De qui relève la mission d’accès aux droits auprès des personnes retenues dans les centres de rétention administrative ? Les sénateurs étudient actuellement une proposition de loi, présentée par la sénatrice Marie-Carole Ciuntu (Val-de-Marne, Les Républicains), tendant à confier à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) certaines tâches d'accueil et d'information des personnes retenues.
« La proposition de loi dans sa formulation parle de confier la mission d’information à l’Ofii et non pas des missions d’aide à l’exercice effectif des droits qui sont celles que nous exerçons aujourd’hui, ce qui est bien plus large qu’une simple information », commente Mathilde Buffière, responsable du service rétention pour le groupe SOS Solidarités, lors de la présentation, le 29 avril, du rapport rétention 2024 réalisé par son association ainsi que par La Cimade, France terre d’asile, Forum Réfugiés et Solidarité Mayotte. Parmi ces missions d'aide, de nombreux paramètres sont à prendre en compte comme la durée de la procédure, la préparation des recours, les différentes démarches juridiques ou encore les possibles contentieux.
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« Nous rejetons cette proposition », tranche de son côté Sylvie Guillaume, ancienne députée européenne désormais à la tête de Forum Réfugiés. Elle déplore des approximations, des contresens et des enjeux mal évalués qui aboutiraient, selon elle, à un « recul des droits pour les personnes retenues ».
Capacité d’interpellation
Le fait que l’Ofii soit sous la tutelle de la direction générale des étrangers en France, elle-même dépendante du ministère de l’Intérieur, pose question. Justine Girard, responsable nationale des questions de rétention à La Cimade, note que la mission première de l’Ofii - accompagner les étrangers au départ et pour l’aide au retour volontaire - est « incompatible avec le fait de faire valoir les droits des retenus devant les juridictions ». Nicolas Fischer, chercheur en sciences politiques, précise que les acteurs qui délivrent cette aide juridique doivent pouvoir saisir les tribunaux en cas de manquements constatés, d’où l’importance qu’ils soient non gouvernementaux.
Une durée de rétention qui s'allonge
Les associations ont également posé les enjeux du temps de rétention. Recensant plus de 40 000 personnes enfermées (16 228 dans l’Hexagone et 24 364 en Outre-mer), soit en baisse de 7000 retenus par rapport à l'année précédente, elles estiment que la durée d’enfermement moyenne augmente : 28 jours en 2023 et de 12 en 2017. Ce qui limite « le nombre de places inoccupées en CRA et donc de nouveaux placements », peut-on lire dans le rapport. La durée d’enfermement maximale légale de 90 jours est ainsi remise en question pour atteindre 210 jours.
Evolutions législatives « restrictives et fréquentes »
Si la remise en question de l’action des associations en rétention n’est pas nouvelle - Nicolas Fischer rappelle que les pouvoirs publics avaient déjà tenté en 2001 de limiter l’assistance juridique des intervenants associatifs et qu’il faut négocier à chaque nouveau gouvernement - cette nouvelle offensive se fait dans un contexte de complexification du droit des étrangers. « Les évolutions législatives sont de plus en plus restrictives et fréquentes », constate Justine Girard qui ajoute que c’est le cas depuis 1995, avec une accélération depuis les années 2000, notamment à partir du mandat de Nicolas Sarkozy.
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