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Dispositif national d’accueil : La Cimade déjoue l’opacité

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Contrairement aux chiffres publiés par le ministère de l'Intérieur, qui fixent à 30% le nombre de demandeurs d’asile se trouvant en Ile-de-France, la région en accueillerait 43 % dont les trois-quarts ne bénéficieraient pas des conditions matérielles d’accueil, indique, sur son site, La Cimade.

Crédit photo Droits réservés / La Cimade
Le ministère de l’Intérieur et des Outre-mer s’apprête à publier son nouveau schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés. Dans ce contexte, La Cimade propose un décryptage de la répartition observée sur les territoires. Entre sas d’accueil temporaire et pôles régionaux Dublin : tour d’horizon des orientations régionales en cours.

Bien qu’affiché comme un objectif gouvernemental, difficile d’y voir clair en matière d’orientation et de répartition des demandeurs d’asile sur l’ensemble du territoire national. Dans son état des lieux du schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés (Snadair) publié le 12 mars, La Cimade s’intéresse au déploiement, sur le terrain, du dernier schéma, lancé en 2021 par le ministère de l’Intérieur et des Outre-mer. Son rôle ? Fixer la répartition par région des capacités d’hébergement dédiées à ce public, déclinée ensuite par les préfets de région en schémas régionaux.

Première observation de l’association : la majorité des personnes orientées vers d’autres territoires s’est enregistrée auprès des guichets d’Ile-de-France. « L’article 2 de l’arrêté du 13 mai 2022 a fixé la part de chaque région où les personnes demandant asile sont tenues de résider. La clé de répartition a ainsi fixé la part de l’Ile-de-France à 23 % alors qu’elle représente 43 % à 46 % des enregistrements en 2021-2023, ce qui conduit à des orientations principalement à partir de cette région », détaille La Cimade.

Montée en puissance des orientations

Concrètement, si 1 000 personnes ont été orientées depuis l'Ile-de-France vers d’autres régions au premier semestre 2021, 2 100 ont connu le même aiguillage depuis novembre 2023. Pour un bilan de 50 000 orientations en trois ans.

« Pour ce faire, l’Ofii (Office français de l’immigration et de l’intégration) a mis en place un traitement algorithmique aléatoire ! », affirme La Cimade, sur son site. Si l’office indique que le nouvel outil intervient exclusivement pour des personnes présentant un besoin d’hébergement, l’association recense des cas où les ménages ne présentent aucun besoin mais se voient malgré tout orientés vers d’autres régions. Autre point d’achoppement : la répartition prévue par l’arrêté n’est pas prise en compte alors qu’elle devrait être le critère prédominant. « La procédure appliquée n’a pas d’incidence sur les conditions matérielles d’accueil si ce n’est pour les personnes “dublinées” qui ne peuvent entrer plus tard dans un centre d’accueil pour demandeur d’asile (Cada). Les caractéristiques de la demande ne sont prises en compte que par la composition familiale du ménage, sans considérer les besoins spécifiques de personnes vulnérables qui sont pourtant l'apanage de l'Ofii », pointe l'organisation.

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D’après les statistiques disponibles, en 2022, 19 378 étrangers ont accepté les orientations proposées et 16 518 se sont présentés au sein de centres d’accueil et d’examen des situations (CAES), sur les 29 244 personnes concernées, soit 29 % des enregistrements. Sur l’ensemble, 11 452 individus ont, soit refusé l’offre, soit ne se sont pas rendus dans la région désignée. « En 2023, les chiffres sont similaires », retient La Cimade. Un phénomène qui trouve sa source dans l’importante part de refus de personnes en provenance du Bangladesh, du Pakistan, de Turquie ou du Sri-Lanka, selon des données publiées dans un rapport d’évaluation parlementaire. Implantés historiquement en Ile-de-France, les ménages originaires de ces pays structurent leur implantation de façon isolée, sans solliciter d’hébergement au sein du dispositif national d'accueil (DNA), du moins avant que cela ne devienne obligatoire, selon La Cimade. Le manque d’informations de ces publics en serait aussi la cause, d’après l’évaluation parlementaire.

Des refus sanctionnables

« La loi permet et oblige l’Ofii de refuser ou d’interrompre le bénéfice des conditions matérielles d’accueil aux personnes qui n'acceptent pas l’offre d’orientation ou qui ne se rendent pas dans les CAES », rappelle La Cimade. Résultat : en trois ans, près de 36 000 personnes n’ont plus eu accès aux conditions matérielles d’accueil et restent dans la région, prises en charge par les Spada (structures de premier accueil des demandeurs d’asile).

