Il ne faut pas se fier à l’imposante carrure de ce labrador noir. Ravel, 2 ans et demi, est aussi doux qu’un agneau. Après une formation de deux ans, il est arrivé le 17 janvier 2022 à l’unité médico-judiciaire (IMJ) du centre hospitalier de Saint-Lô, dans la Manche, et y a rapidement trouvé sa place. Sa mission : accompagner les mineurs victimes d’infractions pénales dans tous les actes de la procédure pénale. Il travaille avec les deux psychologues et les enquêteurs de l’unité. Ravel est le deuxième chien d’assistance judiciaire déployé dans une UMJ française. Cinq autres interviennent directement dans les tribunaux comme cela se fait depuis plusieurs années au Canada ou aux Etats-Unis. Un chien vient d’intégrer la cellule de protection des familles de la compagnie de gendarmerie de Vannes (Morbihan). Soutenu par le ministère de la Justice, l’association Handi’Chiens qui éduque les animaux, et La Voix de l’enfant qui prend en charge la nourriture et les soins vétérinaires, le projet s’intègre dans une démarche globale d’amélioration de la prise en charge des victimes. « Notre projet requérait un chien doté d’un tempérament spécifique. Ravel a été choisi car il est excessivement calme, souligne Emilie Morançais, psychologue et référente du chien. Il doit être capable de rester près d’un enfant pendant deux heures, d’être sollicité, caressé, embêté sans aucune réaction. »
Ravel a déjà participé à plus de 200 auditions. Sa contribution commence dès l’accueil. « Quand les enfants arrivent dans ce service, à l’hôpital, ils doivent parler d’un sujet compliqué alors qu’ils ne nous connaissent pas et que la présence des parents n’est pas permise. Grâce à Ravel, le moment de la séparation se passe beaucoup plus facilement », remarque Béatrice Auvray, la seconde psychologue. La famille est elle aussi plus détendue. Le chien dédramatise la rencontre. Vient ensuite le temps de l’audition avec l’enquêteur. Allongé à côté de l’enfant sur le canapé, Ravel lui offre un soutien discret. Il n’a d’autre rôle que d’être à sa disposition. Une vitre sans tain permet aux psychologues d’observer dans une autre salle. « Les enquêteurs craignaient que le chien distraie l’enfant, c’est tout le contraire qui se produit, explique Emilie Morançais. Quand les enfants sont agités, hyperactifs, ils arrivent à mieux se concentrer car ils interagissent en même temps avec l’animal. Ce n’est pas un chien comme les autres. Il ne joue pas, ne sollicite pas l’enfant. Si le mineur a des gestes brusques, s’il lui triture la truffe, Ravel prend sur lui. »
Enfants et enquêteurs plus détendus
Le chien agit comme un régulateur des émotions. Moins stressés, les enfants ont tendance à moins inhiber leur pensée. « Une petite fille nous a même confié que sans lui, elle n’aurait jamais réussi à témoigner », affirme la psychologue. Les enquêteurs sont eux aussi plus détendus. « Ils se sentent soutenus par le chien et ont moins l’impression de porter seuls la charge émotionnelle des enfants », ajoute-t-elle. Sa collègue se souvient d’un mineur dont la première audition avait été compliquée et qui avait dû revenir. « Entre temps, on avait accueilli Ravel. Cet enfant est arrivé tout sourire avec la photo du chien découpée dans la presse et tout s’est ensuite bien déroulé. » La présence du chien apporte plus de légèreté à la rencontre et évite que la révélation de la parole soit vécue comme un nouveau traumatisme. L’arrivée de Ravel a également permis d’ouvrir les portes du service en aiguisant la curiosité des collègues. « Depuis que Ravel est présent à l’hôpital, beaucoup de professionnels viennent nous parler. Aujourd’hui, je ne me verrais plus travailler sans chien », assure Emilie Morançais qui héberge Ravel chez elle après le travail.
