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Sikou Niakate : sortir d’une "prison intime"

"J'incarne le groupe des personnes noires. Et il m'incarne. Je suis un fragment de cette masse."

Crédit photo Astrid Di Crollanza
[PORTRAIT] Documentariste, auteur du podcast « Jour noir » et du livre « Dans le noir, je crie », Sikou Niakate met en lumière les stéréotypes associés aux masculinités noires et aux quartiers populaires. Dans une mise à nu rare, il raconte les difficultés qui en découlent pour parvenir à se construire en tant qu’individu.

« Sikou du futur… c’est quoi être un homme ? » « Grand Sikou, je ne veux plus me battre. Je veux chanter sans me cacher. » « Grand Sikou, j’ai compris. Je vais créer une cage en moi. Une prison de larmes pour me défendre. Pour être accepté. Plus jamais elles ne s’enfuiront. » Tout jeune déjà, Sikou Niakate interroge sa place dans le monde. Dans ce quartier, le XIXe arrondissement de Paris qui le voit grandir. Sa place dans cette bande d’amis où l’expression de toute émotion autre que la colère est jugée, moquée, et finit par être réprimée. Sa place dans cette « ville lumière » qui le confine derrière d’épaisses frontières, invisibles, mais si difficiles à franchir.

Ce dialogue intérieur permanent prend dans son livre Dans le noir, je crie, publié en mars 2025, la forme d’enregistrements audio adressés à l’adulte qu’il deviendra. « L’enregistreur, c’est la seule partie de fiction du livre. Mais ces conversations je les avais bien avec moi-même, je me sentais véritablement écrasé par ce que je vivais », confie le jeune homme, 34 ans aujourd’hui, attablé dans un petit coffee shop animé de l’Est parisien, où il a ses habitudes. « Nous sommes des centaines de milliers à avoir très vite compris le contexte de violences dans lequel nous nous trouvions et à nous être dit : “Je vais devoir l’incarner, mais qu’est-ce que j’aimerais pouvoir faire autrement”. »

 Faire émerger la vulnérabilité

« S’armer de culture »

« Je n’existe pas seul »

Sur la table, dans un étui en cuir, son ordinateur portable attend depuis le début de l’entretien. De nouveaux projets en cours ? « Oui. » Un scénario. Une comédie dramatique cette fois. En toile de fond, subsistent les enjeux autour de la masculinité, mais le réalisateur en a terminé de se raconter. « J’ai fait ma part, j’arrête de me sacrifier. Il est très compliqué de vivre de ce travail. Cela demande un énorme investissement, des nuits blanches, une situation économique difficile pour porter des sujets considérés par la plupart des gens comme pas vraiment importants. Il faut être porté par une urgence plus grande que soi. Et puis, en tant que personne noire, parler de ça me place automatiquement dans une position victimaire, une case de laquelle il est difficile de sortir », regrette-t-il, soulignant le peu de retombées médiatiques qu’il y a eu après la sortie de son livre. Arrêter de se dévoiler est ainsi un moyen pour Sikou Niakate de se « sauver artistiquement », mais aussi, finalement, d’essayer de continuer à « exister librement ». Autrement dit, de suivre cette « immodeste ambition » qui le guide depuis l’enfance.

>>> A lire aussi : Prévention spécialisée : les éducs de rue en quête de légitimité (1/6)

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