Le 16 août dernier, les cours d’appel ont été informées par courrier que le ministère de la Justice ne financerait plus les médiations familiales, les thérapies familiales ou les visites médiatisées pour les enfants dépendant de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Résultat ? La justice se tourne désormais vers les conseils départementaux pour prendre en charge ces mesures de consultation familiale ordonnées par les juges des enfants. « Cela met les départements en porte-à-faux vis-à-vis des tribunaux, dénonce Stéphane Troussel, président du département de la Seine-Saint-Denis. Le gouvernement se félicite de faire adopter une loi sur la protection de l’enfance, mais il affaiblit au même moment les dispositifs de protection déjà prévus par la loi. »
Les conseils départementaux s'inquiètent
Accompagné par 21 autres présidents de conseils départementaux et par la Maire de Paris, Anne Hidalgo, l’élu socialiste vient ainsi de faire parvenir une lettre au ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, et au ministre chargé des comptes publics, Olivier Dussopt, pour manifester leur désaccord face à cette interruption de financement décidée « sans aucune concertation ». « Nous exigeons qu’ils la revoient ou bien qu’ils l’accompagnent d’une compensation financière qui permettrait la pérennité du dispositif, insiste le président du 93. Nous n’avons aucune raison, une fois encore, de compenser le désengagement de l’Etat. Nous avons décidé d'interpeller le ministère car cela met en danger des mesures qui nous paraissent essentielles. En cas de conflit important dans les familles, par exemple en cas de séparation, elles permettent l’intervention d’un tiers pour organiser l’écoute, l’échange, parfois la négociation pour justement prendre en compte de manière très concrète les besoins des enfants, mais aussi des parents et des autres membres de la famille. »
Une décision « incompréhenssible »
Ces économies seraient, selon Stéphane Troussel, emblématiques des difficultés rencontrées à la fois par la justice et par les départements : « C’est révélateur du manque criant de moyens qui sont alloués à la justice mais aussi d’une tendance toujours plus forte de l’Etat à se défausser sur les collectivités. Nous le voyons en permanence, soit sur des pans entiers de politique publique, soit sur des petites décisions qui mises bout à bout commencent à concerner des volumes importants. » En Seine-Saint-Denis, par exemple, 115 mesures de consultation familiale ont été prononcées entre le 1er janvier 2020 et le 30 juin 2021 et prises en charge par les frais de justice, comme cela avait toujours été le cas. « Cela représente 125 000 € par an en moyenne. Au moment où le gouvernement dit que la justice et la protection des enfants sont des priorités, ce type de décision est incompréhensible », conclut-il.