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Le médecin coordonnateur, nouveau chef d'orchestre dans les Ehpad

Médecin coordonnateur en Ehpad

Photo d'illustration

Crédit photo Jacob Lund - stock.adobe.com
Depuis 2002, chaque Ehpad signataire d’une convention tripartite (établissement, département et Etat) est censé s’adjoindre les services d’un médecin coordonnateur. Or, c’est loin d’être le cas. La crise actuelle révèle pourtant le rôle central de ce professionnel de santé.

Le médecin coordonnateur est le conseiller technique médical d’un Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). Il est là pour définir un projet de soins en lien avec celui de la structure. Il doit définir la meilleure manière de le mettre en place, que ce soit dans la formation du personnel, dans les investissements nécessaires ou dans les admissions des résidents en évaluant leurs charges en soins et leur dépendance. Plus généralement, un médecin coordonnateur a 14 missions différentes. L’une d’elles est de « veiller à l’application des bonnes pratiques gériatriques y compris en cas de risques sanitaires exceptionnels. »

« Quand on a écrit cette mission dans le décret, je ne pensais pas qu’un jour, on la mettrait en pratique à un tel niveau, confie Nathalie Maubourguet, présidente de la Ffamco-Ehpad (Fédération française des associations de médecins coordonnateurs en Ehpad). Disons que nous avions déjà un peu pensé à cela avec le H1N1 et nous avions bien senti l’intérêt d’avoir une cellule de crise dans les établissements. Nous nous étions dit qu’il était important qu’il n’y ait qu’un seul ordonnateur technique et médical, en partenariat avec le directeur de l’établissement : le médecin coordonnateur. »

L’essentiel du travail du médecin coordonnateur est, avec le directeur et l’infirmière coordonnatrice, de gérer la situation sanitaire à l’intérieur de la structure afin de transformer l’Ehpad en forteresse. Il doit tout faire pour éviter que le virus n’entre en raison du niveau de pathologies et de dépendance des résidents. Il doit donc prendre les choses en main de manière à ce qu’il y ait un ordre de marche à respecter. Ce qui n’a pas été si simple à faire. « Alors qu’en temps normal un médecin coordonnateur est présent à tiers temps dans la structure, nous nous sommes rendu compte qu’en temps de crise, cela ne pouvait pas être le cas, observe Nathalie Maubourguet. En effet, quand malheureusement le Covid-19 entre dans un Ehpad et que c’est le feu partout, il n’est pas question pour les médecins coordonnateurs de ne pas rester éteindre l’incendie. Nous avons donc été obligés de compléter les temps médicaux dans les endroits où la situation était extrêmement tendue. »

« Du mal à se faire entendre »

Autre frein constaté sur le terrain, l’absence de spécialiste dans le Conseil scientifique, formé autour d’Emmanuel Macron pour conseiller le gouvernement en cette période de pandémie. « Imaginez demain une crise qui ne toucherait que des enfants, cela semblerait normal que dans le Conseil scientifique il y ait au moins un pédiatre. Or, alors que l’immense majorité des décès liés à cette crise concernera des personnes de plus de 80 ans, il y a un pédiatre mais pas de gériatre au sein du Conseil scientifique » qui avise le gouvernement, déplore Gaël Durel, président de MCOOR, l’association nationale des médecins coordonnateurs et du secteur médico-social. Et d’ajouter : « On nous a dit que la problématique, c’était les urgences, la réanimation, les respirateurs, l’embolie des services d’urgence... Mais à aucun moment il n’a été question, au début en tout cas, de savoir ce qu’il se passait dans les Ehpad ou dans les filières gériatriques. »

Une absence qui peut aussi s’expliquer par un manque global de reconnaissance du médecin coordonnateur. Ainsi, alors que la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale oblige tout Ehpad signataire d’une convention tripartite (établissement, département et Etat) à s’adjoindre les services d’un médecin coordonnateur, près d’un tiers des établissements n’en ont pas encore (voir encadré). Et même quand c’est le cas, le médecin coordonnateur a souvent du mal à se faire entendre, et doute légitimement que ses recommandations soient suivies par la direction. Ce qui a encore été le cas au début de la crise, comme l’explique Gaël Durel. « Comment concevoir que certaines structures ont gardé, malgré l’avis des médecins coordonnateurs, leur restaurant ouvert alors même que l’on sait que le risque de contamination entre résidents asymptomatiques est majeur ? s’emporte-t-il. Les premiers Ehpad touchés dans le Grand Est l’ont été parce que les résidents n’ont pas été assez isolés. Or, quand on a commencé à dire qu’il fallait supprimer les activités sociales communes, comme la restauration, certains directeurs n’ont pas écouté nos recommandations. »

Une sanctuarisation de leur rôle dans la future loi « grand âge et autonomie » ?