Par ailleurs, la volonté de répartition nationale pour désengorger la capitale se poursuit depuis un an via l’ouverture de sas régionaux d’accueil. « Le mécanisme de l’orientation directive a semblé être un tel succès que le gouvernement a décidé de l’utiliser, sans cadre légal, pour d’autres publics », ironise La Cimade. « En janvier 2023, par un mail commun de la direction générale des étrangers en France (DGEF) et de la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal), destiné aux préfets de dix régions, il a été demandé d’ouvrir en urgence 500 places de sas d’accueil temporaire qui, selon les appels à projets, étaient des structures hybrides de CAES et de centres d’hébergement d’urgence », note-t-elle par ailleurs.
Le but ? Y orienter des personnes vivant à la rue en Ile-de-France, où les capacités d'hébergement d'urgence en hôtel ont diminué, ou encore des personnes devant quitter les lieux d’hébergement spécifique à l’asile.

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Une instruction du ministère de l’Intérieur datant du 13 mars 2023 à destination des préfets de région concernés en précise les modalités. A savoir, des examens de situation administrative pratiqués directement dans ces lieux. En clair, les demandeurs d’asile sont orientées vers le DNA, sauf si l’Ofii a déjà refusé ou retiré les conditions matérielles d’accueil, puisque dans ce cas, les personnes sont dirigées vers les dispositif de droit commun. Les personnes qui ne demandent pas l’asile sont, quant à elles, invitées à demander un titre de séjour au sein de ces structures puis sont orientées vers un hébergement généraliste, le temps de l’examen de la demande. En cas de refus du titre de séjour, une mesure d’obligation de quitter le territoire français (OQTF) et d’une orientation vers un dispositif de préparation au retour (DPAF) interviendront.

Rétrospective d’une année

« Si les ministères restent discrets sur le dispositif, c’est que sur 6 500 invitations à se rendre dans ces lieux, 2 572 personnes ont refusé d’emblée ou ne se sont pas présentées », souligne La Cimade. Parmi les 3 928 personnes admisses, 2 200 étaient des demandeurs d’asile, 1 021 des bénéficiaires de la protection internationale, 511 étaient en situation irrégulière et 196 dans une autre situation, précise l’association.

Pour ce qui est des suites de l’accueil au sein des sas, 42 % des orientations auraient été effectuées vers le dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile et 43 % vers le dispositif d’hébergement d’urgence. 15 % du public est sorti avant le terme des trois semaines d’accompagnement prévues. Parmi les individus hébergés dans le dispositif généraliste, 36 % s’y maintiennent, 30 % ne sont plus pris en charge, 16 % l’ont quitté et 13 % ont été orientés dans un lieu d’hébergement de stabilisation.

Plus globalement, « depuis quinze ans, l’Etat a fait un très important effort en matière d’accueil, puisque le DNA comptait à peine 30 000 places en 2009 et devrait en compter autour de 120 000 en 2024, si les créations de 1 500 places prévues par la loi de finances sont maintenues », consent la Cimade dans son analyse. Pourtant, le parc d’hébergement dédié à l’asile ne permet pas d’accueillir l’ensemble des personnes dont la demande est en instance. Deux principaux facteurs expliquent ce paradoxe :

  • l’Ofii ne sait pas combien de places sont recensées, disponibles et vacantes ;
  • la part des bénéficiaires de la protection internationale ou de personnes déboutées qui se maintiennent dans les lieux, parfois au-delà des délais règlementaires, est importante.

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L’accompagnement lacunaire des « dublinés »

En 2021, le Snadair prévoyait d’améliorer les possibilités d’hébergement réservées aux personnes étrangères dites « dublinées », dont la proportion s’élève au tiers de l’ensemble des demandeurs d’asile. Pour y parvenir, et en raison de leur exclusion des admissions dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada), la solution résidait dans une orientation vers des pôles régionaux Dublin (PRD) chargés de reprendre et de suivre la procédure en cours. « Deux ans plus tard, le bilan n'est pas très positif car seulement 20 % des personnes enregistrées sont hébergées dans le dispositif national d'accueil avec de très grandes variations entre la région Ile-de-France (2,3 % à Paris, même s'il faudrait doubler ce nombre) et 60 % dans le Doubs (même s'il faut réduire ce taux car la région accueille beaucoup de Dublinés orientés) », souligne La Cimade.

Afin d’assurer la mise à l’abri de l’ensemble des demandeurs d’asile, l’association estime que 100 000 places supplémentaires sont nécessaires. Une instruction du ministère de l’Intérieur datant du 19 avril 2023 confirme également que des améliorations s’imposent.

« Paradoxalement, la pratique dure de l’Ofii de couper les conditions matérielles en vertu de la loi […] conduit à rendre inatteignable les objectifs du schéma qui sont de répartir dans l’ensemble des régions les demandeurs d’asile et conduit à un mouvement centripète vers l’Ile-de-France », conclut l’évaluation de La Cimade.

>> Les analyses complètes de la Cimade concernant le Snadair sont à découvrir ici et!

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