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Titiller Homo Sapiens

Crédit photo Agnès Druesne
Avec sa plume ironique et tendre, Pinki Blenders raconte sa vie d'assistante sociale chaque mois dans les ASH.   

Jour de rentrée. J’enfile ma casquette de formatrice. Les étudiants qui rêvent de devenir assistants sociaux débutent leur première année d’études. Je suis ici pour donner un cours sur la médiation artistique dans le contexte de l’intervention collective. Comme les années précédentes, la gente féminine est représentée haut à la main : 5 garçons et 34 filles. Nous faisons un tour de table et je me rends compte que rares sont ceux qui ont eu une expérience avant l’entrée à l’institut. La plupart sortent du baccalauréat. Bon, me voilà avec tous ces petits cerveaux tout prêts à faire fonctionner leurs méninges. Enfin, je dis ça…

Lorsque j’entre dans la salle de classe, ce n’est pas leurs visages que je vois, mais 39 couvercles d’ordi, avec en prime le téléphone portable greffé dans la main. Je respire. S’ils sont dans les starting-block pour recopier en mode automate, on est mal. Parce que je ne dicte pas, je ne régurgite pas un cours tout ficelé. Mince ! Non ! Moi je construis le cours avec eux… Il n’y a pas vraiment de consignes à part réfléchir, me contredire, argumenter, s’étonner, débattre quoi ! Depuis quand un assistant social écoute sans rien dire et opine de la tête en silence ? Nan ! Nous, on veut toujours savoir pourquoi, comment, dans quel but, et quelles sont les conséquences ? Et puis aussi, on adore ajouter notre petit grain de sel, une idée de génie par ci, une solution de ouf par là… Qu’à cela ne tienne.

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Je demande à tout le monde de ranger ordinateur et téléphone. Un cri d’effroi en mode thriller accueille ma proposition. Rah ! J’adore ça, bousculer les habitudes. J’ai demandé une salle sans chaise et sans table mais ici, il n’y en a pas. Entasser le mobilier dans un coin, on l’a déjà fait. Pas grave. Il fait beau dehors ? Aller, direction la pelouse. On fait cours à l’extérieur aujourd’hui. Le brouhaha s’amplifie avec des regards d’horreur qui se croisent. Je titille Homo sapiens qui a bien changé. Dingue ! Moi j’aurais adoré sortir des clous quand j’étais étudiante. Je m’assois sur le gazon en tailleur invitant les étudiants à me rejoindre. Arthur reste debout, se dandinant, un brin gêné.

Bah Arthur, tu ne t’assois pas avec nous ?

Non, je vais salir mon pantalon.

Taratata, voilà une poche poubelle pour tes petites fesses délicates.

Je distribue le matériel de médiation artistique – quoi de mieux que d’expérimenter soi-même ce voyage au cœur des émotions – et quelques consignes. Mes petits groupes se mettent au travail au centre duquel la discussion se met enfin à fleurir. A la fin du cours, Arthur est vautré sur l’herbe, détendu, le pantalon tâché mais on s’en fout. Aujourd’hui, on a plongé dans la réflexivité, et on a expérimenté les différentes formes de médiations artistiques. On a soufflé l’idée d’autres possibles, comme une graine semée pour une future pratique, et libérée des carcans. Elle n’est pas belle la vie ?

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