« S’en tenir à la raison. » En se fondant sur des données chiffrées, France terre d’asile appelle à un changement de paradigme concernant l’élaboration des politiques migratoires. Plutôt qu’un fardeau pour les dépenses publiques, l’association défend l’idée d’une intégration des personnes étrangères vertueuse pour les comptes de l’Etat. « Il est possible de concilier solidarité et efficacité économique », soutient Najat Vallaud-Belkacem, présidente de France terre d’asile, dénonçant le « mythe de l’appel d’air » qui génère « une politique extrêmement restrictive, dans laquelle il ne faudrait ni construire trop d’hébergements, ni rendre l'accueil trop confortable au risque d’attirer plus de personnes ».
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Alors que les discussions pour le budget 2026 se poursuivent à l’Assemblée nationale, France terre d’asile liste ainsi cinq mesures qui, mises bout à bout, permettraient à l’Etat et à la sécurité sociale de réaliser un gain de 3,3 milliards d’euros par an.
- Première mesure : augmenter le nombre de places du dispositif national d’accueil (DNA) dédié aux demandeurs d’asile. Le budget 2025 a réduit de 6 500 ces places et le budget 2026 s’apprête à lui emboîter le pas. Répercussions : de plus en plus de personnes en demande d’asile sont accueillies dans des structures d’hébergement d’urgence généralistes. Ces suppressions empêchent donc, d’une part, les personnes exilées de bénéficier d’un accompagnement adapté, et représentent, d’autre part, une perte financière, alerte l’association. Le coup journalier d’une place dans le DNA est en effet moins élevé que dans l’hébergement d’urgence de droit commun, 25 € contre 30 €, souligne Vincent Beaugrand, directeur général de France terre d’asile, citant une étude de Terra Nova. « Nous avons donc calculé la différence de coût d’hébergement, en sachant qu’un rapport de l’Igas, de l’IGF et de l’IGA (1) établit à 8 000 le nombre de personnes demandeuses d’asile qui sont dans le droit commun. »
Economies calculées : 14 600 000 € par an. - Deuxième mesure : rendre possible le fait de travailler dès le début de la demande d’asile. Aujourd’hui, les demandeurs d’asile n’ont pas le droit de travailler pendant les six premiers mois suivant leur demande. « Cette période d'inactivité prolonge leur dépendance à l'aide publique, érode leurs compétences professionnelles et retarde leur intégration socio-économique une fois la protection obtenue », déplore l’association. Réduire de quelques mois cette période d'attente et donner accès au marché du travail à ces personnes, cela permettrait, entre autres, d’éviter les coûts liés à l’hébergement et aux allocations pour demandeur d’asile.
Economies calculées : 139 millions d’euros.
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- Troisième mesure : réduire de 20 % le nombre d’OQTF prononcées. France terre d’asile rappelle que la délivrance d’obligations de quitter le territoire français (OQTF) mobilise des ressources humaines importantes en préfecture, alors que leurs taux d’exécution restent très faibles. « Cette politique engorge les tribunaux administratifs (50 % des recours) et peut suspendre les parcours de personnes bien intégrées. »
Economies calculées : 41 millions par an. - Quatrième mesure : restreindre l’usage des centres de rétention administrative (CRA). L’association pointe l’incohérence des politiques actuelles visant à étendre la capacité des CRA. Cette solution de rétention se chiffre à 600 € par jour et par personne, selon la Cour des comptes, et engendre par ailleurs un coût humain important. « Cela a un impact sur la santé mentale des personnes qui sont retenues. Nous avons pu observer une augmentation des tentatives de suicide ces dernières années », pointe Maëlle Léna, directrice du plaidoyer.
Economies calculées : 219 millions d’euros par an. - Cinquième mesure : régulariser les demandeurs d’asile intégrés économiquement. C’est la mesure la plus importante en termes de gains proposée par France terre d’asile. L’association appelle à un plan de régularisation de 250 000 personnes actuellement dans l’impossibilité de travailler en raison de leur statut administratif ou alors employées sans être déclarées, autrement dit sans payer d’impôts sur le revenu, ni de cotisations sociales. « Il s’agit de transformer un travail non déclaré ou potentiel en recettes pour la collectivité. »
Economies calculées : 2,9 milliards d’euros par an.
France terre d’asile assure avoir été prudente dans ce travail chiffré, en choisissant chaque fois les hypothèses les plus basses pour ne pas gonfler les résultats. Elle explique aussi que la plupart de ces mesures peuvent être mises en place rapidement. « Régulariser les personnes demandeuses d’asile nécessite, par exemple, de passer par une circulaire. Il s’agit d’une application directe, il n'y a pas besoin de passer dans le PLF », appuie Vincent Beaugrand. Le plan d’action de France terre d’asile doit être présenté prochainement aux députés et au gouvernement.
(1) Revue de dépenses sur le budget de l’hébergement d’urgence publiée par l’Inspection générale des finances (IGF), l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l’Inspection générale de l’administration (IGA).
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