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Fondation Le Refuge : une désintégration en plein vol

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La Fondation Le Refuge est victime de son essor.

Crédit photo dpa Picture-Alliance via AFP
Alors que de premières mesures viennent d’être engagées par la Fondation Le Refuge à la suite d’un audit pointant de nombreux dysfonctionnements structurels, en toile de fond, le risque d’implosion menace. En cause, le manque de transparence et de signaux de reconnaissance de plusieurs membres du conseil d’administration envers le personnel et les bénévoles.

Election le 28 février d’un président de transition et lancement d’un appel d’offres pour mandater un cabinet qui assurera le recrutement d’un directeur des ressources humaines (DRH), d’un directeur administratif et financier ainsi que d’un médiateur. Telles sont les mesures immédiates engagées par le conseil d’administration (CA) de la Fondation Le Refuge à la suite du diagnostic de sa situation publié le 18 février par le cabinet de conseil BCG (Boston Consulting Group).

Cette association, créée en 2003 et transformée en fondation en mars 2020, accompagne les jeunes LGBT+ de moins de 25 ans en situation d’errance sur le plan social. Elle organise actuellement l’hébergement de 194 jeunes sur l’ensemble du territoire, une action rendue possible par l’engagement de 450 bénévoles et de 29 salariés. Réalisé gratuitement par le cabinet BCG, l’audit intervient à la suite de révélations faites par nos confrères de Mediapart en décembre dernier qui faisaient état de manquements de la direction.

Son diagnostic est clair : « Parce qu’elle s’appuie sur l’engagement de ses bénévoles et qu’elle a réussi à croître rapidement, la Fondation n’a pas su professionnaliser sa gestion, formaliser son fonctionnement, ni mettre en place une gouvernance équilibrée. De ce fonctionnement “artisanal” résulte une grande hétérogénéité selon les périodes et les géographies, avec des dysfonctionnements structurels pouvant exposer salariés, bénévoles et jeunes à des situations qui semblent incompatibles avec la mission du Refuge. »

Deux clans clairement en discorde

Le 18 février, l’annonce officielle de la publication du rapport par la Fondation a été l’occasion de rendre publique la démission de son président et fondateur, Nicolas Noguier, ainsi que la prise de décisions concrètes comme la mutualisation des moyens avec d’autres associations, la formation de salariés et de bénévoles ou le recrutement d’un travailleur social pour chaque délégation. « Des mesures que nous allons mettre en œuvre d’ici six mois », précise un membre du CA.

Si, par les voies de communication officielles, la situation semble être sous contrôle et aller dans le bon sens, les décisions du CA ne font pas l’unanimité en interne. Les avis divergent radicalement, au travers de deux clans diamétralement opposés : le premier porté par une majorité des membres du CA ; le second constitué des membres minoritaires associés à plusieurs centaines de salariés et de bénévoles, mobilisés par le biais d’une lettre ouverte datée du 2 mars dernier. La démission totale du conseil d’administration y est demandée, au motif que ni les statuts ni le règlement intérieur ne sont respectés. Le courrier intervient à la suite d’un sondage mené auprès d’environ 200 membres de la fondation : 93 % se déclarent favorables à l’élection d’un nouveau CA avec un droit de vote des bénévoles et des salariés.

« Nous demandons à être reçus par Monsieur Jean- Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale, de la Jeunesse et des Sports, qui a été informé de la situation par courrier, indique le document. Nous demandons une modification des statuts pour que le nouveau conseil d’administration soit élu par tous les bénévoles et salariés de la Fondation et que cette transition se fasse avec l’actuel directeur général, Frédéric Gal. »

Communication totalement rompue

Entre les différents interlocuteurs, le dialogue semble rompu et un point de non-retour atteint. En cause, un manque criant de reconnaissance, de transparence sur les décisions prises et un climat anxiogène pour les bénévoles et les salariés, qui ont la certitude que l’éviction de l’ancien président Nicolas Noguier permet à certains membres du CA de ne pas prendre leurs responsabilités quant aux dysfonctionnements structurels. Par ailleurs, de nombreuses personnes font état d’un sentiment de perte d'identité de la fondation et d’une incompréhension de la part d’une hiérarchie sans réelle connaissance du terrain.

« Je suis très inquiète. La priorité se porte aujourd’hui sur les jeunes que nous accompagnons. Je reçois de nombreuses lettres de démission de bénévoles. Il y a urgence. Nous devons retrouver un environnement serein. Le diagnostic de l’audit préconise d’ailleurs de changer, voire de coopter le CA. Or la majorité de ses membres n’y prête pas attention. Ils envisagent même de baser le siège social à Paris, alors qu’historiquement il se trouve à Montpellier », révèle Sabrina Askelou, vice-présidente du Refuge.

La constitution d’un nouveau conseil permettrait en particulier d’équilibrer la composition de ses membres, en y intégrant davantage de profils ayant l’expérience du terrain.

En parallèle, un recours administratif se prépare pour parer l’irrespect dénoncé des statuts et du règlement. Par exemple, la mise en retrait du président et l’élection sans y être autorisé d’un président de transition ne sont pas pas prévus par les statuts. Théoriquement, si le président n’est plus en poste, il revient à l’un des vice-présidents de prendre la charge de l’intérim.

Pressions exercées sur les bénévoles

« J’ai été informé de ma démission par communiqué de presse, indique Richard Renault-Auster, (ex-)délégué régional des Pays de la Loire. Théoriquement, le règlement intérieur prévoit a minima qu’un entretien doit être proposé et qu’un préavis d’un mois soit respecté. Je coordonne 80 bénévoles et trois salariés. S’ils n’acceptent plus mon rôle de délégué, je reste malgré tout bénévole, les jeunes ont besoin de nous. Je fais partie des collaborateurs qui dérangent car je soutiens clairement notre ancien président. »

En parallèle, des pressions seraient exercées sur des bénévoles qui souhaitent se désengager de l’association. Concrètement, en cas de départ, les jeunes LGBT+ accompagnés se verraient délocalisés, ce qui freinerait considérablement leur reconstruction et leur confiance en la structure.

Pour sa part, le conseil d’administration indique aux ASH qu’il ne souhaite pas commenter la publication de la lettre ouverte et qu’il est certain de la confiance que lui accorde la majorité des bénévoles. L’essentiel étant les mesures prises à la suite de l’audit, c’est-à-dire « la construction d’un nouveau Refuge plus inclusif, plus professionnel et plus éthique »

Un peu moins d’un an après le passage d’association à fondation, la structure est donc sur le fil du rasoir. Comme le mentionne le rapport de BCG, « si l’association a pu se construire comme une “famille” reposant sur des liens affectifs, elle doit désormais assumer son périmètre actuel en se conformant aux standards applicables à ce type de structures ». Le recrutement d’un médiateur, prévu pour les prochaines semaines, suffira-t-il ?

 

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