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Réforme du chômage : contrôle renforcé et accompagnement très individualisé

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Création d'un tableau de bord recensant les actes de recherche des demandeurs d'emploi, redéfinition de l'offre raisonnable d'emploi selon leurs profils personnels et le contexte local, révision du régime des sanctions, encadrement rapproché de la gouvernance paritaire... Le projet de réforme du régime de chômage, présenté aux partenaires sociaux lundi 19 et précisé par le cabinet de la ministre le lendemain, sera présenté en conseil des ministres le 18 ou le 25 avril.

Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, a présenté son projet de réforme de l'assurance chômage aux partenaires sociaux, le 19 mars. Cette réforme s'appuie sur "trois axes portant sur l'accompagnement, le contrôle des demandeurs d'emploi et sur la gouvernance du régime d'assurance chômage".

Le "renforcement de l'accompagnement" passera par deux mesures. La première, d'abord mise en œuvre de manière expérimentale dans deux régions à partir du 1e janvier 2019, consistera en un "journal de bord", un dispositif inspiré selon le cabinet de la ministre de l'expérience danoise.

Ce "journal de bord" dématérialisé devra être complété chaque mois par les chercheurs d'emploi avec leurs "actes de recherche". "Ce journal doit permettre de rendre les démarches de candidature plus efficaces, de prévenir le découragement de certains demandeurs d'emploi, et de préparer les entretiens avec les conseillers afin de les orienter vers l'action plutôt que vers le diagnostic", explique le communiqué. En pratique, comme l'a précisé le cabinet de la ministre au lendemain de la présentation aux partenaires sociaux, la saisie de ces informations se fera en même temps que l'actualisation de situation mensuelle – qui conditionne le versement des allocations.

A la sortie de leur rencontre avec le cabinet, le représentant de la CGT, Denis Gravouil, estimait que ce dispositif posait "énormément de questions sur le contrôle - même si le gouvernement s'en défend - par une sorte de police de la recherche d'emploi". C'est une manière d'obliger les demandeurs d'emploi à entrer dans cette démarche pour en garantir l'efficacité, rétorque le ministère qui affirme que le "journal de bord" sera complètement déconnecté du dispositif de contrôle.

L'offre raisonnable d'emploi à géométrie variable

En parallèle, la définition de l'offre raisonnable d'emploi, inscrite dans les articles L.5411-6-2, L.5411-6-3 et article L5411-6-4 du Code du travail, sera revue. Actuellement, durant les trois premiers mois de l'inscription à Pôle emploi, ce sont les critères de recherche d'emploi (niveau de salaire, statut du contrat, éloignement du domicile, durée de travail, etc.) établis par le demandeur d'emploi et son conseiller dans le cadre du projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE) qui définissent l'offre raisonnable d'emploi. Ensuite, à l'issue de cette première période, une définition unique légale s'impose à tous les inscrits à Pôle emploi. L'ORE "ne reposera plus sur des critères rigides [...], mais sera déterminée au plus près du terrain, par le dialogue avec le conseiller, pour tenir compte de la situation individuelle de chaque personne et des caractéristiques du marché du travail local".

"La question de la personnalisation est plutôt une bonne chose. Mais le risque est que l'on tombe dans l'individualisation totale et donc [dans un système] où tout va reposer sur la discussion entre le demandeur d'emploi, sur sa vie, et le conseiller Pôle emploi, commentait Yvan Ricordeau, représentant de la CFDT à la sortie de la rencontre au ministère. Et de prôner l'instauration de règles collectives "pour faire en sorte de bien formaliser le parcours professionnel". Les uns craignent que l'ORE, telle qu'elle sera désormais définie, prête le flanc aux complaisances et n'impose pas assez de contraintes aux chômeurs. Les autres y voient au contraire une mesure qui laisse trop de place à l'arbitraire, au détriment des demandeurs d'emploi. Le ministère rétorque qu'elle est basée sur la confiance, "ce qui n'est pas dans la culture française"...

Des moyens de contrôle renforcés

Ces mesures, dont l'objectif affiché est d'améliorer l'accompagnement, s'associeront à un renforcement du contrôle et une révision du barème des sanctions. Ainsi, prévient le ministère, d'ici à 2020, le nombre d'agents exclusivement chargés du contrôle sera porté à 1 000 (contre 200 aujourd'hui). "Ces contrôles viseront autant à remobiliser les personnes découragées qu'à sanctionner celles qui ne satisfont pas à leurs obligations de recherche d'emploi". Ils porteront sur l'"intensité de la recherche d'emploi". Dans le même temps, l'échelle des sanctions devrait être revue. La durée de radiation pour absence à un rendez-vous avec un conseiller sera limitée à 15 jours. Elle peut aller jusqu'à 2 mois aujourd'hui. Ces absences "représentent aujourd'hui près de 70 % des motifs de sanction", insiste le ministère. En contrepartie, la durée de radiation pour tous les autres manquements, dont l'insuffisance de recherche d'emploi ou le refus d'une offre raisonnable d'emploi (à partir du second refus), sera globalement allongée :

  • 1e manquement : 1 mois de radiation, avec report de l'indemnisation correspondante ;
  • 2e manquement : 2 mois de radiation avec suppression des allocations correspondantes ;
  • à partir du 3e manquement : 4 mois de radiation avec suppression des allocations correspondantes.

Pôle emploi "juge et partie"

Les critères de radiation, actuellement définis dans l'article L5412-1 du Code du travail, ne seront pas révisés, à l'exception du "refus de formation" qui devrait disparaître de la liste. Un choix justifié au ministère par le fait que contraindre quelqu'un à suivre une formation alors qu'il ne le souhaite pas est inefficace et coûteux. Par ailleurs, alors que le retrait d'un droit (la couverture de l'assurance chômage) nécessite aujourd'hui une décision du préfet, désormais, Pôle emploi pourra administrer directement la sanction. "C'est Pôle emploi qui sera juge et partie, souligne Jean-François Foucard de la CFE-CGC. Il faudra quand même regarder de près, au niveau du conseil d'administration de Pôle emploi, que ça ne dérive pas. Que l'on n'ait pas un emballement [du nombre de] radiés voire de la suppression des droits". Le ministère indique que ce nouveau barème devra encore faire l'objet de discussions avec les partenaires sociaux.

Paritarisme sous contrôle

Ceux-ci sont aussi particulièrement critiques à l'égard du modèle de gouvernance développé dans le projet de réforme. Si l'Unedic et l'Assurance chômage seront toujours dirigées par les partenaires sociaux, leurs marges de manœuvre seront étroites. En effet, la négociation des conventions nationales devra respecter "un document de cadrage" fourni par le gouvernement, précisant "la trajectoire financière à respecter" et fixant "des objectifs pour l'évolution des règles de l'assurance chômage". Si le résultat des négociations ne respectait pas ces principes, "l'Etat pourra définir par décret les paramètres du régime", indique gouvernement.

Le cabinet de Muriel Pénicaud indique que le projet de loi "avenir professionnel" qui contiendra la réforme de l'assurance chômage, sera envoyé d'ici à une dizaine de jours aux partenaires sociaux et au Conseil d'Etat, avec l'objectif d'une présentation en conseil des ministres le 18 ou le 25 avril prochain. A noter que le texte comportera aussi un volet formation professionnelle et un volet apprentissage, auxquels devraient s'ajouter, lorsque les concertations auront abouti, une partie sur l'égalité professionnelle, une sur l'emploi et le handicap, et une autre sur le travail détaché.

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