Avec 84 447 détenus et 5 761 matelas au sol, les prisons françaises battent un nouveau record.
Les chiffres de juin 2025, publiés par le ministère de la Justice, confirment une tendance alarmante. En un mois, 766 personnes supplémentaires ont été incarcérées. Sur un an, la hausse est de 6 567. Et sur deux, de plus de 10 700. Pour l’Observatoire international des prisons (OIP), cette trajectoire confirme une spirale d’« engrenage destructeur de la prison ».
Le taux d’occupation dans les maisons d’arrêt, où est détenue près de 70 % de la population carcérale, frôle désormais 166 %. En conséquence, 5 761 personnes dorment à même le sol, ce que l’OIP qualifie de « redoublement de l’humiliation de conditions de détention déjà déplorables ».
Pour l’IOIP, ce niveau de surpopulation n’est pas conjoncturel, mais inscrit dans une dynamique de long terme, qui ne montre aucun signe de ralentissement. « Les choses s’aggraveront encore », alerte l’organisation, avançant une projection de 90 000 détenus d’ici la fin 2025, soit au-delà de l’objectif gouvernemental de 87 000 prévu pour 2027.
Cette évolution, souligne l’observatoire se fait « à rebours des recommandations qui, de toute part, plaident en faveur d’une déflation carcérale », en contradiction avec les tendances observées dans plusieurs pays européens.
"Dignité niée"
Au-delà des données statistiques, la surpopulation a un impact concret, que les personnes détenues elles-mêmes décrivent dans un dossier récemment publié par Dedans Dehors. Une trentaine d’entre elles y relatent la promiscuité constante, la gêne provoquée par les matelas au sol, les conflits liés au manque d’accès aux douches ou aux parloirs, et les difficultés pour téléphoner ou préparer leur procès. Certaines évoquent une « dignité niée », d’autres la « solitude dans la promiscuité », ou encore la « pression psychologique permanente » générée par la surpopulation. Ces témoignages viennent éclairer « ce que cela signifie d’être enfermé à deux, trois ou plus dans une cellule exiguë, quasiment toute la journée », souligne la publication, qui milite pour « faire entendre la voix des premières et premiers concernés ».
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Pressions européennes
Le 12 juin 2025, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe, qui suit l’exécution de l’arrêt J.M.B. c. France, a exhorté l’État français à « examiner sérieusement et rapidement l’idée d’introduire un mécanisme national contraignant de régulation carcérale ». L’OIP rappelle que cette demande s’inscrit dans une série d’alertes formulées par de nombreuses institutions françaises et européennes : le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT), le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), la CNCDH ou encore l’Inspection générale de la justice (IGJ).
Toutes constatent une hausse continue de la population carcérale, malgré les multiples recommandations en faveur d’une politique pénale plus modérée. Selon l’OIP, « les mesures gouvernementales, loin de la contenir, semblent même aggraver » cette inflation.
« Une frénésie punitive »
Pendant que les recommandations s'accumulent et sont laissées sans suite, l’observatoire fustige un manque de volonté politique : « Alors que l’urgence exigerait un sursaut politique, c’est la frénésie punitive qui l’emporte. » Selon lui, la politique actuelle s’inscrit dans une « absence totale de réflexion quant au sens de la peine et aux effets dévastateurs que la prison produit sur les personnes qu’elle détient ainsi que sur leurs proches ».
L’organisation met également en cause « l’illusion d’une réponse carcérale pourtant notoirement inefficace – pour ne pas dire contre-productive ». Et interpelle : « Combien de dizaines de milliers de vies faudra-t-il encore enfermer pour rassasier l’appétit répressif ? »
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