« Le coût de l’inaction ». C’est le principal fil rouge d’un rapport de la commission d’enquête parlementaire sur « les défaillances des politiques publiques de prise en charge de la santé mentale et du handicap, et les coûts de ces défaillances pour la société » paru mercredi 17 décembre 2025. A l’initiative du groupe socialiste de l’Assemblée nationale, cette commission a organisé, en un peu plus de deux mois, 47 auditions au cours desquelles 112 personnes ont témoigné. Conclusions : le manque de prévention coûte cher à la société.
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Par le biais de ce travail, les rapporteurs Nicole Dubré-Chirat (Ensemble pour la République) et Sébastien Saint-Pasteur (socialiste) espèrent contribuer à un changement de paradigme, impliquant de « passer d’un processus de décision fragmenté, contraint par l’urgence et guidé par les possibilités budgétaires et humaines immédiates, à une logique d’anticipation, de continuité et d’efficacité de l’action publique ». Pour cela, ils dressent une série de recommandations réparties en quatre grands axes. Les députés ont toutefois tenu à souligner que leurs avis divergent sur certains points.
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1. Developper une culture de l’évaluation
Le rapport invite à mieux évaluer cette logique de « coûts évités » pour guider les politiques publiques de façon plus efficace. Sébastien Saint-Pasteur, se détachant de sa consœur, recommande ainsi la création d’une agence nationale de l’étude d’impact, qui « pourrait se faire à un budget constant », en sollicitant les moyens humains de Santé publique France, de la Drees ou la Haute Autorité de santé. Cette agence s’assurerait ainsi que toute politique publique soit analysée sous le prisme de son impact social et financier à long terme.
Toujours dans l’optique de mieux évaluer, le rapport préconise de mettre en place un suivi individuel des parcours de prise en charge. Inspiré du dossier médical partagé, ce dispositif permettrait de prévenir les points de rupture potentiels et d’alléger les démarches administratives pour les personnes handicapées.
2. Miser sur l’inclusion scolaire
Pour ce volet, il s’agit notamment de mieux reconnaître les AESH (accompagnants d'élèves en situation de handicap) en leur créant un statut et en renforçant leur formation, d’augmenter le nombre d’orthophonistes et développer la notion d’aménagements raisonnables à l’école (adaptation du mobilier, temps d’examen plus longs, possibilité de faire des pauses durant une épreuve…) selon les prescriptions médicales et paramédicales et sans intervention préalable de la MDPH (maison départementale des personnes handicapées).
Autre préconisation : rendre obligatoire pour les rectorats le fait de documenter le nombre d’heures de scolarisation de tous les enfants, qu’ils étudient en milieu ordinaire ou en institution spécialisée.
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3. Rendre effective la désinstitutionnalisation
Les députés soulignent l’importance d’encourager l’emploi accompagné, en soutenant « plus activement les initiatives donnant lieu à un retour sur investissement positif comme les Café Joyeux ou Vivre et travailler autrement », de déployer le logement inclusif et de permettre le cumul de l’AAH (allocation aux adultes handicapés) et d’un emploi sans plafond restrictif.
Ils recommandent également de s’assurer de la « portabilité des droits des personnes en situation de handicap d’un milieu à un autre (école, collège, lycée, enseignement supérieur, emploi, logement…) et d’un dispositif à un autre ».
4. Prévenir les problèmes de santé mentale
Les rapporteurs appellent à renforcer le rôle des infirmières et des psychologues scolaires, à consolider les équipes des centres médico-psychologiques (CMP) et à diffuser les initiatives de la société civile dans les maternités ou auprès des personnes âgées. De manière générale, il est suggéré d’investir dans la « prévention primaire », autrement dit de travailler à réduire à la source les nouveaux enjeux de santé mentale dans la société.
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Défaillances communes
Nicole Dubré-Chirat et Sébastien Saint-Pasteur expliquent avoir travaillé simultanément sur le handicap et la santé mentale tant pour des raisons de problématiques structurelles communes (augmentation des besoins, dégradation des conditions de prise en charge, disparités territoriales, complexités des démarches…) que pour des raisons de calendrier, l’année 2025 coïncidant avec les 20 ans de la loi 2005 sur le handicap et avec les un an de la désignation de la santé mentale comme grande cause nationale.
Auditionnée par la commission, l’Unapei (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis) salue les conclusions de ce travail parlementaire.
« A rebours de certains discours actuels présentant la politique du handicap comme une charge financière qu’il s’agirait de réduire, le rapport démontre, au contraire, qu’en investissant davantage et plus efficacement dans ce domaine, la société pourra à la fois améliorer la qualité des vies des personnes en situation de handicap et de leurs aidants, et générer des économies. En effet, si les conséquences humaines des défaillances de l’Etat sont dramatiques, elles ont également un coût élevé pour la société, notamment en raison de nombreux coûts indirects : dépenses sociales supplémentaires, désinsertion professionnelle, perte d’autonomie, aggravation des troubles, ou encore ruptures de scolarité. »
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