ASH : Pourquoi France travail doit-il se co-construire avec les représentants des ateliers et chantiers d’insertion (ACI) ?
Aline Paindavoine : La société du plein emploi, visée par l’Etat, ne peut s’engager sans l’action des acteurs de l’insertion par l’activité économique (IAE) qui permet l’accès au travail aux personnes les plus éloignées de l’emploi. Pour l’heure, concernant la déclinaison du projet de loi aux niveaux régional et départemental, nos réseaux ne disposent d’aucune certitude sur la place qu’ils occuperont dans le dialogue avec les politiques publiques. En tant que nouvelle gouvernance de l’emploi et de l’insertion, l’élaboration de France Travail doit donc associer les représentants des ACI au niveau national.
En quoi les moyens alloués aux structures constituent un premier enjeu ?
En termes de budget, nous naviguons constamment à vue. Cela complique d’abord le chiffrage de nos objectifs d’accompagnement. Chaque année, les montants des aides aux postes qui permettent d’établir le nombre de personnes que nous avons la possibilité d’accompagner sont rediscutés. Le pilotage des structures se voit donc complexifié car il s’agit de variables dont nous n’avons pas connaissance. Pour preuve, j’ai découvert la semaine dernière les montants variables pour l’année 2022 du dispositif que je dirige. De plus, depuis deux ans, il y a des incohérences entre les ambitions portées par l’Etat au niveau national et les moyens alloués sur les territoires. On retrouve d’autres incertitudes relatives à notre fonctionnement parmi certains financements publics que nous percevons et qui représentent 70 % de notre budget global.
Vous insistez également pour que les modalités du volet formation soient inscrites dans la future loi….
Il existe des inégalités de traitement. Par exemple, les structures qui relèvent du portage des collectivités ne peuvent pas faire bénéficier leurs salariés en parcours d’insertion des fonds de formation du Pic IAE [plan d'investissement dans les compétences de l'IAE]. Les salariés des collectivités dépendent, quant à eux, du Centre national de la fonction publique territoriale, donc ces mêmes collectivités n’ont pas toujours des fonds à allouer pour former leurs agents et les personnes en parcours d’insertion. Par ailleurs, des disparités budgétaires demeurent en fonction du nombre de professionnels qui intervient sur un même chantier d’insertion. Il apparaît comme essentiel d’intégrer ce budget spécifique à la loi, afin que l’ensemble des structures puisse en bénéficier.
Pourquoi souhaitez-vous voir généraliser le recours au Fonds social européen (FSE) ?
Il s’agit d’un moyen très utilisé pour assurer le co-financement des postes d’encadrants techniques d’insertion et d’accompagnateurs socio-professionnels. Une part du budget des aides aux postes est fléchée sur ces activités, soit un peu plus de 1 000 € sur 20 000 € par équivalents temps plein par an. Ce montant reste insuffisant pour faire fonctionner une équipe correctement. Pour répondre à ce défi, nous utilisons une part des 30 % de nos recettes propres et nous avons recours au FSE et à l’aide des départements. Actuellement, ces derniers se désengagent de plus en plus et personne ne prend le relais. En outre, certaines structures voient le montant de leur enveloppe FSE baisser et des problématiques relatives à la contractualisation avec le fonds s’installer. Par exemple, la signature de l’aide accordée à la structure dans laquelle j’exerce, pour 2022, a lieu ce mois-ci. Ces données inconnues impactent lourdement nos exercices comptables. Nous ne pouvons pas toujours compter sur nos fonds propres. La société du « plein emploi » nécessite d’aider les personnes les plus fragiles. L’ACI que je dirige voit 60 % à 70 % de ses salariés sortir du dispositif avec une solution professionnelle, après onze mois d’accompagnement en moyenne.