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À Berlin, à cause du Covid-19, « les gens ne peuvent plus venir à nous, alors nous venons à eux »

Distribution de denrées alimentaires à Berlin

Distribution de denrées alimentaires à Berlin

Crédit photo Violette Bonnebas
Dans la capitale allemande, les éducateurs d’un quartier déshérité organisent des livraisons à domicile et des activités virtuelles pour maintenir le lien social avec les familles.

Pour Josefine Brendel, la tournée commence, à bord d’une voiture louée pour l’occasion. « Je ne pensais pas devenir livreuse un jour, sourit l’éducatrice spécialisée, en peinant à faire fonctionner son GPS. Mais il faut bien s’adapter ! »

Le coffre chargé de jeux et de vivres, la jeune femme rend visite à des familles défavorisées du quartier de Marzahn-Hellersdorf. Elle les connaît toutes : les enfants fréquentent d’ordinaire le centre associatif où elle travaille depuis deux et demi. Tous les après-midis, L’Arche accueille dans une ancienne école en préfabriqué jusqu’à 300 mineurs âgés de 2 à 16 ans qui habitent les Plattenbau, ces barres d’immeubles typiques de l’est de Berlin.

Afin de ralentir la propagation du coronavirus en Allemagne, l’institution a dû fermer ses portes à la mi-mars, en même temps que les écoles et la plupart des lieux d’accueil du public. Mais pour le personnel, pas question de chômage partiel ou de télétravail. Si les stagiaires et bénévoles ont été renvoyés chez eux, les 15 travailleurs sociaux sous contrat travaillent au moins dix à douze heures par jour.

Josefine Brendel sonne chez les Arfota, des réfugiés yézidis. Les trois enfants, Koman, Ali et Maria, dévalent les escaliers. « Voilà un kit de peinture pour décorer les œufs de Pâques, explique l’éducatrice de 28 ans. Et ça, c’est un jeu de cartes. On a mis les règles sur le groupe WhatsApp. » L’éducatrice échange brièvement avec leur mère au pied de l’immeuble, mais le temps presse. Elle a 19 familles inscrites sur sa tournée du jour.

Josefine ne porte volontairement pas de masque, jugé trop « impersonnel » dans un métier de contact. Tant qu’il n’est pas obligatoire, l’équipe de L’Arche préfère s’en passer. A chaque visite, elle se tient à distance et se désinfecte les mains. « C’est déjà très difficile pour les plus petits, assure-t-elle. Ils pleurent souvent quand on repart. On ne peut plus les prendre dans nos bras pour les rassurer, il faut trouver les mots justes à chaque fois. »

Un peu plus loin, vit la famille Haase, avec sept enfants à charge et un accent berlinois très prononcé. A leur balcon, ils ont accroché une grande banderole : « Merci à L’Arche. » La plupart des bénéficiaires de l’association sont des familles nombreuses, souvent des mères célibataires. Ici, 80 % des foyers vivent grâce aux aides sociales. Les structures étatiques sont toutes passées au service minimum. Seule L’Arche continue d’assurer une présence physique.

« Les gens ne peuvent plus venir à nous, alors nous venons à eux », résume Tim Rauchhaus, directeur régional des six centres berlinois de L’Arche. Son équipe a fixé deux priorités : d’abord, s’assurer que les enfants mangent à leur faim grâce à la distribution de paniers alimentaires qui remplacent les repas habituellement pris à l’école et au centre. Plus de 1 500 familles ont ainsi été livrées en un mois. Ensuite, éviter que l’ennui ne s’installe dans les foyers, source de conflits et de violences domestiques. « Le plus important, c’est que les enfants n’aient pas le sentiment d’être abandonnés, qu’ils sentent que le lien est toujours là, que l’on reste un groupe, précise Tim Rauchhaus. La difficulté, c’est que nous dépendons entièrement des dons, et ils ont beaucoup diminué avec la pandémie. »

A L’Arche, les visites à domicile sont complétées par des activités virtuelles. Tous les jours de 9 h à 20 h, l’équipe anime des groupes WhatsApp, propose des chansons et des recettes de cuisine, aide pour les devoirs. « On leur lance des défis, comme descendre les poubelles, préparer le petit déjeuner pour maman, détaille le directeur. Les enfants accumulent des points, et les gagnants remportent des jouets. » Les éducateurs assurent également une heure de direct vidéo par jour depuis un studio improvisé où ils jouent des saynètes et lisent des histoires.

« Ca va être difficile de motiver les enfants sur la durée, redoute la Berlinoise Josefine Brendel en remontant dans sa voiture. On repousse nos limites, mais on a aussi un nouveau regard sur leur lieu de vie, on voit davantage les parents. Pour l’après, ça nous aidera à mieux cibler notre travail en fonction des familles. » A L’Arche, on espère tout de même que « l’après » n’arrivera pas trop tard.

 

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