano. Si nous avions fait un focus sur les publics accueillis, je suis persuadé que nous serions presque à 100 %. » De la même manière, la peur de basculer soi-même dans la pauvreté augmente de trois points par rapport à l’an passé et atteint ainsi 57 %.
Depuis le début de la crise, l’association rappelle qu’elle a soutenu 1 270 000 personnes sur le plan alimentaire, parmi lesquelles 45 % ont eu recours à son aide pour la première fois. « Des anciens bénéficiaires sont retombés dans la pauvreté, détaille Jean Stellittano. Mais nous avons également vu arriver de nouveaux profils sociologiques, comme des autoentrepreneurs, des petits commerçants, des artisans… »
Elan de solidarité
Parmi les publics les plus exposés aux conséquences de la pandémie, se trouvent également les mères célibataires, dont l’ancien conjoint « subitement sans ressources » n’a pas pu verser sa pension alimentaire. De nombreux seniors ont par ailleurs bénéficié d’un soutien associatif du fait que les structures d’aide habituelles ont été fermées ou fonctionnaient moins bien qu’à l’ordinaire.
En parallèle de cet « afflux massif », le Secours populaire note toutefois une mobilisation importante du public. « Pour faire face à cette marée de pauvreté, nous avons vu arriver beaucoup de bénévoles qui sont spontanément venus prêter main-forte aux équipes en place », rapporte le secrétaire national de l’association. Selon le baromètre, 69 % des Français, sont prêts à s’impliquer pour aider les personnes en situation de grande précarité. Un élan de solidarité davantage marqué chez les 16-24 ans, qui sont 78 % à vouloir s’engager.
(1) Etude réalisée les 4 et 5 septembre par téléphone sur un échantillon représentatif de 1002 personnes.