Recevoir la newsletter

Justice des mineurs : les 9 changements nécessaires dans les centres éducatifs fermés

Centres éducatif fermés justice des mineurs Cour des comptes délinquance PJJ

Selon la Cour des comptes, le déploiement des centres éducatifs fermés ne s'avère pas pertinent.

Crédit photo PHILIPPE DESMAZES / AFP
La Cour des comptes dénonce de lourds dysfonctionnements sur l’activité des centres éducatifs fermés et des établissements pénitentiaires pour mineurs. Dans un rapport, l'institution estime que l’efficacité de l’approche partagée entre éducation et contrainte pour lutter contre la récidive des mineurs délinquants est entravée.

Vingt ans après leur création (1), l’efficience des centres éducatifs fermés (CEF) pose question. Rendu public le 16 octobre, le rapport de la Cour des comptes « Les centres éducatifs fermés et les établissements pénitentiaires pour mineurs » (EPM) passe au crible le fonctionnement de ces lieux d’alternative à la liberté surveillée et à l’emprisonnement dans des quartiers pour mineurs récidivistes, aux profils « difficiles ». Si la volonté première reposait sur la conciliation entre travail éducatif et contrainte, la Cour pointe plusieurs manquements dans la gestion des 54 CEF (accueillant chacun une dizaine de mineurs) et des 6 EPM (une soixantaine).

Le bilan dressé par la juridiction fait état de dispositifs qui concernent une minorité de délinquants. Selon les données relevées en 2021 :

  • 198 135 mineurs ont été poursuivis par les parquets, dont 147 763 dans des affaires poursuivables ;
  • 133 242 ont reçu une réponse pénale ;
  • 1 139 ont fait l’objet d’une mesure de placement en CEF ;
  • 2 800 ont été placés sous écrou, dont un sur trois en EPM.

Pour rétablir l’efficacité de leur activité, la Cour liste ensuite neuf recommandations.

Eviter les nouvelles programmations

  • 1. Fiabiliser les données relatives au coût de journée des CEF des secteurs public (1/3) et associatif habilité (2/3). Le coût effectif d’une journée s’élevant, en 2019, respectivement à 705 € (hors immobilier) et à 571 €, selon les chiffres du ministère de la Justice. D’après la direction du budget, évalué initialement à 4,5 millions d’euros (M€), l’investissement coûte 6 M€ (chiffres 2023).

« La faiblesse des études relatives à leur efficacité, la pénurie de main-d’œuvre qualifiée pour encadrer les mineurs, les problèmes rencontrés dans leur fonctionnement et la difficulté à optimiser l’utilisation des places disponibles justifient qu’une pause soit observée dans la programmation de nouveaux CEF », préconisent les auteurs. Par ailleurs, rien n’indique que les profils des mineurs soient différents au sein des deux types d’établissement, ce qui conduit à des niveaux de prise en charge inégaux.

> A lire aussi : Réforme de la justice pénale des mineurs, un premier bilan inquiétant

Embaucher du personnel qualifié

  • 2. Rassembler le potentiel d’expertise et les données des différentes directions d’administration centrale. Et ce, afin de produire des éléments de suivi et d’évaluation permettant de calculer les taux de récidive et de réitération des jeunes sortant de CEF et d’EPM et de les comparer aux autres dispositifs.

Le rapport rappelle ainsi l’importance de la relation éducative entre les mineurs accueillis et les professionnels qui les accompagnent. Le recours à des contrats d’intérim coûteux entrave sa réussite. « Le déficit d’attractivité des métiers du travail social en général affecte gravement les structures d’hébergement collectif de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et singulièrement, en leur sein, les CEF », souligne la Cour.

  • 3. Elargir les recrutements effectués en complément des concours externes et internes et étoffer la formation théorique dispensée à leurs lauréats par l’Ecole nationale de la PJJ.
     
  • 4. Achever la mise à jour de tous les projets d’établissement des EPM conformément au calendrier prévu, fin 2023. « Les spécificités de ce projet, en particulier l’importance donnée à la socialisation des mineurs et au temps passé hors cellule, sont aujourd’hui à réaffirmer », note la Cour des comptes.
  • 5. Dans l’emploi du temps hebdomadaire des jeunes détenus en établissements pénitentiaires pour mineurs, élargir les plages consacrées à la socialisation et aux apprentissages scolaires.

Evaluer les schémas d’organisation

  • 6. Lors des recrutements et mutations des agents, distinguer les postes de l’administration pénitentiaire et de la PJJ alloués aux établissements pénitentiaires pour mineurs et n’y nommer que des personnes dont le profil professionnel est adéquat.
     
  • 7. Avant de lancer des projets nouveaux de CEF, établir les besoins à satisfaire, en se fondant sur une évaluation de l’offre existante et la réalisation de schémas régionaux tenant compte des autres dispositifs de placement de la PJJ et intégrant les conséquences de la réforme de la justice pénale des mineurs.

En effet, en 2018, un plan d’envergure avait été lancé pour augmenter les capacités des CEF alors que celles des structures existantes sont aujourd’hui loin d’être saturées. « Mais cette statistique, depuis l’entrée en vigueur du code de la justice pénale des mineurs (CJPM), évolue à la baisse. A ce changement de contexte s’ajoutent des incertitudes graves sur la pertinence même du choix fait de privilégier les CEF en tant qu’outil de prise en charge des mineurs délinquants », analyse la juridiction. Elle demande donc une pause dans la conduite du programme de création. Cette trêve permettrait d’expertiser les raisons de l’écart important entre le taux de prescription de placement en CEF par les magistrats et leur taux d’occupation.

D’autres avantages sont aussi relevés : remettre à jour les schémas d’organisation du placement judiciaire afin d’en rappeler les différentes composantes, y compris hors CEF, qui contribuent à mettre à la disposition des tribunaux pour enfants une palette diversifiée de solutions pour les jeunes délinquants, et de faciliter leur orientation par les magistrats.

> A lire aussi : Justice des mineurs : une réforme en trompe-l’œil

Réorienter les jeunes délinquants selon leur profil

  • 8. Elaborer un plan d’action, afin de privilégier l’orientation des mineurs détenus vers les EPM.

Depuis 2021, leur taux d’occupation est en régression. Les importants moyens qui leur sont consacrés avec une offre d’activités plus conséquente justifie cette préconisation. Plus concrètement, il s’agirait d’y orienter une part plus importante de « primo-incarcérés », davantage sensibles au choc de la privation de liberté ainsi que ceux dont la durée d’enfermement est susceptible d’être la plus longue. « Cette orientation doit être combinée avec une limitation de l’éloignement des mineurs de leur lieu de vie et du service de milieu ouvert assurant leur suivi, les contraintes liées aux exigences judiciaires et des contraintes disciplinaires », précise le rapport.

  • 9. Mieux répartir les effectifs de la PJJ en milieu pénitentiaire, en redéployant des équivalents temps plein (ETP) des EPM vers les quartiers pour mineurs (QM).

« La différence d’allocation des moyens en éducateurs en EPM et en QM ne paraît pas justifiée dans la proportion aujourd’hui observée, alors que, dans les deux cas, le principe est celui de l’intervention continue de la protection judiciaire de la jeunesse », conclut la Cour des comptes.


(1) Les centres éducatifs fermés et les établissements pénitentiaires pour mineurs ont été créés par la loi n° 2002-1138 d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 (dite loi « Perben 1 »).

>> Le rapport Les centres éducatifs fermés et les établissements pénitentiaires pour mineurs

Insertion

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur