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En Ehpad, le déconfinement sera progressif et en prise avec le terrain

Alors que le déconfinement se profile, les procédures ne sont pas encore définitivement arrêtées. Mais des pistes sont actuellement à l’étude pour ouvrir un peu plus les portes des Ehpad. Un assouplissement du confinement qui se fera avec beaucoup de précautions et devrait s’étaler sur plusieurs mois.

« Nous allons devoir vivre avec le virus. Dès lors qu’aucun vaccin n’est disponible à court terme, qu’aucun traitement n’a, à ce jour, démontré son efficacité, et que nous sommes loin d’avoir atteint la fameuse immunité de groupe, le virus va continuer à circuler parmi nous. Ce n’est pas réjouissant, mais c’est un fait. (…) Il nous faut donc apprendre à vivre avec le Covid-19, et apprendre à nous en protéger. » Par ces mots tenus le 28 avril lors de son discours de présentation de la stratégie nationale de déconfinement, le Premier ministre, Edouard Philippe, fixait la marche à suivre. Concrètement, le déconfinement va s’effectuer pas après pas. Cependant, on n’apprend pas à se protéger du virus de la même manière selon que l’on réside en Ile-de-France ou en Nouvelle-Aquitaine. Et, de même, selon que l’on se trouve en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), à la crèche, en institut médico-éducatif (IME), en maison d’enfants à caractère social (Mecs) ou simplement chez soi. Mais, dans les Ehpad encore plus qu’ailleurs, un maximum de précautions doivent être prises, ce public étant le plus atteint par l’épidémie, le plus vulnérable aussi. Ainsi, près de la moitié des décès recensés touchent des personnes vivant en Ehpad. Il ne va donc pas falloir desserrer l’étau trop vite. Et cela va essentiellement se gérer au cas par cas.

« Le virus ne va pas disparaître le 11 mai. L’enjeu est donc de pouvoir déconfiner de manière progressive et adaptée à la réalité de chaque établissement. Il nous semble extrêmement important que ce déconfinement ait lieu au plus près du terrain, au plus près des réalités de chaque structure. C’est la clé », confirme Jean-Pierre Riso, président de la Fnadepa (Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et de services pour personnes âgées). Didier Sapy, directeur général de la Fnaqpa (Fédération nationale avenir et qualité de vie des personnes âgées), insiste : « Tous les acteurs du secteur sont d’accord pour dire qu’il n’est pas question de rouvrir les établissements du jour au lendemain. Même si des visites encadrées sont de nouveau autorisées selon des conditions strictes à respecter, il faut que le gouvernement indique bien que le déconfinement du 11 mai n’entraîne pas la réouverture des établissements pour personnes âgées. » Pour sa part, Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du Synerpa (Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées), évoque un déconfinement en plusieurs phases. La première a déjà débuté : il s’agit du retour des visites des proches dans les établissements depuis le 20 avril. Strictement encadrées, ces visites ne posent aucun problème dans la grande majorité des cas. Mais, encore une fois, la réalité n’est pas la même selon que l’établissement se trouve en Ile-de-France ou dans le Grand Est, régions où la situation est critique, plutôt qu’en Nouvelle-Aquitaine ou en Bretagne. Et elle diffère encore selon que l’établissement compte dans ses murs un ou plusieurs cas de Covid-19, qu’il possède ou non un parc, qu’il applique un confinement en chambre, qu’il s’organise en secteurs Covid et non-Covid. Bref, les autorisations de visites se font au cas par cas.

« Ne pas les traiter comme des citoyens de seconde zone »

Pour Florence Arnaiz-Maumé, le deuxième temps du déconfinement doit consister à « faire revenir certains professionnels indispensables que nous avions volontairement mis de côté au plus gros de la crise. A savoir, les kinésithérapeutes, les animateurs sportifs, les psychologues, les psychomotriciens, les podologues. Autant de spécialités dont nous avons besoin et dont on ne peut plus se passer. Il faut donc les réintégrer. » Claudette Brialix, présidente de la Fnapaef (Fédération nationale des associations et des amis des personnes âgées et de leur familles), appuie : « Evidemment, nous souhaitons avec ce déconfinement le retour de certains professionnels. » Avant d’ajouter : « Nous avons aussi demandé que les bénévoles qui ont l’habitude de venir dans les Ehpad pour y faire de l’animation et accompagner les personnes qui n’ont pas de famille puissent revenir au plus vite. D’ailleurs, ces bénévoles ont souvent une meilleure connaissance et plus de compétences que certains qui viennent de la réserve sanitaire et n’ont pas forcément l’expérience d’un établissement. »

