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Aide alimentaire : des demandes en hausse, des ressources en moins

Une antenne des Restos du coeur à Angers en 2015

Une antenne des Restos du coeur à Angers en 2015

Crédit photo Creative Commons
Des bénéficiaires habituels encore plus en difficulté et de nouveaux demandeurs. Les associations qui offrent des aides alimentaires affrontent une inflation des besoins alors que, dans le même temps, elles manquent de bénévoles et, pour nombre d’entre elles, de bonnes conditions d’approvisionnement.

« Nous avons dû faire face à une explosion des demandes, témoigne Damien Bouquin, assistant social au centre intercommunal d’action sociale des Terres du Haut-Berry, un territoire rural de 30 communes qui regroupe 26 000 habitants. Le gros afflux des quinze premiers jours tenait à la fermeture de nombreuses structures. Aujourd'hui, nous sommes sollicités par un nouveau bénéficiaire de plus par jour, contre dix par mois habituellement. » Même constat en zone urbaine : la demande d’aide alimentaire bondit. Membre du bureau national des Restos du cœur, Yves Mérillon observe qu’à Paris les distributions de rue ont vu leur public augmenter.

En somme, le confinement aggrave la précarité des plus fragiles et engendre une nouvelle catégorie de personnes en difficulté. Les associations d’aide aux démunis se retrouvent à devoir assurer en premier lieu une réponse au besoin vital de manger à un moment où, précisément, elles-mêmes sont impactées par de nombreuses difficultés. Les unes, d’approvisionnement, et presque toutes, de manque de bénévoles. Elles ont donc dû se réorganiser dans l’urgence pour satisfaire un nombre croissant de sollicitations.

Plus de bénéficiaires, moins de bénévoles

Un double phénomène est en cause. D’un côté, les revenus de nombre de personnes sont en baisse. Les précaires se retrouvent encore plus précaires, faute de pouvoir faire la manche ou de vivre de débrouille et de petits boulots. D’autres basculent dans la pauvreté et viennent grossir le public habituel des associations distribuant de l’aide alimentaire. Ce sont des travailleurs pauvres qui ne parviennent plus à s’en sortir lorsque, par exemple, un chômage partiel ampute de 16 % leur salaire déjà bas. On trouve également des intérimaires et ceux dont le contrat de travail à durée déterminée a pris fin. Cela concerne enfin des travailleurs indépendants, non indemnisés. Parallèlement, les dépenses, elles, augmentent. Là encore, en raison de nombreux facteurs : la fermeture des cantines, qui implique de nourrir les enfants trois fois par jour, la raréfaction des produits d’entrée de gamme dans les supermarchés, le manque de transports, qui peut contraindre à préférer une supérette locale à un hypermarché plus lointain… Bref, manger coûte de plus en plus cher.

Si le nombre de bénéficiaires augmente, celui des bénévoles à même d’aller sur le terrain a, lui, simultanément diminué, au moins dans un premier temps. Principalement en raison de leur âge. Ainsi, aux Restos du cœur, les plus de 70 ans représentent 30 % des bénévoles. Résultat ? La première semaine, l’association n’a pu ouvrir que 400 de ses 2 000 centres de distribution. Et elle parvient aujourd’hui à en compter 1 300 en activité – ce qu’elle doit notamment à l’afflux de nouvelles bonnes volontés. Yves Mérillon fait d’ailleurs observer que la page du site Internet consacrée à la procédure de bénévolat a vu sa fréquentation augmenter de 800 %.

