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Le projet de refonte des diplômes d’Etat du social inquiète les syndicats

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Catherine Vautrin l’a annoncé : pour renforcer l’attractivité des métiers du social et médico-social, il faut « en finir avec le dogme des diplômes d’Etat ». Si pour l’instant, aucun projet concret n’est sur la table, les syndicats du secteur s’interrogent sur la méthode qui sera adoptée et sa finalité.

Le chantier n’a pas encore commencé qu’il inquiète déjà. En annonçant, le 26 avril dernier, en marge de sa visite d’un Ehpad de Seine-et-Marne, son intention d’engager une refonte des 13 diplômes d’Etat du travail social, Catherine Vautrin, la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, a jeté un pavé dans la mare. Si pour l’instant, ni le calendrier, ni la méthode n’ont été fixés avec précision, l’ambition, elle, est connue : il s’agira, via cet exercice de simplification, de faciliter les passerelles entre les différentes carrières du sanitaire, social et médico-social présentant une proximité professionnelle entre elles, en mobilisant notamment la validation des acquis de l’expérience (VAE), un dispositif de qualification récemment révisé, qui permet à un travailleur en reconversion d’acquérir une certification « bloc par bloc » plutôt qu’en une seule fois dans le cadre d’un cursus classique.

Un projet pas si nouveau

La raison invoquée pour procéder à ce travail de toilettage censé s’achever en 2027, est toujours la même : il s’agit de réduire les tensions sur l’emploi pesant sur ces métiers qui peinent à recruter en facilitant leur accès et en améliorant leur attractivité. « Une auxiliaire de vie doit pouvoir disposer de la capacité d’évoluer vers des fonctions d’assistante médicale ou de cadre de santé » expliquait un conseiller de Catherine Vautrin pour justifier l’initiative.

>>> A lire : Attractivité des métiers: ce que prévoit le ministère du Travail

L’objectif n’est d’ailleurs pas nouveau. La révision des diplômes figurait déjà au programme des assises du travail social de… 2012. Ainsi qu’à l’agenda de la Conférence des métiers de l’accompagnement social et médico-social de 2022 et même, plus récemment, dans le Livre blanc du travail social de 2023. Une première étape de ce grand chantier de rénovation a d’ailleurs déjà partiellement débutée l’an passé avec le lancement, par l’ancien ministre de la Santé François Braun, de la refonte de la formation d’infirmier visant à l’aligner sur les standards éducatifs européens et d’en faire un diplôme de niveau Licence délivré par l’Université. Si l’objectif initial imaginait une conclusion à la rentrée 2024, la difficulté du projet a convaincu les pouvoirs publics de la repousser d’un an pour une entrée en vigueur prévue finalement en septembre 2025.

Une refonte sans dialogue social ?

Là où le bât blesse, cependant, c’est que cet exercice de remise à plat risque de se faire sans les partenaires sociaux pourtant bien positionnés pour jauger de la conformité du contenu des certifications professionnelles avec les réalités de l’emploi sur le terrain. Ce n’est pas la première fois. La récente refonte de la formation des infirmiers n’a ainsi « pas du tout été appréhendée sous l’angle du dialogue social, mais seulement pilotée par des groupes de travail de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) », raconte Delphine Girard, membre de l’équipe dirigeante fédérale CGT Santé et Action sociale.

Ici, la faute en revient à un particularisme « historique » lié aux diplômes relevant du ministère de la Santé qui, contrairement à ceux chapeautés par d’autres ministères certificateurs (Education nationale, Recherche, Travail ou Agriculture par exemple) ne sont pas soumis à l’examen préalable de commissions paritaires consultatives (CPC) où siègent syndicalistes, représentants patronaux et personnalités qualifiées. Et même si l’entrée dans le processus de Bologne en 2010 a un peu fait bouger les lignes ces dernières années, l’administration du ministère conserve encore largement la main sur l’élaboration des référentiels de ces diplômes.

Le « oui, mais » de la CFDT

Cependant, si la méthode interroge, l’objectif divise. A la CFDT, on partage plutôt l’ambition du gouvernement : « Si c’est pour améliorer l’attractivité des métiers, on est évidemment pour », confie Benjamin Vitel, secrétaire national de la fédération cédétiste des Santé-Sociaux. Avec des réserves, cependant. Les premières relatives à l’exclusion des partenaires sociaux des délibérations, les secondes au contenu des diplômes et à leur transcription en termes de rémunérations pour les salariés. « Ce qu’un diplôme certifie, ce sont des compétences. Pas si le parcours pour les obtenir s’est fait au titre de la formation initiale, continue ou de la VAE. Mais ces compétences doivent être reconnues et se traduire par une rémunération à la hauteur. Aujourd’hui, on voit encore dans nos secteurs des salariés qui exercent un emploi supérieur à leur niveau de qualification pour lesquels ils ne touchent pas un juste salaire. Il n’est pas normal que les employeurs disposent encore d’une grande latitude concernant la rémunération de ces ‘’faisant-office’’ », observe Benjamin Vitel.

CGT et FO réfractaires

Côté CGT, l’ambiance est plutôt à la méfiance envers les projets ministériels. « Ce n’est pas d’une refonte des diplômes dont nos secteurs ont besoin, mais de vrais moyens accordés à la formation continue des salariés pour garantir leur montée en compétences et en qualification. Aujourd’hui, sur ce plan, l’ascenseur social est en panne », souligne Delphine Girard. La faute la réforme Pénicaud de 2018 qui a asséché les ressources mutualisées de la formation destinées aux entreprises et structures de plus de 50 salariés pour réorienter les fonds vers l’apprentissage et le compte personnel de formation (CPF). Quant à l’idée d’un recours accru la VAE – fut-elle simplifiée dans son fonctionnement - pour organiser les passerelles entre métiers, elle ne convainc pas la cégétiste : « La VAE existe déjà et on a du mal à constituer des jurys ! Ce dont on a besoin aujourd’hui, c’est de former en masse ! »

>>> Lire aussi: VAE simplifiée: comment la mobiliser?

C’est sans doute chez FO que l’opposition est la plus vive. Non seulement sur la forme, mais aussi sur le fond. Car derrière la refonte annoncée, Force Ouvrière perçoit surtout « une attaque en règle contre les grilles Parodi », s’agace Michel Poulet, secrétaire fédéral du syndicat national de l’action sociale (FNAS) FO. Autrement dit, selon ce qu’en analyse le syndicat, la décorrélation de l’emploi – et donc du salaire – du diplôme et de l’ancienneté pour leur substituer un mode de rémunération basé sur les compétences. Des compétences « dont la définition reviendra au seul employeur… » poursuit Michel Poulet. C’est d’ailleurs cette crainte du déclassement de l’emploi qui pousse Force Ouvrière à refuser toute négociation sur une éventuelle convention collective unique étendue (CCUE) dans la branche associative des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux (Bass) qui doit s’achever le 4 juin. « Parce qu’elle prévoit de substituer à la reconnaissance du diplôme toute une série de ‘’critères classants’’ dont la finalité serait préjudiciable aux salariés », explique le syndicaliste. 

 

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