Le décret paru le 28 décembre dernier visant à renforcer le contrôle des chômeurs inscrits à Pôle emploi, n’en finit pas de soulever les critiques. Ainsi, dans un communiqué diffusé ce mardi 8 janvier, le réseau Coorace, qui réunit 550 entreprises de l’économie sociale et solidaire, principalement engagées dans l’insertion par l’activité économique, estime que "le gouvernement démontre une nouvelle fois sa volonté de faire peser la responsabilité du chômage sur le demandeur d’emploi lui-même, sans interroger les failles du marché de l’emploi".
Le décret vient mettre en application certaines dispositions inscrites dans la loi du 5 septembre 2018 "pour la liberté de choisir son avenir professionnel", principalement dans les articles 59 et 60 portant sur les droits et les obligations des demandeurs d’emploi. Si, en mars dernier, la présentation du projet de réforme du chômage avait déjà soulevé de vives critiques dans ce domaine-là, sa traduction dans ce décret a surpris, tant les sanctions prévues à l’encontre des demandeurs d’emploi, qui ne respecteraient pas leurs obligations, se montrent plus sévères que les annonces initiales.
Suppression des allocations, plutôt que suspension
Ainsi, alors que la durée de radiation pour absence injustifiée à un rendez-vous avec un conseiller pouvait aller jusqu’à deux mois de radiation, le gouvernement envisageait de limiter cette durée à 15 jours. Finalement, le décret se montre bien plus sévère en fixant à un mois la durée de radiation pour le premier rendez-vous manqué (avec report des allocations), deux mois avec suppression des allocations pour le second et quatre mois avec suppression des allocations pour le troisième.
De même, le projet gouvernemental initial prévoyait l’allongement des durées de radiation pour tous les autres manquements, parmi lesquels l’insuffisance de recherche d’emploi et le refus d’une offre raisonnable d’emploi. Au 1er manquement, était envisagé 1 mois de radiation avec report de l’indemnisation correspondante ; au 2e, 2 mois de radiation avec suppression des allocations correspondantes et, à partir du 3e manquement, 4 mois de radiation avec suppression des allocations. A noter que le rejet d’une offre raisonnable d’emploi n’est considéré comme un manquement qu’à partir du second refus. In fine, le décret prévoit de supprimer les allocations dès le premier manquement.
Une offre raisonnable d’emploi "floue"
Enfin, s’ajoute à cela la redéfinition de la notion "d’offre raisonnable d’emploi". Le gouvernement la souhaitait souple, adaptable selon la situation du demandeur d’emploi, par son conseiller emploi. Ce choix est maintenu. Et il est renforcé par le fait le motif du "salaire insuffisant" par rapport au dernier salaire ne pourra désormais plus être utilisé pour refuser une offre. Organisations syndicales comme associations de chômeurs jugent que nouveau cadre de "l’offre raisonnable", trop flou, prête le flanc à l’arbitraire.
Ces mesures sont “totalement dé-corrélées des réalités quotidiennes des personnes sans emploi", dénonce le réseau Coorace. Additionnées “à la baisse de l’accompagnement par les conseillers de pôle emploi", poursuit-il, elles sont “révélatrices du désengagement de l’Etat dans la bataille pour l'emploi”. Coorace craint en outre “un risque majeur d’exclusion numérique des personnes en situation de précarité, qui seront d'autant plus pénalisées par les manques en termes d'accompagnement”.
Le 3 janvier, quelques jours après la parution du décret décrié, le Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP) dénonçait pour sa part une “politique détestable” qui “essaie de faire croire que le chômage, c'est la faute des chômeurs, et que c'est en leur tapant dessus qu'on va les faites avancer". Or, soulignait-il, “quand on tape sur la tête de quelqu'un, on l’enfonce !”.
Exigeant le “retrait pour et simple” du décret, le MNCP affirmait qu'il “annonce sans aucun doute une future convention d’assurance chômage particulièrement injuste et dure pour les chômeurs”. Alors que les organisations patronales et syndicales sont en train de négocier une nouvelle convention, à la demande du gouvernement et suivant une feuille de route visant 3 à 3,9 milliards d'économies pour la branche de l'assurance chômage, l'organisation demandait que “les chômeurs soient enfin associés aux discussions sur leurs droits et, dans un premier temps, [à] être enfin reçue par la ministre du Travail qui continue, depuis son entrée en fonction, d’ignorer les chômeurs et leurs organisations”.