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A Calais, une trêve hivernale placée sous le signe des expulsions

Les associations ont empêché ce jeudi 4 novembre 2021 au matin l'expulsion d'un des campements à Calais 

Crédit photo Louis Witter
Exil - Si la trêve hivernale, débutée le 1er novembre, n’empêche pas les expulsions de terrains occupés, les grévistes de la faim réclamaient cependant l’arrêt des évictions quasi quotidiennes des lieux de vie des exilés.  Une demande qui n’est pas satisfaite à ce jour.

C’était la première des revendications du père Philippe, d’Anaïs et de Ludovic : l’arrêt des expulsions durant la trêve hivernale, qui court du 1er novembre 2021 au 31 mars 2022. Dans l’église Saint-Pierre, où les trois grévistes de la faim ont cessé de s’alimenter le 11 octobre, la demande est écrite en lettres capitales sur une banderole près de leurs lits. Depuis, le père Philippe a cessé sa grève de la faim mais les deux autres poursuivent la leur, déterminés.

Sur le campement de Old Lidl, ce lundi, il est environ 9 h quand, comme à leur habitude, les fourgons de gendarmerie s’arrêtent sur le bas-côté. Un à un, les gendarmes en descendent pour se diriger vers le bois où survivent plusieurs centaines de personnes. Comme à leur habitude, ils en ressortent de longues minutes plus tard, après avoir évacué les personnes et leurs affaires, puis repartent avec quelques tentes et bâches. Une bénévole s’approche du chef du dispositif et lui demande : « Les personnes se sont-elles vu proposer un hébergement ? » L’officier de police qui mène l’opération reste mutique. La réponse est négative. Malgré la présence de quelques traducteurs de la préfecture, rien n’a été proposé aux personnes expulsées. 

Pirouette juridique

C’était pourtant l’engagement de l’Etat et de Didier Leschi, le médiateur envoyé par le gouvernement, directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) et ancien préfet. Devant l’église, à la sortie de sa première rencontre avec les grévistes de la faim, il avait répondu aux questions des journalistes. Un reporter de Nord Littoral l’avait interrogé : « Y aura-t-il une trêve dans les expulsions ? ». Ce à quoi le médiateur avait répondu : « Il n’y aura pas de trêve dans les mises à l’abri. » Un élément de langage également employé par la ministre déléguée auprès du ministère de l’Intérieur, Marlène Schiappa, lors d’une session de questions au gouvernement.

Si un hangar a bien été ouvert rue des Huttes par la préfecture – et contre l’avis de la mairie – pour proposer de temps à autre un hébergement aux personnes expulsées avant leur placement dans les centres d’accueil et d’examen des situations (CAES), répartis dans le Nord, le Pas-de-Calais et partout en France, les expulsions quasi quotidiennes ne cessent pas. Elles sont le fruit d’une pirouette juridique : les enquêtes en flagrance. Wela Ouertani, qui travaille à La Cabane juridique, résume : « Chaque matin, les policiers ouvrent des enquêtes en flagrant délit en constatant l’occupation d’un terrain. Ce qui leur permet légalement d’y entrer, mais pas d’en expulser directement les occupants. Mais, selon eux, ils invitent les personnes à quitter d’elles-mêmes le terrain pour mettre fin à l’infraction. L’enquête est ensuite close, puis une autre est ouverte le lendemain matin ou deux jours après. » Dans les faits, les personnes ne quittent pas volontairement les lieux et la force est souvent employée pour les faire sortir.

Quarante-cinq minutes

Au quatrième jour de la trêve hivernale, le jeudi 4 novembre, associatifs, Calaisiens et Calaisiennes apportent le petit déjeuner sur ce même campement. Quelques tables, des biscuits et du thé chaud, en attendant les gendarmes. Quand ces derniers arrivent, le commissaire laisse quarante-cinq minutes de délai aux personnes pour quitter le terrain, « comme convenu par le médiateur ». Cet ultimatum expiré, les gendarmes arrivent, boucliers en main, pour tenter de rentrer sur le terrain. Sans succès. Bras dessus, bras dessous, personnes exilées et associatifs forment une ligne face aux forces de l’ordre. Pendant quelques minutes ça se bouscule, ça se pousse, mais la résistance est pacifique. Du renfort de CRS arrive, la sous-préfecture également. Finalement, après une heure de face-à-face, les gendarmes repartent. Le campement de Old Lidl ne sera pas expulsé ce matin-là.

Le dimanche suivant, les bénévoles comprennent, au septième jour, que la trêve hivernale n’aura pas cours à Calais. Les gendarmes reviennent et réussissent cette fois-ci à pénétrer sur le terrain. Ils laissent les personnes partir du bois avec leurs affaires. Une vidéo transmise aux ASH par une personne présente sur les lieux permet de comprendre davantage le principe de flagrance des expulsions. Sur ce document, un gendarme assume : « Tous les trois jours, quand on vient, vous allez là-bas, puis après vous revenez, c’est tout. » Et le commissaire de renchérir : « Pour éviter que vous vous installiez de manière pérenne, c’est-à-dire de manière solide, à faire des maisons ou quoi que ce soit, on vous demande d’aller là-bas. Vous faites ce que vous voulez une fois qu’on est partis mais, pour l’instant, vous partez. » Et, comme lundi et comme jeudi, aucune solution d’hébergement n’est proposée.

 

Mercredi 10 novembre, une nouvelle réunion s’est tenue auprès de la sous-préfecture avec le médiateur Didier Leschi. Avec cette même revendication, portée par les grévistes de la faim et les associations : l’arrêt des expulsions tous les trois jours et la fin des confiscations de tentes et d’effets personnels des personnes qui essaient de survivre sur les campements de Calais.

 

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