C’est devenu une habitude. Presque une tradition. Chaque édition annuelle des assises des Départements de France est devenue l’occasion pour les élus de proximité d’interpeller le Premier ministre du moment sur les difficultés que leurs collectivités rencontrent. Notamment pour financer le social, dont la part dans leur budget de dépenses n’a cessé d’augmenter, pour atteindre près de 70 % cette année.
En 2015, déjà, une première motion signée par l’ensemble des présidents des départements – y compris par le benjamin de l’Assemblée à l’époque, un certain Sébastien Lecornu – alertait sur le poids croissant des dépenses sociales dans les budgets départementaux sans que les ressources afférentes ne soient mises en face.
Situation financière dégradée
Aujourd'hui, la situation a largement empiré. Avec, depuis deux ans, un effondrement des ressources départementales (- 6,5 milliards d’euros), conséquence à la fois de la baisse des dotations d’Etat et de l’écroulement des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), ces « frais de notaires » qui constituent la principale source de financement autonome. Des diminutions drastiques auxquelles vient parallèlement s’ajouter une augmentation de l’obligation de dépenses (+ 8 milliards d’euros), sur laquelle l’Etat entend par ailleurs prélever un milliard sur trois ans au titre du dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités (Dilico).
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En 2024, à Angers, Michel Barnier avait tenté d’apaiser un dialogue devenu au fil du temps de plus en plus tendu entre Etat et départements, en débloquant une enveloppe exceptionnelle de 163 millions d’euros à destination des collectivités les plus en difficulté. Le Premier ministre de l’époque avait également poussé à 50 % la participation de l’Etat pour le paiement du RSA, de la prestation de compensation du handicap (PCH) et de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).
Cerise sur le gâteau, l’ancien locataire de Matignon s’engageait à transférer aux conseils départementaux l’équivalent d’un point de CSG – soit 1,6 milliard d’euros – pour muscler leurs trésoreries. Las, la chute de son gouvernement aura laissé ces promesses à l’état de lettres mortes.
Mesures gouvernementales
Cette année, c’est dans un contexte d’« asphyxie » financière pour les collectivités départementales – certaines d’entre elles, telle la Gironde, ayant ainsi été contraintes de voter un budget 2026 en déficit – que Sébastien Lecornu est venu jouer les pompiers à Albi, où se tenaient leurs rencontres annuelles.
Dans sa besace, le locataire de Matignon apportait quelques mesures d’ordre financier. Comme la promesse d’un futur amendement gouvernemental au projet de loi de finances prévoyant de doubler le fonds de sauvegarde départemental, pour le porter à 600 millions d’euros. Ou la « réouverture » du dossier Dilico, afin de faire porter le remboursement aux seuls départements les plus riches. « Il ne peut pas être demandé aux conseils départementaux en difficulté d’assurer cette dépense », a indiqué celui qui a présidé la collectivité de l’Eure.
Un projet de loi sur l’allocation sociale unique
Surtout, Sébastien Lecornu s’est engagé à remettre sur la table le chantier de l’allocation sociale unique, déjà promis en son temps par François Bayrou.
Destiné à regrouper le RSA, la prime d’activité, les allocations de la CAF et les aides au logement, le projet provoque la méfiance des associations de solidarité, qui y voient le risque d’un nivellement vers le bas, au détriment des allocataires. Ce travail d’harmonisation des prestations sociales devrait néanmoins s’ouvrir dès décembre, avec la présentation en conseil des ministres d’un projet de loi coconstruit entre le gouvernement et l’association des Départements de France.
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Chefs de file du social
Autre projet d’envergure : redonner la main aux départements en matière de décision sur le social, le médico-social et le sanitaire. Une ambition qui passerait par une réforme « en profondeur » du rôle des agences régionales de santé (ARS), ces dernières perdant un certain nombre de leurs prérogatives actuelles – comme la planification de l’installation des établissements et services de santé – au profit des conseils départementaux. « C’est une réforme structurelle, et celle-ci prendra du temps », a prévenu Sébastien Lecornu, qui prévoit également de redonner des marges de manœuvre financières aux collectivités départementales, via le transfert d’une fraction de la CSG.
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