Les collectivités territoriales, dont les ressources devraient se voir amputées de 5 milliards dans le prochain projet de loi de finances soumis aujourd’hui à l’examen du Conseil des , sont pas les seules à appréhender le budget 2025. Chez Nexem, fédération d’employeurs du secteur social, médico-social et sanitaire privé à but non lucratif, on redoute aussi le coup de rabot, alors qu’au sein de ses 11 000 établissements et services adhérents, nombre de structures sont déjà à l’os.
« Michel Barnier explique qu’il faudra faire beaucoup avec moins, mais ce n’est plus possible. Nous avons atteint le point de rupture ! » avertissait Alain Raoul, président de Nexem, le 9 octobre, à l’occasion de la deuxième édition de la « Mêlée » de l’organisation, organisée cette année à Reims.
Cette urgence est palpable dans le plaidoyer que l’organisation patronale devrait transmettre ces prochains jours aux parlementaires pour les sensibiliser à la situation du secteur. Lequel aurait besoin d’environ 10 milliards d’euros pour être remis à flots, après plusieurs années de sous-financement et un enchaînement de crises (Covid, inflation, hausse des coûts de l’énergie, etc.) qui ont durablement affecté la trésorerie de ses établissements adhérents.
Cette année, cependant, l'absence de gouvernement de plein droit entre les mois de juin et de septembre a forcé l'organisation à improviser. « D’habitude, lorsque nous préparons notre argumentaire relatif au projet de loi de finances, nous disposons d’indications, même vagues, sur les trajectoires que comptent emprunter les pouvoirs publics. Cette année, on a dû procéder à l’aveugle. C’est complètement inédit », expliquait-on le 9 octobre dans les couloirs du Palais des Congrès de Reims. Et dans ces conditions, la principale crainte des adhérents de Nexem, c’est de voir les politiques de solidarité sacrifiées sur l’autel de la rigueur budgétaire…
Sécurisation financière nécessaire
Sans surprise, le dossier le plus brûlant dans l’agenda immédiat de Nexem concerne la sécurisation financière des dispositions conventionnelles de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale non lucrative.
L’accord salarial du 4 juin dernier visant à revaloriser les rémunérations des « oubliés du Ségur » s’est vu opposer une fin de non-recevoir par un certain nombre d’ARS et de collectivités départementales. Mais même lorsque les financeurs qui ont joué le jeu, tout n'est pas d'équerre pour autant....
« Dans le champ des personnes en situation de handicap, nous avons ainsi identifié que le manque de financement des revalorisations Ségur dans le secteur est de 20% pour les crédits d’assurance maladie délégué par les ARS et plus encore pour les départements. C’est inacceptable pour nos associations », note Nexem qui, dans son plaidoyer, réclame à la fois une loi de finances rectificative pour compenser les non-versements au titre du Ségur, mais aussi un alignement des hausses de salaires du secteur non-lucratif sur celles dont a bénéficié la fonction publique (+1,3%) ces dernières années.
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Mais au-delà des revalorisations salariales, c’est aussi le devenir de la future convention collective unique étendue (CCUE) de la branche, qui se joue. Alors que celle-ci est toujours en négociation et que son volet dédié justement à l’élaboration d’une nouvelle grille des rémunérations et des classifications doit être bouclé au mois de novembre prochain, Nexem menace de renverser la table. Sans garantie de sécurisation des financements par les pouvoirs publics, il n’y aura vraisemblablement pas de signature patronale à l’accord le mois prochain ! Ambiance...
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Redonner de la souplesse aux CPOM
Cette sécurisation financière que Nexem appelle de ses vœux passe d’ailleurs en grande partie par la remise à plat des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) que la branche passe avec l’Etat et dont Nexem déplore aujourd’hui « la détérioration des modalités de souplesse budgétaire » et demande la mise en pause jusqu’à clarification de leur portée.
La clarification passerait notamment par le retour de l’opposabilité des conventions collectives et des accords d’entreprises qui obligeaient les pouvoirs publics à tenir leurs engagements financiers. Mais aussi par l’alignement des objectifs nationaux de dépense d’assurance-maladie (Ondam) annuels sur l’inflation et sur toutes les obligations législatives et réglementaires faites aux associations et pouvant entraîner des surcoûts de trésorerie (Egalim, décarbonation, etc.). Sans oublier la prise en compte dans les futurs CPOM et Ondam de la nécessité du recrutement des 50 000 nouveaux collaborateurs dont le secteur aurait besoin pour fonctionner ces prochaines années.
Cette réécriture globale des schémas financiers de la branche serait aussi l’occasion d’accélérer leurs efforts en matière de responsabilité sociale et environnementale. Une ambition qui, selon les vœux de Nexem pourrait notamment passer par la facilitation de prêts bonifiés permettant aux structures du secteur de renouveler leur parc automobile ou par la création d’un fond national co-géré par la Caisse des dépôts et consignations et BPI France destiné à favoriser leurs démarches « zéro carbone » ou à optimiser la maîtrise de leur impact sur l’environnement.
Handicap, précarité, grand âge: les demandes sectorielles
A ces requêtes d’ordre général s’ajoutent aussi un « pack » de demandes sectorielles. Car si l’organisation patronale s’est réjoui de la nomination – certes tardive – d’une ministre déléguée à la question du handicap, « il ne faudrait pas oublier ces autres dossiers majeurs que sont la protection de l’enfance, la précarité ou le grand âge », souligne Alain Raoul.
Et sur ces différents dossiers, il y a beaucoup à faire ! Comme la pérennisation d’un financement stable pour les Centres de suivi et de prise en charge des auteurs de violences conjugales (CPCA), l’élaboration d’un rapport prospectif permettant la pleine mise en œuvre des structures de l’insertion par l’activité économique (SIAE) dans le contexte de déploiement de France Travail, le déblocage de nouveaux crédits pour la mission égalité hommes femmes afin de renforcer l’accompagnement social des femmes victimes de violence accompagnées en centre d’hébergement, le renforcement de la contractualisation entre les départements et l’Etat en matière de protection de l’enfance ou la réactivation du fonds national de financement de la protection de l’enfance (FNFPE) dont la DGCS avait signé l’arrêt en 2020, le jugeant désormais « sans objet ». Reste à voir comment, dans un contexte budgétaire aussi contraint, Nexem parviendra à avancer ses arguments...
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