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Handicap dans les outre-mer : Charlotte Parmentier-Lecocq entend "corriger l’injustice territoriale"

« Il est temps d’en finir avec les interdictions automatiques qui ferment la porte à certains métiers. Nous devons passer d’une logique d’exclusion à une logique d’évaluation individualisée. Il ne s’agit plus de juger une personne uniquement sur son handicap ou un diagnostic, mais bien sur ses compétences et les aménagements que l’on peut mettre en place pour qu’elle exerce pleinement son métier », a déclaré Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre de l'Autonomie et du Handicap, lors de son audition le 18 juin 2025.

Crédit photo Capture écran-Audition de Charlotte Parmentier-Lecocq 18 juin 2025
Le 18 juin 2025, la ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap, Charlotte Parmentier-Lecocq, a été auditionnée dans le cadre du rapport d’information sur la politique du handicap dans les territoires ultramarins. Une audition dense, concluant à un constat clair : le handicap reste encore trop souvent invisible dans ces territoires, faute de données fiables, de moyens suffisants, et d’un engagement structurel de longue date.

« Nous devons rattraper un retard historique », a martelé la ministre en introduction, appelant à une politique de rattrapage territorial ambitieuse et pérenne. Lancée en novembre 2024 à l’occasion du DuoDay au Sénat, la mission d'information conduite par trois sénateurs – Audrey Bélim (La Réunion, SER), Akli Mellouli (Val-de-Marne, GEST) et Annick Petrus (Saint-Martin, LR) – vise à évaluer le regard porté sur le handicap dans les outre-mer. Et à mesurer les réponses publiques dans des domaines clés : éducation, emploi, offre médico-sociale, sport, culture et vie sociale.

Prévalence plus élevée 

Si Charlotte Parmentier-Lecocq a souligné, dès ses propos liminaires, la singularité des outre-mer, marquée par « l’insularité, l’éloignement et des spécificités démographiques et sociales qui exigent des politiques adaptées, concertées et territorialisées », elle dresse un l’état des lieux sans appel de l'offre médico-sociale : les outre-mer sont en retard par rapport à l’Hexagone, lui-même encore « lacunaire ».

Selon les chiffres de l’Insee et de la Drees cités par la ministre, entre 8 % et 12 % des habitants ultramarins seraient en situation de handicap. Un taux supérieur à celui observé dans le territoire hexagonal (5 %). Et aux facteurs structurels (vieillissement, catastrophes naturelles, pauvreté) s’ajoute une jeunesse parfois très touchée, notamment à Mayotte ou en Guyane.

Un état des lieux probablement en deçà de la réalité, puisque les seules données disponibles émanent des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ou de quelques observatoires régionaux de santé (Guadeloupe, Martinique, Réunion), empêchant toute vision d’ensemble cohérente. « Ce manque d’études traduit une prise de conscience tardive », a reconnu la ministre.

150 millions d’euros 

Pour répondre à cette urgence, 150 millions d’euros ont été mobilisés dans le cadre de la stratégie nationale de rattrapage médico-social. À La Réunion, 29 millions d’euros de l’État s’ajoutent à un montant équivalent du département et à 10 millions d’euros d’investissements, pour développer notamment l’habitat inclusif et l’accueil de jour.

À Mayotte, particulièrement touchée par le cyclone Chido en décembre 2024, un plan d’urgence post-catastrophe prévoit la création de 500 places médico-sociales, contre moins de 20 aujourd’hui. « Un comité de suivi a été mis en place pour évaluer les besoins réels après la catastrophe », a précisé la ministre.

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La nécessité d'une école plus inclusive 

Pour les rapporteurs, l’inclusion scolaire n’est toujours pas au rendez-vous. Malgré le déploiement progressivement de pôles d’appui à la scolarité (PAS), mêlant professionnels de l’Éducation nationale et du médico-social pour une meilleure efficience et coordination, le recrutement reste difficile dans les outre-mer, en raison du coût de la vie et du manque de logements. « À Saint-Barthélemy ou à Saint-Martin, le coût de l’immobilier et de la vie est un véritable frein », observe la ministre. Même constat sur la formation locale : « Former sur place, c’est un gisement d’emplois pour les jeunes du territoire. Car une fois partis étudier ailleurs, les professionnels ne reviennent pas toujours. »