De quoi trouver des ressources, pour bâtir une organisation adaptée à la crise. « Nous avons dû faire très vite, note Bernard Schricke, délégué interrégional Hauts-de-France-Normandie du Secours catholique. Nous n’avions pas de plan de continuité de l’activité dans ce cadre. Nous ne pouvions imaginer que nous aurions un jour affaire à une telle crise… »

Depuis plusieurs années, l’association a diminué sa part d’aide alimentaire en nature au profit de réponses financières liées aux besoins exprimés par les bénéficiaires. En partenariat avec des associations présentes localement, elle a mis sur pied des livraisons à domicile pour des personnes ne pouvant se déplacer. Elle a aussi augmenté le volume des chèques-service qu’elle distribue, sous forme de carnets de 50 € plutôt que de 10 € afin de permettre à chacun, explique Bernard Schricke, d’anticiper et de s’approvisionner pour plusieurs jours. Le Secours populaire ne pouvant, quant à lui, maintenir ouverts les libres-services solidaires, délivre sur rendez-vous des colis et assure quelques livraisons à domicile pour « ne pas perdre trop de gens en route », indique son secrétaire national, Sébastien Thollot. Même modification aux Restos du cœur, qui distribuent des paniers-sandwich dans la rue au lieu de repas chauds. « Nos conditions de distribution sont dégradées, ce qui a été rendu nécessaire par le respect des gestes-barrières », commente Yves Mérillon.

Des inégalités territoriales exacerbées

Ainsi, partout, la distribution alimentaire se trouve assez largement déconnectée du lien social qui l’accompagne habituellement. Et donc du soutien psychologique mais aussi matériel qu’il porte en lui, tant l’aide alimentaire représente une porte d’entrée pour aider les bénéficiaires à traiter d’autres problématiques (accès aux droits, recherche d’emploi, de logement…).

Une autre difficulté qu’affrontent les associations sont les problèmes d’approvisionnement. Hormis les Restos du cœur, dont « les entrepôts étaient bien pleins », nombre de structures témoignent d’un manque de ressources. Damien Bouquin observe la diminution drastique des invendus. Sébastien Thollot déplore, lui aussi, la chute des « ramasses » et l’impossibilité de collecter auprès des clients de supermarché. Ce qui, par exemple à Lyon, représente une perte hebdomadaire de 2 000 €.

Résultat : la diversité des aliments n’est plus au rendez-vous. Damien Bouquin constate à la fois un excès de chocolats de Noël et un manque de fruits, de légumes, de viandes, de farine. Sans compter qu’il est impossible pour les bénéficiaires, en raison du confinement, d’échanger entre eux un produit contre un autre.

Bien entendu, les inégalités territoriales sont exacerbées par l’actuelle crise sanitaire. Au point que certains conseils départementaux débloquent des aides d’urgence pour amoindrir les risques de précarité alimentaire. En Seine-Saint-Denis, 25 000 familles de collégiens (celles qui ne payaient pas plus de 2,50 € le repas à la cantine) se sont vu attribuer une aide de 60 €. En partenariat avec la Croix-Rouge et le Secours populaire, une cantine scolaire du département a rouvert ses cuisines pour servir des repas chauds. Et 50 familles hébergées dans des hôtels sociaux reçoivent, elles, des paquets secs de nourriture.

La crainte d’une deuxième vague

Malgré cette mobilisation, Bernard Schricke, du Secours catholique, déplore que certains « échappent aux dispositifs », en particulier les migrants de la zone de Calais, dans « le dénuement le plus complet, ni confinés, ni évacués».

Une autre inquiétude est assez largement partagée : la crainte d’une deuxième vague. « La fin du confinement ne signera pas l’arrêt de la crise », prévient Damien Bouquin, d’autant que beaucoup de structures tournent en été au ralenti. Sébastien Thollot complète en remarquant que certains secteurs d’activité resteront en difficulté bien après la levée de l’interdiction de se déplacer. En particulier le tourisme, ce qui pourrait laisser en grande précarité des guides indépendants, entre autres dans sa ville de Lyon. Tous les réseaux partagent toutefois une lueur d’espoir : que les nouveaux bénévoles apparus pendant la crise conserveront, après la reprise du travail, une forme d’engagement et que reviendront les bonnes volontés historiques.

 

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