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Mineurs non accompagnés : les « grands oubliés » de la crise

Mineurs non accompagnés

Photo d'illustration

Crédit photo DR
Beaucoup de mineurs non accompagnés (MNA) ne bénéficient plus de la mise à l’abri qui leur est due. Associations et professionnels demandent des mesures contraignantes à l’égard des départements pour leur assurer une réelle protection.

 

Le code de l’action sociale et des familles ne laisse aucune place à l’interprétation : en cas de doute sur l’âge de mineurs non accompagnés (MNA), les départements ont l’obligation de leur fournir un accueil provisoire d’urgence (APU), le temps de leur évaluation. Une obligation censée avoir été confortée et prolongée lors des débats sur le projet de loi d’urgence sanitaire. Adrien Taquet, secrétaire d’Etat chargé de la protection de l’enfance, s’en était fait l’écho dans un communiqué daté du 24 mars : « Les débats ont permis de réaffirmer que tout jeune évalué mineur ou majeur sera mis à l’abri, soit par une prise en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE), soit via un hébergement d’urgence, durant cette période de crise exceptionnelle. » Mais, sur le terrain, la situation semble bien différente. Le 6 avril, 36 associations et 88 avocats d’enfants ont adressé une lettre ouverte au Premier ministre, Edouard Philippe, ainsi qu’à Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, à Nicole Belloubet, garde des Sceaux, et à Adrien Taquet pour dénoncer le sort réservé à ces « grands oubliés » et  réclamer leur protection.

Dans ce courrier, les signataires notent que, en violation de la loi, certains départements continuent de refuser l’accueil provisoire d’urgence aux MNA lorsqu’ils se présentent pour demander une protection. D’autres mettent fin à leur prise en charge après avoir remis en cause leur minorité – une décision contraire au principe de continuité de l’accueil rappelé par Olivier Véran. Ils relèvent également la non-exécution des ordonnances de placement provisoire décidées par les juges, ainsi que l’abandon des jeunes dont la minorité a été contestée avant la crise et qui doivent survivre dans la rue, les campements ou les squats. Plusieurs  départements sont pointés du doigt : « Dans la Nièvre, le Cher et le Doubs, aucun accueil provisoire d’urgence n’est mis en place. » Paris est mis en cause, avec « un accueil provisoire d’urgence très limité suite à la fermeture provisoire du dispositif d’évaluation ». A Marseille, « l’activité du dispositif d’évaluation y a également été suspendue ». La liste est loin d’être exhaustive, les associations témoignant de leurs difficultés à recueillir certains informations.

Des mesures plus contraignantes

Avocate au barreau de Toulouse et présidente de l’Association de défense des étrangers (ADE), Anita Bouix est consternée par les retours de plusieurs de ses confrères. « Une de mes consœurs dans le Tarn a vu quatre de ses clients, des jeunes évalués majeurs, être mis à la rue avec une simple attestation de déplacement dérogatoire indiquant qu’ils allaient pratiquer une activité sportive. » Une décision qui, là encore, va à l’encontre des consignes d’Adrien Taquet précisant que, mineurs ou majeurs, les jeunes doivent être mis en sécurité dans un dispositif de l’ASE ou dans un hébergement d’urgence. D’autant que, le 3 avril, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a envoyé une note de recommandations – « Mise à l’abri et évaluation sociale des personnes se déclarant mineures non accompagnées » – qui rappelle le principe d’une protection inconditionnelle jusqu’à la fin du confinement, quels que soient les délais et les conclusions de l’évaluation de minorité du jeune. Cette note confirme que les conseils départementaux ont la possibilité de conclure leur évaluation sans recourir au fichier d’appui à l’évaluation de la minorité (AEM). Au niveau judiciaire, le plan de continuité des juridictions prévoit le maintien d’une permanence en assistance éducative dans les tribunaux pour enfants afin de prendre les mesures utiles à l’égard de ceux exposés à une situation de danger. Une disposition non suivie d’effet, selon Anita Bouix : « Nous avions des audiences prévues – les juges des enfants devaient statuer sur les recours de certains mineurs –, mais elles ont été reportées sans nouvelle date. C’est bien la preuve que le fait de protéger ces jeunes n’est pas considéré comme un contentieux essentiel. Continuer à garder des étrangers en centre de rétention administrative est considéré comme un contentieux essentiel qui doit conduire des juges et greffiers à se déplacer au tribunal, avec les risques que cela comporte. Mais protéger des MNA, non. »

Pour les organisations et professionnels qui œuvrent quotidiennement auprès de ce public, il n’est plus question de se contenter de déclarations d’intention. « Ce ne sont que des recommandations, il faudrait des ordonnances. Aujourd’hui, le gouvernement est en mesure d’aller plus loin et de prendre des mesures plus contraignantes à l’égard des départements par voie d’ordonnance ou de circulaire », estime Corentin Bailleul, chargé de plaidoyer spécialisé sur l’immigration et la protection de l’enfance pour l’Unicef. Un positionnement qui pourrait être difficile à tenir, alors que le financement de  la prise en charge des MNA est l’objet d’un bras de fer entre le gouvernement et les départements. Pour appuyer ces derniers, les signataires de la lettre ouverte proposent que l’Etat renforce sa participation au financement de l’accueil provisoire d’urgence.

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