Le quotidien de Stéphanie Karrer a bien changé depuis l’époque où elle s’occupait d’une première petite fille de 7 mois, aujourd’hui âgée de 17 ans et demi. Trois grandes adolescentes sont à l’heure actuelle placées auprès de cette assistante familiale employée par la collectivité départementale d’Alsace. « Petits, ce sont les couches et les petits pots comme une maman pourrait le faire, dit-elle en souriant. Plus grands, on passe davantage aux échanges sur leurs questionnements, au soutien à la scolarité et à l’organisation des rendez-vous pour accompagner leurs troubles. »
Marie-Gabrielle Demaret, cadre de formation à l’IRTS de Lorraine, explique orienter un enfant en famille d’accueil « quand il a besoin d’une figure d’attachement unique et constante ». Une mission que résume à son tour Stéphanie Karrer : « Le b.a.-ba de notre mission, c’est de le mettre en sécurité. »
Rompue à la patience et à la souplesse face à des jeunes qui se débattent contre ce cadre sécure, elle est consciente d’intervenir trop souvent après des parcours jalonnés de traumatismes. « On est là pour les aider à se reconstruire et à s’insérer plus tard. »
>>> A lire aussi: Enfant rasé à blanc : pourquoi l'alerte a-t-elle été donnée si tardivement ?
« Ce métier demande du recul et un très bon équilibre de vie », pointe Marie-Gabrielle Demaret. L’enfant vient dévorer tout ce qui a manqué avant et peut mettre l’assistant familial en difficulté. Celui-ci l’accueille dans son intimité familiale, ce qui demande l’adhésion de toute sa famille. Il ne s’agit pas de s’appuyer sur ses compétences parentales, mais d’avoir de la créativité et de l’analyse pour trouver des outils et une posture professionnelle. »
Et de rappeler que l’assistant familial doit concourir au maintien du lien de l’enfant avec sa famille d’origine pour lui permettre de partir.
Combattre l’isolement
« Je me dis parfois que c’est un sacerdoce, confie Stéphanie Karrer, toujours tentée de pallier les manques de moyens alloués. Faire de la place pour sa vie personnelle est d’une complexité sans nom. Le plus dur dans ce métier, c’est l’isolement. Il faut savoir communiquer, chercher de l’aide et s’appuyer sur les services de l’ASE [aide sociale à l’enfance], à commencer par l’éducateur référent de l’enfant et le référent professionnel. »
>>> Pour approfondir: Adrien Taquet : "Il faut laisser le temps aux professionnels de s’approprier une loi"
Un travail d’équipe de moins en moins aisé, à l’heure où le système de protection de l’enfance vacille sous le manque de moyens, le turn-over des professionnels et les listes d’attente pour accéder aux soins ou aux institutions spécialisées.
C’est pourtant l’intégration dans une équipe éducative pluridisciplinaire que la réforme de la formation des assistants familiaux entend encourager. « Le métier demande de savoir transmettre l’information, appuie Marie-Gabrielle Demaret. La maîtrise des écrits professionnels devient indispensable pour remonter tous les événements. » « Je peux en avoir une dizaine à produire dans la semaine », confirme Stéphanie Karrer.
>>> A lire également: "Il est important de compenser la vulnérabilité des enfants au moins à travers la présence d’un avocat"
« Voir les enfants grandir et s’en sortir m’a portée », confie l’assistante familiale, qui se dit aujourd’hui contrariée dans ses valeurs et toujours plus livrée à elle-même. Elle a ainsi décidé d’arrêter d’exercer après la majorité de ses trois adolescentes. Un moment qui sonnera la fin de leurs prises en charge, épée de Damoclès à laquelle Stéphanie ne peut se résoudre. C’est décidé : elle deviendra alors chauffeur d’ambulance et continuera à les soutenir.
Comment on le devient ?
Après une procédure d’agrément auprès de son département, pour une à trois places d’accueil, un stage de 60 heures permet de comprendre le fonctionnement de son employeur (département ou association) et les bases du développement de l’enfant. Accueil et intégration dans la famille d’accueil, accompagnement éducatif et communication professionnelle… 240 heures de formation sont ensuite obligatoires en vue du diplôme d’État. Sans lui, l’assistant familial devra renouveler l’agrément tous les cinq ans.
À partir de 2027, le stage passera à 100 heures et la formation à 420 heures, mettant l’accent sur l’adolescence, les liens du jeune avec sa famille, le travail en équipe et la maîtrise des écrits. De niveau 5, le nouveau diplôme offrira une passerelle vers ceux de moniteur-éducateur et d’éducateur spécialisé.