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Coronavirus à La Réunion : « Pour les personnes âgées, nous sommes totalement désarmés »

Selon le bilan de l’agence régionale de santé de La Réunion, au 25 mars, l’île comptabilisait 115 personnes atteintes du Covid-19. Des chiffres qui ne font qu’augmenter. Ce qui fait dire à Christine Deguigné, directrice adjointe des personnes âgées et des retraités au CCAS de Saint-Pierre, que l’île « court à la catastrophe ».

Comment a été perçue l'arrivée du coronavirus sur l'île de La Réunion ?

Il y a eu un premier temps où les choses n’étaient pas prises en considération. Nous avons désormais largement dépassé ce stade. Les personnes qui ne prenaient pas le coronavirus au sérieux les premiers jours ont rapidement compris l'ampleur du problème. D'autant plus que nous voyons comment la situation évolue en métropole. A ce jour, la population a peur. Les personnes âgées refusent de plus en plus les interventions des services à domicile. C'est en lien direct avec le manque de matériels médicaux. En effet, nous n'avons toujours pas de masques. L'ARS [agence régionale de santé] en promet depuis quinze jours. Ils devaient arriver la semaine dernière, puis en début de semaine. Désormais, on nous dit qu’il y en aura à la fin de la semaine [entretemps, un stock de masques moisis, donc inutilisables, est arrivé, ndlr]. En sachant que les médecins généralistes, les infirmières et les hôpitaux seront prioritaires. Et pas les aides à domicile. Nous sommes en bout de chaîne. Pour l'instant, nous n'avons rien. Nous avons commencé à fonctionner avec des stocks de masques plus ou moins efficaces. Ils datent de plusieurs années. La population se rend clairement compte des difficultés qui s’annoncent.

Malgré toute notre bonne volonté, nous ne sommes pas à la hauteur. Il y a de la peur. Les familles sont en colère. Les enfants des personnes âgées nous appellent pour exprimer leurs angoisses. Et nous, nous sommes impuissants. On s'organise au maximum. On a des équipes très mobilisées, qui vont continuer à travailler malgré tout.

Quel impact cela a-t-il dans l’accompagnement des personnes âgées ?

Au niveau de nos services, nous essayons de faire en sorte que les personnes âgées soient toujours protégées. Nous avons ainsi multiplié l'assistance aux courses. Nous activons notre registre des personnes vulnérables. J'ai mis en place une cellule pour que chaque jour on appelle toutes les personnes inscrites. Il y en a 120 sur la commune de Saint-Pierre [dans le sud de l’île, ndlr]. Nous sommes en contact téléphonique avec toutes ces personnes pour maintenir le lien social et se renseigner sur leurs besoins et leur état de santé. Malgré cela, c'est très compliqué. Les aides à domicile sont partagées entre le désir de faire leur travail et celui de protéger leur famille. Je sens donc que nous n'en sommes qu'au début.

Le confinement et les mesures-barrières sont-ils bien respectés ?

Je trouve que la population a quand même pris conscience de la situation. Il y a des plexiglas dans tous les commerces. Des choses sont mises en place pour que chacun soit protégé. Mais, au niveau individuel, il y a toujours des personnes qui ne respectent pas les consignes à la lettre. Il y a toujours des gens réfractaires à la réglementation. Le souci, c'est que nous n'en sommes qu'au début et que le confinement va certainement être prolongé. Nous sommes donc un peu soucieux de l'impact psychologique que cela peut avoir sur les personnes fragiles, isolées. Etre confiné à domicile avec une famille n'est pas forcément facile. Mais être confiné seul, c'est plus compliqué. Surtout si la situation perdure.

La plupart des institutions sont fermées au public. Au CCAS [centre communal d’action sociale], nous avons quand même un accueil d'urgence. Nos services sont mobilisés, avec du personnel présent physiquement. Nous n'avions pas suffisamment anticipé le télétravail mais nous commençons à le mettre en place au fur et à mesure. Et tous les services sociaux en urgence fonctionnent. Notre volonté est que, quoiqu’il arrive, les personnes âgées doivent pouvoir trouver un accueil téléphonique ou physique en cas d'urgence.

Comment voyez-vous la suite ?

On court à la catastrophe. La population est de plus en plus en colère, a de plus en plus peur. Surtout, nous sommes inquiets du manque d'équipements de protection. Nous avons beau crier, c'est sans effet. L'ARS a commencé à nous dire que ce n'était pas indispensable, que c'était réservé aux malades. Ensuite, on nous a indiqué que des masques allaient arriver. Mais ce n'est toujours pas le cas. Or il faut absolument que l'on ait ces équipements de protection pour assurer un minimum la prévention. Nous ne sommes pas en métropole. Nous n’avons que deux grands centres hospitaliers. Si, tôt ou tard, ils sont saturés, cela va être très, très compliqué. Si nos lits de réanimation sont saturés, je n'imagine même pas ce que cela va être en termes de rapatriement sanitaire.

Au niveau local, certains élus et médecins montent au créneau pour installer des centres Covid-19 avec les moyens du bord. Mais il faut vraiment que nous passions à une phase supérieure et que l'on arrête de croire que tout le monde pourra aller à l'hôpital. Je ne suis pas médecin, je ne peux pas dire ce qui est le mieux, mais il faut que l'on ait d'autres plans et ne pas compter uniquement sur les centres hospitaliers. Nous ne pourrons pas nous rabattre sur un département limitrophe comme cela se passe en métropole.

On réévalue, quotidiennement, notre point de vue face à ce coronavirus. On est totalement désarmés… On s'organise. Les initiatives se multiplient. Mais il faut absolument que l'on ait au plus vite les équipements primaires de prévention. Et qu'ils soient distribués massivement. Ce n'est plus possible qu'une aide à domicile entre sans masque chez une personne âgée.

On voit que la hausse du nombre de cas s'accélère. C'est cette progression rapide qui nous inquiète. Nous n'avons, à ce jour, pas encore de décès communiqué. Heureusement. Mais rien ne nous laisse penser que cela va se calmer.

 

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