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Exil : à Calais, une « interasso » fédératrice

L'interasso, c'est d'abord se connaître, se parler avant de décider d'actions collectives.

Crédit photo Louis Witter
 Depuis 2014, « l’interasso » de Calais réunit chaque mardi les principales associations qui œuvrent sur le terrain auprès des personnes exilées. Trois heures d’échanges qui permettent à ces organisations d’allier leurs forces dans leur combat quotidien en faveur de ces publics.

Il est un peu moins de 14 h ce mardi 9 novembre, lorsque les visages que l’on croise habituellement au hangar des associations ou sur les campements, garent leur voiture ou leur camionnette sur le trottoir du Secours catholique de Calais. Ils se saluent, fument une dernière cigarette avant d’entrer dans la grande salle de l’accueil de jour qui, chaque mardi, sert de quartier général aux associatifs. Quelques tables, des multiprises et surtout : une bonne carafe de café.

Ils ne sont pas forcément représentants de leurs associations respectives mais, ce jour-là, tous portent la voix de leurs bénévoles. La tradition de l’interasso veut qu’au point de situation, qui voit chaque organisation présenter ses remontées de terrain, celles qui distribuent la nourriture et l’eau commencent. Salam tout d’abord, sûrement l’association figurant depuis le plus longtemps à ces réunions. Celle qui est présente depuis près de vingt ans sur les campements calaisiens et qui intervient à de nombreux endroits pour les repas et les petits déjeuners. Puis Refugee Community Kitchen, la grande cuisine du hangar des assos qui prépare et sert des dizaines de milliers de repas chaque année. Et Calais Food Collective, qui s’occupe de l’accès à l’eau  sur de nombreux campements.

Autour de la table, se trouve aussi le Secours catholique. L'association propose un accueil de jour et un accompagnement pour les personnes qui le souhaitent. Il ya aussi Utopia 56, qui maraude quotidiennement sur les campements et les plages lors des départs.  Et puis encore La Cabane Juridique, Médecins du Monde, Human Rights Observers, l’Auberge des Migrants, la Croix-Rouge, Shanti, ECPAT…

« Nos divergences dans la poche »

Claire Millot, secrétaire générale de Salam, représente l’association aux interassos depuis 2014. « Au début, nous nous retrouvions dans un petit bistrot. Nous étions alors une dizaine », raconte-t-elle, se souvenant que « 2014 a marqué le début de la crise migratoire et d’un afflux important de personnes à Calais et Grande-Synthe ». C'était alors l'occasion de parler de ce qui se passait, tant avec les grosses associations que les plus petites. Des années plus tard, l’interasso a pris place dans les locaux du Secours catholique. Son fonctionnement s’est professionnalisé. Ces dernières semaines, le tissu associatif est en presque en totalité aligné sur les revendications portées par les grévistes de la faim Anaïs Vogel et Ludovic Holbein. « Il y a une volonté politique du gouvernement de ne pas accueillir, c’est un constat que l’on partage tous. Alors avec cette grève de la faim, on a un peu mis nos divergences dans notre poche pour nous concentrer sur ces revendications », conclut Claire Millot.

En 2016, lors de l’expulsion de la grande « jungle », un bidonville qui a pu abriter jusqu’à 10 000 personnes, l’interasso cesse de se réunir de manière hebdomadaire. Pourtant, dès le mois de décembre de cette même année, de nombreuses personnes exilées arrivent de nouveau sur la Côte d’Opale pour tenter la traversée vers le Royaume-Uni. Ce qui a mécaniquement rendu son caractère hebdomadaire à ce temps d’échange.

« Confronter les idées, partager les infos »

Fédérer des associations qui ne partagent pas forcément les mêmes points de vue ou façons de lutter n’est pas de tout repos. Nathanaël Caillaux, qui a été coordinateur de la Plateforme de soutien aux migrants (PSM) et a animé l’interasso jusqu’en septembre 2018, souligne qu’il s’agit « d’un défi presque quotidien qu’essaye de relever la Plateforme de soutien aux migrants depuis le début de l’interasso. L'enjeu est d’abord que les acteurs se connaissent, se parlent, avant même de décider d’actions collectives. » Le but n’est pas, selon lui, de s’entendre à tout prix, mais « de partager des infos, de confronter les idées et de faire naître des choses. Pas nécessairement et, loin de là, de dire des choses ensemble. »

Claire Millot comme Nathanaël Caillaux constatent que depuis l’expulsion de la jungle en 2016, le lien entre ces organisations non gouvernementales et l’État s’est réduit presque à néant. Pour l’ancien coordinateur de la PSM, « Les autorités voulaient le dialogue. Elles mettaient en œuvre des choses qui permettaient que les échanges ne soient pas seulement des points de vue, balayés d’un revers de la main. » Mais depuis le changement de politique et le but affiché des autorités du zéro point de fixation, les discussions ont cessé.

Depuis plusieurs mois et comme le soulignent les deux grévistes de la faim, les préfectures n’offrent pas un espace de dialogue serein à l’interasso calaisienne. Pour Nathanaël Caillaux, cette situation empêche toute « amélioration des conditions de vie pour les personnes » exilées.

Société

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