Les psychologues étaient nombreux à crier leur colère ce jeudi 10 juin devant le ministère de la Santé à Paris, mais aussi face aux agences régionales de santé (ARS) et aux préfectures de 40 villes de France.
A l’appel de plusieurs organisations historiques et de mouvements beaucoup plus récents comme le Manifeste Psy (un collectif digital créé en février dernier qui regroupe déjà 4 300 professionnels), ils contestent unanimement – fait suffisamment rare pour être noté dans une profession aux courants variés – la généralisation du remboursement des consultations, recommandée en février dernier par la Cour des comptes. Des remboursements à des tarifs « dérisoires, et sous des conditions indécentes et maltraitantes pour les psychologues libéraux et pour les patients », explique Caroline Fanciullo, cofondatrice du Manifeste Psy.
De plus, ces remboursements seraient soumis à une prescription et à une évaluation du médecin traitant au lieu d’un accès direct au praticien, comme c'est actuellement le cas. Le nombre de séances et leur durée seraient également imposés : 30 minutes pour les dix premières, payées 22 €, puis 45 minutes pour les dix suivantes, payées 32 €, si le médecin traitant ou un psychiatre l’approuve.
« La crise sanitaire a révélé des souffrances psychologiques massives que les institutions publiques ne peuvent pas absorber, faute de moyens. Le gouvernement propose une sorte de délégation de ces services aux psychologues libéraux, mais sans s’en donner les moyens », poursuit la praticienne.
« Psychologues maltraités, patients en danger ! »
Psychologue libérale à Paris, Manon brandit sa pancarte : « Oui au remboursement, mais pas n’importe comment ! Psychologues maltraités, patients en danger ! » Très inquiète depuis plusieurs mois, c’est la première fois qu’elle participe à une manifestation : « Venir aujourd’hui, c’est défendre ma profession et les conditions qui me permettent de prendre soin de mes patients. J’ai vu la mobilisation grandir sur les réseaux sociaux,. Il est essentiel que l’on soit tous plus impliqués, pour être écoutés collectivement. »
Virginie Tschemodanov, qui exerce en libéral et en Sessad (service d'éducation spéciale et de soins à domicile) à Metz, est membre du bureau fédéral de la Fédération française des psychologues et de psychologie ( FFPP) : « Le remboursement et la durée de séance nomenclaturée impliquent une paramédicalisation que l’on refuse. Nous défendons notre autonomie de fonctionnement et l’autonomie psychique de nos patients. Nous ne pratiquons pas d’actes. Nous accompagnons des personnes en souffrance. »
Des psychologues du service public sont également présents, comme Julie, de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris : « On a retiré au service public tous ses moyens. Les psychologues et les patients y sont maltraités, avec trop peu de places pour les demandes qui ont explosé avec la Covid. On demande du coup au privé de pallier ça avec des tarifs impossibles ! Un psy dans le privé, avec les charges qu’il a, ne peut pas travailler pour 20 €. »
Absence de concertation
L’inquiétude est montée progressivement depuis le début de l’année, au fil des annonces concernant la santé mentale par le gouvernement, confronté à l’explosion de la souffrance psychique consécutive à la crise sanitaire. Problème : le rapport de la Cour des comptes sur les remboursements, celui de l’Igas (inspection générale des affaires sociales), l’arrêté du 10 mars relatif à la définition de l'expertise spécifique des psychologues, et les différents dispositifs annoncés ont été élaborés et décidés sans aucune concertation avec les professionnels.
« Au moment où on lançait l’appel à mobilisation, au mois de mai, rappelle Patrick-Ange Raoult, secrétaire général du Syndicat national des psychologues, Emmanuel Macron annonçait encore sans nous en avoir informés le “chèque psy” pour les enfants ! La première chose que nous demandons aujourd’hui, c’est d’être écoutés. »