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Charlotte Caubel : « le montant de 1 500 € n’est que la première pierre d’un dialogue à venir »

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FRANCE-POLITICS-GOVERNMENT

Charlotte Caubel propose de verser 1 500 € aux jeunes qui quittent l'ASE à 18 ans.

Crédit photo AFP
La secrétaire d'état chargée de l'enfance défend le nouveau « pack jeune majeur » et clarifie la position du gouvernement après les polémiques autour du pécule de 1 500 €. Elle souligne aussi l'importance de l'accompagnement global, pas seulement financier, pour les jeunes issus de l’aide sociale à l'enfance (ASE).

De nombreux professionnels de l’enfance ont dénoncé des décisions hors sol après l’annonce des 22 mesures pour protéger les mineurs par Elisabeth Borne. D’autres étaient surtout dubitatifs face à ce catalogue d’intentions assez éloignés du Plan Marshall que des acteurs du secteur appelaient de leurs vœux.

Un point a surtout cristallisé les mécontentements : le remplacement du « pécule » par une aide de 1 500 € à la majorité des jeunes pris en charge par l'aide sociale à l'enfance (ASE). Une mesure « Inacceptable » selon l’ancienne ministre de la Famille, Laurence Rossignol ou « un niveau de cynisme très élevé » pour le militant des droits de l’enfant Lyes Loufok.

Face à ces polémiques, la secrétaire d’Etat à l’enfance Charlotte Caubel propose sa version et ses explications.

ASH : Votre annonce concernant les 1 500 € donnés aux jeunes majeurs sortant de l’ASE a fait l’objet de vives critiques de la part de certains professionnels. Pensez-vous avoir suffisamment pris la mesure de l’importance de ce pécule ?

Charlotte Caubel : Le pécule, qui fait partie du pack jeune majeur que nous avons annoncé, répond à la problématique de l’insertion des jeunes majeurs de l’ASE. C’est la politique prioritaire du gouvernement que j'ai volontairement choisie pour être évaluée par la Première ministre. D’une part, parce que les données dont nous disposons à ce sujet, comme le fait que seuls 7 % des jeunes passés par l’aide sociale à l’enfance accèdent à l’enseignement supérieur, ou celui qu’un SDF sur quatre sort de l'ASE, sont dramatiques. D’autre part, parce qu’elle a un double impact : je considère que pour permettre à ces jeunes de s’insérer à 18 ans, il faut les avoir accompagnés de façon adaptée et qualitative à tous les niveaux, de la santé à l’éducation, depuis leur arrivée dans le dispositif. C’est un thème que nous estimons prioritaire et que nous avons murement réfléchi. La polémique qui en a découlé me paraît donc un peu excessive, erronée sur le fond et objet de malentendus.

En quoi consiste ce pack ?

Le pack jeune majeur n’a pas été construit à la légère : il résulte des travaux confiés à la délégation interministérielle de la transformation publique pilotée par mon cabinet, qui est allée étudier les bonnes pratiques faites dans les départements sur l'accompagnement des jeunes majeurs, notamment en termes d'information et d'anticipation des démarches administratives. Il est difficile de se retrouver seul à 18 ans du jour au lendemain et de devoir effectuer toutes les démarches, alors que le collectif vous a assisté jusque-là. Nous avons donc décidé de mettre en place une application numérique pour faciliter cet aspect, qui est en cours de finalisation. Au-delà du support, je souhaite aussi établir des conventions avec les principaux opérateurs, comme les missions locales, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), pour que le département puisse se saisir de ce sujet, et désigner des référents qui accueillent spécifiquement les anciens bénéficiaires de l’ASE. Le pack jeune majeur, qu’on a appelé pour le moment « pack premier départ », est un accompagnement global qui se ne résume donc pas au versement d’une somme d’argent.

Comprenez-vous les inquiétudes concernant la restitution des allocations de rentrée scolaire versées à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ?

Nous n’avons évidemment pas l’intention de spolier les fonds placés à la CDC. Il est très difficile d’entrer en contact notamment avec les personnes sorties de l’ASE depuis longtemps. Résultat, environ 18 millions d'euros sont actuellement en déshérence. Nous avons donc mis en place un groupe de travail dédié pour les restituer. Un jeune concerné supervisera les démarches entreprises par la CDC afin de retrouver ceux qui n’ont pas pu bénéficier de ce pécule, en vérifiant que les choses avancent rapidement et que personne n’est lésé.

Que répondez-vous à ceux qui jugent l’attribution des 1 500 € injuste ?