Cependant, le président de MCOOR le reconnaît : « Cette crise a plutôt apaisé les choses. Les médecins traitants ont accueilli d’un bon œil d’avoir quelqu’un dans la structure. Cela leur permettait d’avoir un regard sur leurs patients. Du côté des directeurs aussi cela se passe bien. Ils sont plus qu’heureux d’avoir un conseiller pour leur expliquer ce qu’est une unité Covid-19, comment cela fonctionne, ce qu’il faut comme personnel, comment cela se met en place... Les directeurs se sont bien rendu compte qu’ils pouvaient compter sur le médecin coordonnateur pour prendre les meilleures décisions médicales possibles. Il fallait leur faire comprendre que l’épidémie pouvait potentiellement toucher 60 à 70 % des résidents et faire 30 % de morts. Et qu’il y avait donc des mesures urgentes à prendre. » De même, cette crise a permis de mettre en place des filières gériatriques de proximité. « Les établissements n’appellent plus le 15, les hôpitaux, les urgences, mais le médecin référent Covid-19, par le biais d’une hotline gériatrique, qui existe désormais dans la plupart des régions, explique Pierre-Marie Coquet, président du SMC-Ehpad (Syndicat des médecins coordonnateurs en Ehpad). Cette filière gériatrique de proximité sera certainement amenée à se généraliser, à se pérenniser après la crise. Cela permet de se rendre compte que pour ces personnes âgées, il faut à la fois des soins palliatifs, de l’hospitalisation à domicile, de la gériatrie, de la téléconsultation... Le médecin coordonnateur est le chef d’orchestre de tous ces acteurs de proximité. »

Si ce praticien a su se rendre indispensable ces dernières semaines, selon Nathalie Maubourguet, il va devoir l’être aussi lors du déconfinement afin de pérenniser son rôle dans les établissements. Pour la présidente de la Ffamco-Ehpad, « la profession en sortira grandie. Si, à un moment donné, des doutes persistaient sur l’apport du médecin coordonnateur, lorsqu’il a fallu rassurer les équipes soignantes sur la conduite à tenir, particulièrement quand il n’y avait rien pour les protéger, on a bien vu que nous étions nécessaires. » Si l’heure n’est pas au bilan et si les conclusions ne se tireront qu’une fois la pandémie derrière nous, les représentants des médecins coordonnateurs espèrent que la future loi « grand âge et autonomie » permettra de sanctuariser l’importance de leur présence en établissement. Mais ils ne se bercent pas d’illusions pour autant. « La canicule de 2003 n’a pas apporté 1 euro ou un personnel supplémentaire en Ehpad, rappelle Gaël Durel. On a seulement obligé des directeurs à avoir des chambres froides. Ce qui est quand même un message peu positif pour les résidents. Cela a entraîné des dépenses supplémentaires alors même que dans la moitié des régions cela ne servait à rien. S’il fait chaud, il est peut-être préférable d’avoir quelqu’un pour donner à boire aux résidents… » Et de conclure, dépité : « On voit bien que la plupart des problématiques que l’on rencontre aujourd’hui sont liées au fait que l’on n’a pas su gérer nos Ehpad depuis 30 ans. »

 


Encore un tiers des établissements sans médecin coordonnateur

En septembre 2018, une mission flash de l’Assemblée nationale sur la situation des Ehpad avait relevé qu’un tiers des établissements fonctionnaient sans médecin coordonnateur, alors qu’il s’agit d’une obligation légale. Des chiffres difficiles à vérifier, selon Gaël Durel : « Seule la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie dispose de ces données. Mais quand on l’interroge, elle ne donne pas les chiffres. Mais elle reconnaît qu’il y a près de 30 % des établissements qui n’ont pas de médecin coordonnateur. » Et le président de l’association MCOOR de donner quelques explications. Pour lui, l’une des premières raisons de l’absence de médecin coordonnateur en structure est liée à la désertification médicale. « On a déjà du mal à trouver des généralistes dans des petites communes, on aura forcément du mal à trouver des médecins coordonnateurs », indique-t-il. Et d’ajouter : « Nous nous sommes aussi aperçus à travers cette crise qu’un certain nombre de directeurs d’Ehpad ne cherchaient même plus à recruter de médecin coordonnateur depuis un certain nombre d’années. Ils privilégient essentiellement des postes de soins infirmiers ou d’aides-soignants. » Enfin, il y a un problème d’attractivité, de salaire. « Si un médecin généraliste qui a 25 ou 30 ans d’ancienneté veut devenir médecin coordonnateur mais que son ancienneté n’est pas prise en compte dans son salaire, il n’a aucun intérêt à le faire », assure Gaël Durel.

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