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Edito : Les bonnes intentions

Crédit photo Stéphanie Trouvé / Pixel6Tm
Les projets offrent toujours leur meilleur profil sur le papier. Mais, des plans gouvernementaux aux dogmes des pratiques professionnelles, quand on préfère les paradigmes au pragmatisme, on se fracasse en beauté sur le mur des réalités.

Elisabeth Borne a des principes : « C’est par le travail que l’on peut s’en sortir », a-t-elle martelé lors de la présentation du Pacte des solidarités, le 18 septembre dernier. Et ce ne sont pas que des paroles, il y a de bonnes intentions derrière : une prime de reprise d’activité devrait être versée à partir de janvier prochain. Même si l’on n’en connaît pas encore les m­odalités et qu’elle ne concerne que 50 000 personnes, la mesure est intéressante tant il existe de freins au retour à l’emploi (coût du transport, frais de garde d’enfant, de repas, de vêtements…).

Oui, c’est par le travail que l’on peut s’en sortir. La formule est pleine de bon sens, sauf si l’on milite pour le droit à la paresse. Mais elle est aussi déconnectée des réalités pour des centaines de milliers de Français aux parcours désarticulés, aux destins fracassés. Marqués par un implacable déterminisme social, ils sont nombreux à ne pas pouvoir réintégrer le marché de l’emploi… même si on leur sucre le RSA.

Or ces exclus sont paradoxalement les grands oubliés du Pacte des solidarités. En n’augmentant pas les minima sociaux pour rattraper l’inflation (une simple hausse de 1,6 % a eu lieu en avril risquant de faire basculer 200.000 personnes dans la pauvreté) ou en escamotant le RSA jeunes à 18 ans, le gouvernement précarise encore plus les derniers de cordée.

La baisse du chômage est, certes, à l’actif de la présidence actuelle. Mais à quoi sert-elle si « la pauvreté ne baisse plus depuis trente ans », comme le souligne Pascal Brice, le président de la FAS. Non, décidément, le travail ne suffit pas pour s’en sortir.

Les bonnes intentions se heurtent aux réalités. Dans le domaine du travail social, c’est presque un principe. Regardez l’expérimentation des VAE aidants. Là encore, le postulat est correct et l’intention est bonne. Face aux 600 000 postes à pourvoir dans l’aide à la dépendance ces huit prochaines années, on a expérimenté un dispositif dans trois régions pour proposer une validation des acquis aux chômeurs et aux proches aidants. 2 000 chômeurs ou salariés ont répondu présents. Mais zéro aidant !

L’enquête à lire sur notre site est édifiante. Le bide s’explique par une com’ ratée et surtout un ciblage maladroit. Quand vous avez été aidant pendant des années, vous n’avez vraiment pas envie d’en faire votre métier.

Toutes les belles idées finissent par s’étioler à l’épreuve du temps. En appliquant depuis une vingtaine d’années la loi de rénovation 2002-2, le secteur social a adopté un nouveau dogme : la culture du projet. Là encore, l’intention est louable puisqu’il s’agit de placer l’usager au centre du dispositif. Mais après deux décennies de projets personnalisés, il faut bien admettre que les dérives sont nombreuses, comme le prouve l’enquête des ASH. Allez donc monter un projet personnalisé avec un SDF en déshérence ou un résident d’Ehpad en fin de vie !

Et que dire de la mixité sociale ? Non, on ne fait pas de fixation sur la Première ministre mais, là encore une idée formidable risque de se fracasser sur le mur des réalités. En présentant le plan du gouvernement à la suite des émeutes de cet été les 26 et 27 octobre dernier, Elisabeth Borne a dévoilé une mesure-choc : les préfets auront pour consigne de ne pas attribuer de logements sociaux dans les quartiers prioritaires de la ville aux ménages bénéficiant du Droit au logement opposable (Dalo). L'idée étant de ne pas ajouter de pauvres aux pauvres et donc de favoriser la mobilité sociale. 

35 000 familles "Dalo" ont obtenu cette reconnaissance de droit au logement en 2022. Mais plus de 93 000 ménages "Dalo" restent en attente d'un relogement. Ça ne va pas s’arranger puisque désormais les familles prioritaires n’auront pas droit aux quartiers prioritaires ! Seront-elles remplacées par les classes moyennes dans les cités qui vont se précipiter sur les F4 dans la cité des 4000 ? Hum.

La mixité sociale, ça ne marche pas dans ce sens-là.

C’est en appliquant la loi SRU qui demande aux communes d'au moins 50 000 habitants de disposer de 20 % de logements sociaux qu’on pourrait avancer dans le bon sens. Mais comme le souligne Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre : « Il y a un tiers de communes qui ne le respectent pas, dont une partie qui sciemment ne le font pas et préfèrent payer des pénalités. C'est là où nous avons besoin d'un Etat fort qui impose de construire les logements sociaux manquants ». Mais l’Etat a semble-t-il d’autres (bonnes) intentions…

Un Pacte des solidarités décevant, une VAE aidants à côté de la plaque, des projets personnalisés perclus d’effets pervers, une mixité sociale qui marche sur la tête… Il y a une morale à ces quatre histoires. Sur le front du social, il faut injecter du pragmatisme dans les paradigmes. Sinon, les bonnes intentions servent surtout à paver l’enfer.

 

 

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