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Coronavirus : à Mayotte, « c'est comme si la Cocotte-minute était en train de bouillir »

Mayotte

A Mayotte, 84 % de la population vit sous le seuil de pauvreté

Crédit photo DR
Depuis le début de la crise sanitaire, Mayotte compte 233 cas confirmés de Covid-19. Entre un manque de matériels de protection et des difficultés à faire respecter le confinement, sur place, la situation est explosive.

Les territoires d’outre-mer sont frappés par l’épidémie de Covid-19 avec un décalage de plusieurs semaines par rapport à la métropole. Cependant, le confinement général y a été décrété en même temps, le 17 mars. Pour s'avérer efficace et freiner au maximum la propagation du coronavirus, cette mesure doit être scrupuleusement respectée par l’ensemble de la population. Si cela semble le cas dans la majorité des territoires ultramarins, à Mayotte, ce dispositif a du mal à être respecté. Et ce, alors même que le préfet a instauré un couvre-feu total sur l’île de 20 h à 5 h. « Plus de 60 % des habitants de l'île sont issus de l'immigration clandestine, notamment des Comores. Ce sont des personnes qui vivent dans des conditions extrêmement précaires, dans des bidonvilles. Ils vivent parfois à 10-15 personnes dans une pièce. Et avec les températures actuelle, difficile de rester confiner, explique Mirhane Abdallah, codirecteur de Dagoni Services, structure mahoraise d’aide à domicile. Ce sont des personnes qui vivent dans la misère et qui ont des besoins quotidiens en nourriture. Du coup, le confinement n'est pas du tout respecté. D'ailleurs, la semaine dernière, il y avait une distribution de colis alimentaires de la part d'un CCAS [centre communal d'action sociale]. Il y avait énormément de monde au même endroit. Il n'y avait aucun respect de la distanciation. »

« Dans les faits, il est impossible de confiner toute la population mahoraise », confirme Daniel Dalin, président du Créfom (Conseil représentatif des Français originaires d’outre-Mer). Et d’ajouter : « En ce moment, à Mayotte, c’est comme si la Cocotte-minute était en train de bouillir. Pour le moment, elle n’explose pas, mais si on ne fait pas attention… » A ce jour, Mayotte compte 254 cas confirmés de Covid-19, dont 180 cas supplémentaires depuis le 30 mars. De plus, 24 personnes sont actuellement hospitalisées au centre hospitalier de Mayotte (CHM) et trois personnes sont mortes de ce virus. Si les chiffres ne sont pas encore élevés, la situation de l’île est tout de même particulièrement préoccupante. En effet, plus de 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, 30 % des habitations ne possèdent pas l'eau courante et l’offre de soins est limitée.

« On ne veut pas que la pandémie fasse une hécatombe »

« On craint que la pandémie frappe un endroit comme Mayotte car c’est le département français le plus défavorisé, le plus sous-doté. Si jamais le Covid évolue, s'il arrive massivement, la population est vraiment en danger, estime encore Daniel Dalin. Mayotte est sous-dotée en matière d'infrastructures médicales. Il n'y a actuellement que 15 lits de réanimation et l'hôpital est sans cesse sous tension. Il faut apporter à cette île une attention toute particulière si on ne veut pas que la pandémie la frappe durement, ne fasse une hécatombe. »

Car, sur le terrain, les difficultés sont nombreuses, même si les chiffres ne le reflètent pas encore. Comme en métropole, les masques, les gants, les surblouses, les tests… n’existent pas en quantité suffisante. Ce qui provoque nécessairement un impact sur la qualité de l’accompagnement fourni aux personnes âgées, comme l’indique Mirhane Abdallah : « Je ne vais pas envoyer mes salariés au charbon. Tant que je n’ai pas les moyens de les sécuriser et de sécuriser les bénéficiaires, je ne prends pas le risque de les envoyer. Habituellement, nous accompagnons à domicile 250 personnes. En ce moment, une centaine d'entre elles n’ont plus besoin ou ne veulent plus avoir recours à nos services. »

Cependant, la situation semble s’améliorer quelque peu. Depuis deux semaines, des masques arrivent. Et la solidarité locale permet de combler certains manques. « Un fabricant des visières a généreusement décidé de nous en donner 80. Ce sont des visières en plastique, qui peuvent être lavables avec de l'eau et du savon. Cela fera office de surprotection au-dessus du masque. Ce qui nous permettra de faire revenir travailler des aides à domicile supplémentaires », assure le codirigeant de Dagoni Services.

Cette crise sanitaire a permis aussi de faire ressortir des aspects positifs, et notamment un retour à la solidarité familiale. « Des enfants qui ne vivaient pas avec leurs parents ont décidé de les faire déménager chez eux, de se confiner avec eux, renseigne Mirhane Abdallah. Ce qui nous évite d’avoir à nous rendre sur place et nous aide à limiter les visites. C’est l’occidentalisation de la société qui avait mis fin à de telles pratiques. Cette crise sanitaire permet d’observer un retour aux valeurs ancestrales. »

Un fait qui, pour autant, apparaît insuffisant pour contrer le coronavirus. « Honnêtement, je ne suis pas optimiste, conclut Mirhane Abdallah. J’aimerais l’être, mais c’est compliqué. Partout nous manquons cruellement de traitements, de matériels. La situation ne peut que s'empirer. Et vu que le confinement n'est pas respecté… » Sans compter que l’épidémie de dengue continue de durement toucher ce territoire. Une situation qu’il faut donc surveiller comme le lait sur le feu.

 

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