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Des questions en suspens

Plusieurs sénateurs ont alerté sur les « angles morts » de la politique actuelle. Annick Petrus a insisté sur la difficile insertion des jeunes adultes en situation de handicap après 18 ans : « Ils disparaissent souvent des radars, faute de centres adaptés ou de suivi. »

Des carences dans l'accompagnement de la transition vers l’âge adulte, en particulier autour du logement, de l’emploi, des mobilités et de la vie sociale. « Ces jeunes adultes, a défendu Vivette Lopez, sénatrice du Gard, ont des envies claires : avoir un logement, un emploi, se déplacer, accéder au sport et à la culture. Ce sont des droits légitimes. » 

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Elle a également pointé le non-respect du quota légal d’emplois dans les entreprises locales, souvent remplacé par le paiement de la contribution compensatoire. En réponse, Charlotte Parmentier-Lecocq a rappelé l’engagement du gouvernement à renforcer des dispositifs comme « l'emploi accompagné », bientôt intégré à France travail, et à élargir l’offre d’accompagnement individualisé dans le cadre du plan des « 50 000 solutions ».

Autre mesure décriée par les sénateurs : la liste d’emplois interdits aux personnes en situation de handicap. Une discrimination faisant partie des « chantiers prioritaires », assure la ministre, « pour permettre à chacun de faire valoir ses compétences, dans le respect de ses droits ». Des listes d’emplois interdisent l'accès en effet à certaines professions (par exemple, dans la fonction publique, les transports, les forces de l’ordre, etc.) aux personnes atteintes de certains types de handicap, sans tenir compte des capacités réelles des individus ou des aménagements possibles.

Enfin, le sénateur Akli Mellouli a appelé à un plan pour développer le handisport et l’accès à la culture, essentiels à la socialisation et au bien-être : « On ne peut pas continuer à avoir une si faible représentation des ultramarins en situation de handicap dans les grandes compétitions comme les Jeux paralympiques. »

Réaffirmant son attachement à cet enjeu, la ministre a assuré vouloir faire du sport « un droit pour tous, y compris dans les outre-mer », en mobilisant notamment des fonds d’intervention régionaux pilotés par les agences régionales de santé (ARS). Le gouvernement entend également renforcer :

  • le fonds d’appui à l’accessibilité, pour adapter les équipements culturels et sportifs ;

  • le programme des clubs inclusifs, destiné à former les encadrants et sensibiliser les structures à l’accueil de pratiquants en situation de handicap.

Mutualiser les réussites

Des initiatives inspirantes sont portées par les territoires eux-mêmes. La ministre a salué la maison France Services pour les personnes sourdes à La Réunion ou encore l’accueil familial en Guadeloupe.

Concernant le télé-diagnostic de l’autisme qui permet de pallier le manque de professionnels sur place, Télédiaade, testé à La Réunion, la ministre s’est dite ouverte : « Je vais regarder ce dispositif avec beaucoup d’attention, il peut tout à fait s’exporter vers d'autres territoires confrontés à une pénurie de spécialistes. »

Enfin, la mobilité des personnes handicapées a été désignée comme l’un des obstacles les plus flagrants. En Guadeloupe, certains adultes doivent parcourir jusqu’à six heures par jour pour accéder à un établissement adapté. « C’est démentiel. On ne peut pas demander cela à personne », a réagi la ministre, dénonçant une organisation territoriale inadaptée. Un groupe de travail interministériel a été mis en place pour coordonner des solutions avec les collectivités locales.

La ministre s’est engagée à publier des données territorialisées, à renforcer les coopérations locales via les ARS, et à inscrire durablement la question du handicap dans les priorités du gouvernement pour les outre-mer.

Alors que la mission sénatoriale se poursuivra jusqu’à l’automne et qu’un nouveau sommet interministériel de l’outre-mer (SIUM) est attendu le 10 juillet, Charlotte Parmentier-Lecocq appelle à maintenir la question du handicap au centre des débats. Pour la ministre, il est impératif de « corriger l’injustice territoriale qui touche les personnes en situation de handicap dans les outre-mer » et de leur « donner enfin les moyens d’une vie digne et inclusive ».

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