Il faut préciser qu’en réalité, dans une structure, deux sortes de confinement coexistent : celui des personnes et celui de l’établissement. Il faudra donc mener deux déconfinements distincts. « Cela veut dire que, si le 11 mai marque le déconfinement des Français, ce n’est pas la date du déconfinement des établissements, souligne Didier Sapy. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas traiter les personnes âgées qui vivent en structure comme des citoyens de seconde zone. Lorsque c’est possible – car tout dépend de la situation des établissements –, il doit y avoir un peu d’assouplissement dans le confinement en chambre des personnes. » L’idée générale est de faire en sorte que les résidents recouvrent quelques libertés de déplacement. Il faut leur permettre d’aller se balader dans le parc, remettre progressivement en place des ateliers, des animations, autoriser de nouveau une prise de repas collective, à trois ou quatre personnes dans une petite salle, en respectant les mesures-barrières et la distanciation sociale. « Cela permet de recréer de la vie sociale, estime le dirigeant de la Fnaqpa. La première chose que les Français attendent du déconfinement est de pouvoir avoir à nouveau des interactions humaines. C’est la même chose pour les personnes âgées en établissements. » Mais cela ne sera possible qu’à la condition qu’une campagne massive de dépistage soit menée dans les établissements. Si le gouvernement a semblé cafouiller sur ce sujet, tout paraît rentrer dans l’ordre. « Désormais, les tests vont bon train, confirme Florence Arnaiz-Maumé. Les grands réseaux nous disent qu’ils sont déjà à 50 % de tests sur les salariés et plus de 50 % sur les résidents. »

La déléguée générale du Synerpa avance ce qui constitue à ses yeux le « second grand chantier du déconfinement » : la reprise des admissions. « Habituellement, il y a près de 50 000 admissions par mois dans les Ehpad. Depuis le 1er mars, nos estimations font état de seulement 5 000 nouveaux résidents pour tout le secteur. Les taux d’occupation sont donc en chute. » Ce qui entraîne un impact financier non négligeable, qui s’ajoute aux surcoûts très importants en matière de soins, d’achat de matériels, d’équipements de protection individuelle… auxquels ont dû faire face les établissements. Pour autant, Didier Sapy considère que « le retour des admissions ne va pas résoudre le problème économique », et déplore : « Le problème majeur, c’est qu’il y a des personnes à domicile en souffrance qui seraient mieux en établissement. Mais, en raison de la crise, elles ne peuvent pas être admises. Il y a donc des situations individuelles à gérer. Des établissements sont sollicités pour des admissions urgentes mais ne peuvent pas y répondre, à de rares exceptions près. » Encore une fois, cela devra être étudié au cas par cas. Il faut que la situation de l’établissement le permette, que les équipes soient en capacité d’assurer de nouvelles admissions, que les résidents soient d’accord. Sans écarter le flot d’interrogations que cela soulève : les personnes entrantes doivent-elles systématiquement être testées ? Faut-il ensuite les mettre en quatorzaine ? De questions qui restent encore sans réponses.

« Il ne faut pas répéter les mêmes erreurs »

A l’heure d’écrire ces lignes (le 7 mai, ndlr), aucune directive, aucun protocole n’a encore été annoncé par le gouvernement. Toutefois, les acteurs du grand âge l’affirment de façon unanime : les pouvoirs publics doivent les écouter. Au risque, à défaut, de faire face à de nouveaux couacs. « Il faut que l’Etat coconstruise avec les professionnels le déconfinement, sinon nous allons nous exposer à de grandes déconvenues, certifie ainsi Pascal Champvert, président de l’AD-PA (Association des directeurs au service des personnes âgées). Je le dis avec force et puissance : notre enjeu est de ne pas reproduire ce qu’il s’est passé il y a quinze jours pour les visites encadrées. La logique de déconfinement doit être coconstruite avec l’ensemble des professionnels, mais aussi avec les personnes âgées et leurs représentants. »

Une conviction partagée par Claudette Brialix : « Pour le déconfinement, nous demandons que la démocratie sociale joue son rôle. C’est avec les familles et par des mesures qui paraissent acceptables à tous que l’on pourra réussir ce déconfinement. » Mais la président de la Fnapaef exprime un doute profond : « Depuis le début de la crise, toutes les décisions ont été prises sans que jamais les personnes âgées ne soient concertées. Les conseils de la vie sociale ne sont pas au cœur des négociations. Pourtant, les résidents sont bien les premiers concernés. Il ne faut pas répéter les mêmes erreurs pour le déconfinement. »

Cette crise sanitaire va laisser des traces. Mais le temps n’est pas encore venu de dresser des bilans. L’état d’urgence sanitaire vient d’être prolongé jusqu’à la mi-juillet et, tant qu’un vaccin n’aura pas été trouvé, les Ehpad resteront au cœur des préoccupations. D’autant que les professionnels, mobilisés comme jamais depuis plus de deux mois et proches de l’épuisement, vont devoir affronter une autre difficulté : la hausse des températures et l’arrivée possible d’une canicule…

 

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