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Les aidants familiaux sont-ils des alliés ou des « éléments perturbateurs » ?

"La plupart du temps, l'agressivité et le manque de confiance cachent une profonde souffrance de l'aidant "

[LA QUESTION QUI FACHE] Les professionnels et les experts témoignent de leurs difficultés et racontent les solutions mises en œuvre pour donner une place à ces alliés… parfois trop encombrants.
 
 

«  Mais pourquoi maman porte-t-elle systématiquement son pull à l’envers ? Quel manque de respect ! » Une affirmation qui hérisse les professionnels : « Sa mère veut continuer à s’habiller seule. Est-ce si honteux de ne pas vouloir la rabaisser en lui faisant remarquer qu’elle ne sait plus enfiler son pull dans le bon sens ? » Dialogue de sourds ? Non. Si les deux parties sont au départ bien intentionnées, elles continuent toutefois de creuser le fossé qui les sépare, à force d’absence d’échanges.

Pendant longtemps, les familles ont été mises de côté, parfois niées ou, tout au mieux, informées par les équipes dont la priorité était (seulement) d’accompagner les personnes vulnérables.

Progressivement, les textes législatifs et les pratiques ont évolué. La loi du 2 janvier 2002 a marqué un tournant, avec la naissance du projet personnalisé et la constitution des conseils de la vie sociale. Malgré ces avancées notables, de nombreux aidants rencontrent toujours des difficultés à trouver leur place, à entrer en communication avec les équipes. A l’affût du moindre signe de maltraitance, elles veillent sur leurs parents et surveillent les professionnels. Quand la fatigue et la culpabilité de l’aidant viennent percuter les doutes et les peurs liées aux différents scandales qui ont défrayé la chronique, quand le turn-over des équipes, les arrêts maladie et le manque d’effectifs chronique font désormais partie du quotidien, comment créer une relation de confiance ?

La priorité est désormais d’engager et de systématiser de nouvelles pratiques pour que les familles soient des partenaires à part entière. Et si le travail partenarial, la co-construction et l’écoute mutuelle devenaient de nouveaux piliers ? C’est le prochain défi des établissements médico-sociaux, qui devront, pour y parvenir, s’ouvrir encore plus et jouer la carte de la transparence.

 

1. Mettre des mots sur les maux

Lorsque la personne âgée entre en Ehpad, la famille, tout autant que le résident, a besoin de repères et de réassurance. Une multitude de questionnements la submergent : « quel va être le quotidien de mon proche ? », « qui va s’en occuper ? », etc. C’est pourquoi il est nécessaire de présenter les lieux de vie principaux, dont la chambre (avec son aménagement possible), la salle d’animation, le jardin, l’espace de prise des repas, ainsi que certains membres du personnel. A ce moment-là également, il leur est proposé de remplir ensemble une fiche de renseignements afin de connaître les goûts de la personne (repas, activités, sommeil, soins…). Le fait de visualiser les lieux, de se sentir impliquées lors de ce premier entretien, permet aux familles de dédramatiser l’entrée en Ehpad et d’être réconfortées en partie dans leur choix.

C’est aussi durant cette phase d’apprentissage que la philosophie de l’établissement devrait être abordée. L’objectif n’est pas d’idéaliser la structure mais d’expliquer son fonctionnement réel. Par exemple, le respect du refus de soins de la personne ou la proposition d’un matériel de médiation souvent assimilé à l’enfance (dessin, peluche, poupée…). Plus les proches seront au courant des habitudes de vie de l’établissement, moins l’effet de surprise sera important quand la situation arrivera.

Il est indispensable de comprendre que, la plupart du temps, l’agressivité et le manque de confiance cachent une profonde souffrance de l’aidant, qui a des difficultés à gérer une culpabilité sous-jacente et projette son mal-être sur l’équipe soignante. Il est important de consacrer régulièrement aux familles des temps d’écoute et de parole libre, afin de pouvoir mettre des mots sur les maux, les doutes, les inquiétudes, les incompréhensions. Plus la communication sera souple et fluide, plus les proches se sentiront en confiance à l’égard de l’équipe soignante.

Nathalie Benarroch Queral, psychologue-gérontologue à l'Ehpad Caillavet


2. Proposer aux aidants des ateliers de soutien

Pour permettre un partenariat solide avec les soignants autour des résidents, un nouveau programme psycho-éducatif baptisé « Ehpad aidant » a été conçu à l’hôpital Broca, à Paris, en collaboration avec des établissements proches et les familles. L’objectif est d’offrir un accompagnement aux proches pour les soutenir et les aider à comprendre les soins prodigués au sein de l’Ehpad et à trouver leur place dans cette prise en charge grâce au partage de l’information, à la formation et à l’écoute. C’est un espace de cheminement qui leur permet d’avoir un nouveau regard sur la maladie et sur la relation d’aide.

Le but est de faciliter une redéfinition de leur rôle d’aidant au sein de l’institution. Ce programme est conçu autour d’un parcours de sept ateliers de deux heures à raison d’un atelier par semaine pour un groupe fermé de 10 à 12 aidants. Ces rendez-vous sont co-animés par un professionnel de l’Ehpad et un professionnel de l’équipe mobile gériatrique externe. Les participants bénéficient également d’un entretien individuel au début et à la fin de chaque parcours.

Souad Damnée Meziane, chercheuse et cheffe de projet Broca Living Lab de l'hôpital Broca à Paris


Ecouter d'abord les résidents

Si les familles peuvent donner leur avis, les professionnels ne doivent pas perdre de vue que ce sont les résidents qui doivent être écoutés. Il m’est arrivé lors d’une admission de m’apercevoir que c’est la fille de Mme X qui parlait à sa place. Je n’ai pas hésité à capter l’attention de Mme X et à lui demander : « Et vous, qu’en pensez-vous ? Qu’est-ce qui est important pour vous ? » La surprise dans son regard et le plaisir de répondre à mes questions furent un antistress efficace face à ce changement. Car, après tout, n’est-ce pas cela, notre travail ? Permettre aux résidents de faire leurs propres choix, malgré leurs pathologies.
 

Marie Etienne, pilote de la plateforme d'accompagnement et de répit aux aidants Meurthe-et-Moselle Nord (ASSPO)


Organiser des « cafés des aidants  »

Dans notre résidence, nous construisons une relation de confiance sur le long terme avec les familles : nous tenons à les recevoir personnellement, à chaque étape clé du séjour de leur proche, pour les accompagner de la meilleure façon dans cet événement important de leur vie. Les moments informels sont très précieux. Nous organisons régulièrement des « cafés des aidants », l’occasion de les recevoir et d’échanger sur la vie de l’établissement, mais aussi de les informer sur la maladie d’Alzheimer, par exemple.

La transparence à l’égard des familles et des collaborateurs est une valeur essentielle. Elle doit être posée dès la première visite de l’établissement, avant l’entrée du futur résident. Préalable à toute relation de confiance, elle renforce les liens tout au long de la relation. Aux Jardins de Matisse, nous expliquons aux proches que nous sommes de simples humains au service d’autres humains et que, la perfection n’étant pas de ce monde, il nous arrive de commettre des erreurs. Nous les assumons et, surtout, les expliquons et en tirons des axes d’amélioration continue.

Jean Marc Venard, directeur de l'Ehpad Les Jardins de Matisse, au Grand-Quevilly (Seine-Maritime)


 

>>> Toutes ces contributions sont extraites du hors-série des ASH n°10 Etablissements la place des familles, de l'intégration à la reconnaisance.
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