Le dispositif mis en place par la loi de 2016 était en bout de course. A l’époque, son élaboration, qui résultait d’un travail en urgence dans un contexte politique particulier, partait d’une bonne intention : puisque les enfants confiés à l’ASE ont déjà de quoi assurer leurs besoins quotidiens, par le biais, par exemple, d’indemnités de vêture, il s’agissait de rassembler sur un compte les allocations de rentrée scolaire (ARS) qu’ils recevaient pour qu’ils puissent les toucher à leurs 18 ans. L’objectif était identique au nôtre : disposer d'une somme « coup de pouce » qui permet de faire de véritables choix, en n’étant pas contraint d'aller toujours vers les études les moins onéreuses, d’attendre pour passer son permis ou fournir une caution pour un appartement…

>>> A lire aussi : Les acteurs de l’enfance inquiets d’annonces « déconnectées » des enjeux

Mais le pécule actuel est issu d’une allocation familiale. Donc pas de famille, pas d'allocations. Or pour un certain nombre d'enfants de l’ASE, ne pas avoir de famille est une réalité. C’est le cas des pupilles de l'Etat, des orphelins. De plus, les enfants dont les parents se sont vu retirer l’autorité parentale ou dont les parents n’ont pas droit à l’ARS n'en bénéficient pas non plus. Ce sont donc généralement les plus « fracturés » et qui en ont le plus besoin qui ne peuvent prétendre à cette allocation. Le montant que nous proposons est par ailleurs plus élevé que le précédent, puisque les enfants qui peuvent en bénéficier touchent à l’heure actuelle en moyenne 800 €. L’autre problème non négligeable réside dans la complexité du dispositif, qui entraîne des disparités de traitement, en fonction des pratiques variées des magistrats. Certains juges considèrent qu’on doit laisser l’ARS aux parents, d’autres oublient de statuer à son propos. Même quand elles sont prises, encore faut-il que les décisions arrivent à temps pour que le département – qui gère déjà des problématiques urgentes – doive en outre être attentif à l’ARS, et à l’ouverture d’un compte à la CDC. Enfin, comme nous l’avons dit, ceux qui ont été placés provisoirement à l’ASE sont difficiles à retrouver à 18 ans. D’autant que, comme tous n’y ont pas accès, certains éducateurs préfèrent ne pas mentionner ce droit, pour éviter les déceptions. Donc même ceux qui ont droit à ce pécule n’y recourent pas à 60 %. Ce dispositif me paraît donc injuste et complexe.

Ses détracteurs jugent inéquitables le fait que la somme soit la même pour tous…

J’entends une petite musique très douce et minoritaire qui laisse penser que ce pécule, aujourd'hui versé au prorata du temps de placement, est une forme d'indemnisation du placement. Un peu comme un droit acquis. Mais ce n’est pas l’objectif : le critère principal est d’aider les jeunes qui se retrouvent à 18 ans avec des difficultés financières et sans soutien familial, c’est-à-dire, peu ou prou, ceux qui sont engagés dans un contrat jeune majeur. Ceux qui ont réussi à retrouver une vie familiale stable sont-ils forcément concernés ? A l’inverse, pourquoi les jeunes en rupture de leur famille quelques semaines ou quelques mois avant la majorité, comme dans les cas de violences familiales qu’on arrive enfin à révéler peu avant 18 ans, ou les mineurs non accompagnés arrivés il y a peu, n’auraient-ils pas le droit à ce fameux coup de pouce ?

Le pack jeune signe-t-il la mort de la conservation de l’ARS à la CDC ?

Je ne souhaite qu’une chose, mieux et plus accompagner les jeunes. Le pécule ne doit pas être un prétexte à la diminution ou à la suppression des dispositifs de droit commun existants. Il ne s’agit pas de remplacer des dispositifs par d'autres, mais de mieux les articuler. Aucune décision ne sera prise sans concertation avec les acteurs de la protection de l’enfance. De toute façon, la suppression du dépôt à la CDC ne peut se faire que par le biais d’une loi, ce qui suppose, là encore, des débats.

>>> A lire aussi :  Elisabeth Borne annonce 22 mesures pour protéger les mineurs

Notre annonce est un point de départ pour qu’à l’avenir les milliers de jeunes qui n’ont droit à rien bénéficient d’une aide d’au moins 1 500 €. De la même façon, ce montant proposé n’est que la première pierre d’un dialogue à venir. Les détails de ma proposition et son articulation avec le dispositif actuel restent à construire.

>>> Dans la suite de l'interview, Charlotte Caubel s'explique sur les autres mesures annoncées par la Première ministre Elisabeth Borne, réponds aux tenants d'un Plan Marshal et annonce la tenue d'un "temps politique fort".  Charlotte Caubel : "Il faut créer un espace pour sortir de l’urgence continuelle"

 

 

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