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Mais où sont passés les 120 millions pour l'hébergement d'urgence ?

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Pour Nathalie Latour, DG de la FAS : " Plus de 6000 personnes ne sont pas pris en charge par le 115. On a besoin de ces 120 millions. Il y a trop de personnes à la rue"

Crédit photo DR et FAS
Les 10.000 places et les 120 millions d'euros promis en hiver semblent s'être volatilisés au printemps. Face à l'urgence de la crise de logement, la FAS, par la voix de Nathalie Latour, réclame des actes concrets et une politique ambitieuse pour sortir les plus fragiles de la rue.

Une annonce en janvier. C’était au cœur de l’hiver et la France connaissait un épisode de grand froid. Le ministre délégué au logement du moment, Patrice Vergriete annonçait alors débloquer 120 millions d’euros pour « renforcer le système d’hébergement d’urgence ». Cette enveloppe, correspondait à 10 000 places supplémentaires pour répondre aux besoins les plus urgents.

>>> Sur le même sujet : Hébergement d’urgence : 10 000 places supplémentaires annoncées

RAS en mai. Cinq mois plus tard, l’urgence semble toute relative. Au 22 mai, s’étonne la FAS (Fédération des acteurs de la solidarité)  dans un communiqué. Toujours rien. Aucune trace des 120 millions. Un escamotage en règle décrypté par Nathalie Latour, Directrice générale de la fédération.

 

ASH : Dans quel contexte, ces 120 millions étaient-ils promis ?

Nathalie Latour : Cette annonce a été faite au moins de janvier après un débat parlementaire dense dans le cadre du projet de loi de finances où il y avait eu plusieurs amendements adoptés au Sénat et à l’Assemblée pour renforcer les mesures d’hébergement. Ces amendements ont été enlevés par le 49.3 alors que le débat démocratique avait fait le travail. Suite à cela, il y a eu cette annonce du ministre sur les 120 millions. On s’est dit « OK, quelque chose a été entendu ». Mais depuis, ce qu’on comprend, c’est que les 120 millions sont partis dans les airs ! On ne les aura pas. En matière d’hébergement, beaucoup d’annonces sont faites sans être suivies d’effets...

Le fait que Patrice Vergriete qui annonce les 120 millions venait de la gauche macroniste alors que son successeur, Guillaume Kasbarian, est plutôt libéral, a-t-il pu influer sur cette stratégie ou cette non décision ?

On aurait pu se dire : c’est le chant du signe de l’ancien ministre avant qu’il parte. Mais alors à ce moment-là, pourquoi son successeur a-t-il repris ses propos publics devant la représentation nationale ? Comme Christophe Béchu le 13 janvier, Guillaume Kasbarian, le nouveau ministre, a affirmé le 3 avril devant l’Assemblée que cette enveloppe existait bien et qu’elle serait mise en œuvre. Trois fois de suite, trois ministres différents l’ont dit. Cette parole politique ne peut pas flotter dans l’air. Elle doit être suivie d’effets de façon très claire et mise en œuvre pour répondre aux besoins. Ou alors, il faut une expression publique très claire qui affirme que ce n’est pas la priorité du gouvernement d’héberger les personnes sans domicile fixe dans un moment inédit de crise de logement.

Que vous répond-on au gouvernement quand vous réclamez la couleur de ces 120 millions ?

« Oui, oui, oui, ça va être mis en œuvre » ou « Oui mais en même temps, il y a beaucoup de réductions budgétaires en ce moment. Ce n’est pas certain que cette enveloppe soit maintenue ».

Parce que les 120 millions font partie du plan d’économie des 10 milliards annoncés par Bruno Le Maire ?

Non, ça n’en fait pas partie. Le Bop 177 (NDLR :  budget opérationnel de programme « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables ») n’a pas été touché par ces 10 milliards... Mais si ces 120 millions ne font pas partie du décret de réduction budgétaire, alors où sont-ils ?

Quelles sont les conséquences de cet attentisme ? 

Comment on peut admettre un délai pareil quand on connait le nombre de personnes à la rue ? Ces situations perdurent de nombreux mois, elles se détériorent. Elles ont un impact sur la santé, sur le maintien dans l’emploi car il faut rappeler qu’il y a des gens sans domicile fixe qui ont aussi un emploi. Ce sont aussi des enjeux de scolarité. Il y a plein de choses derrière cet attentisme public suite à la parole politique.

Dans le même temps, il y a un flux migratoire vers la province à l’approche des J.O...

Quand les sas régionaux ont été mis en place, le gouvernement pensait probablement qu’il y avait une majorité de sans-papiers sous les métros parisiens. En fait, on s’est rendu compte que la majorité des personnes étaient en demande de protection ou étaient des réfugiés statutaires à plus de 30 %. Pourquoi les gens qui sortent d’un parcours de protection se retrouvent sous les ponts à Paris ? Et je peux assurer que c’est dix fois plus compliqué pour ces personnes qui ont été à la rue, elles ont des problématiques de santé, de psycho-trauma déjà liés au parcours migratoire qui se sont renforcées car on n’a pas été capable d’avoir un accueil digne.

Sans parler de régularisation, on a aujourd’hui énormément de personnes qui ne peuvent même pas revendiquer leurs droits, qui sont bloquées par un mur administratif. Pour déposer une demande de titre de séjour, on a des délais d’attente de plus d’un an !

>>> Sur le même sujet : Sans-domicile : l'impossible choix 

On peut aussi parler des expulsions locatives en hausse qu'on avait pourtant su prévenir au moment de la crise covid.. C’est l’impact de la loi anti squat qui a été portée par celui qui est aujourd’hui ministre du logement. Et ce n’est pas le détricotage de la loi SRU qui va nous y aider. On est vraiment inquiet car l’entrée dans le dispositif d’hébergement est complétement embolisée. Et, dans le même temps, on écoute une rhétorique qui nous emmène dans le mur. Le gouvernement dit : « On n'a jamais mis autant de moyens, donc le débat est clos débrouillez-vous avec ça ». Et nous, on dit : « D’accord, on n’a jamais eu autant de moyens. Mais on a encore plus de 6000 personnes qui ne sont pas pris en charge par le 115. Quelles mesures on prend pour l’accès au logement ? On a besoin de ces 120 millions. Il y a trop de personnes à la rue.»

 

 

 

 

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