Actualités sociales hebdomadaires - Pourquoi avez-vous créé un collectif ?
Collectif Protection de l’enfance Alsace en lutte : Au départ, notre mobilisation concernait les professionnels de notre seul service d’AEMO [action éducative en milieu ouvert], géré par l’Arsea [Association régionale spécialisée d’action sociale, d’éducation et d’animation]. Nous étions en grande tension. Certains collègues étaient au bord du burn-out. Il fallait changer les choses. Malheureusement, ces difficultés existent dans d’autres services et dispositifs du département. Nous avons donc renommé le collectif, qui regroupe désormais une cinquantaine de professionnels (éducateurs, assistants sociaux, secrétaires, psychologues...) de la protection de l’enfance en Alsace. Depuis des années, le secteur se détériore chaque jour un peu plus : des placements ne sont pas effectués, les centres médico-psychologiques, les écoles n’ont plus de possibilité de prise en charge… Les moyens manquent et, en tant qu’éducateurs, nous observons les conséquences que cela a sur les enfants. Il y a une forme de maltraitance, à notre insu. Notre souci principal doit rester l’accompagnement des enfants, et non nos conditions de travail.
Quelle est l’urgence, selon vous ?
Au-delà d’une revalorisation salariale, qui se décide à l’échelle nationale, notre requête est avant tout locale : il faut baisser le nombre d'enfants suivis par travailleur social. Actuellement, la moyenne est de 30, mais nous en avons régulièrement 32, voire 35. Nous demandons à passer à 24, ce qui nous permettrait de travailler de manière plus qualitative : nous serions plus présents dans les familles où des besoins renforcés sont nécessaires. Pour cela il faut ouvrir de nouvelles places d’accueil. En Alsace, un enfant peut attendre trois à quatre ans pour entrer en institution spécialisée. De même, les délais d’attente pour un rendez-vous avec un psychiatre ou un orthophoniste sont de plus d’un an. Dans le département, 220 enfants sont en attente de placement, et ce depuis six mois, voire un an. Or nous devons, malgré tout, trouver des solutions pour ces enfants non placés. Ce sont les mesures d’AEMO. Mais avec 30-35 enfants, il est impossible d’offrir un accompagnement de qualité, cohérent. Nous ne faisons que pallier l’urgence.
Que pensez-vous de la mise en place d’un service public de la petite enfance, décidée par le gouvernement ?
C’est un ersatz de solution. Nous alarmons sur des situations concrètes et nos gouvernants n'arrêtent pas de lancer des commissions, des concertations, des procédures qui ne répondent pas aux difficultés de terrain. Si la coordination devient un argument pour masquer le manque de moyens financiers, on ne s’en sortira pas. Il faut arrêter de penser que notre secteur peut fonctionner dans un contexte de loi du marché. Ce n’est pas possible. Il faut des investissements. Sans, nous courons à la catastrophe. Si les lois se sont multipliées ces dernières années (2012, 2016, 2017), elles ont toutes pour volonté de mettre l’enfant au centre du dispositif. C’est très bien, mais nous n’avons pas les moyens de le faire. Par conséquent, il ne fait que subir des décisions de placement contraintes : il va là où la situation est la moins pire.